Cela doit certainement être très étrange que d'avoir deux oreilles gauches. A-t-on alors aussi deux hémisphères droits au cerveau ? Perd-on fréquemment l'équilibre ? Entend-on la musique en double mono ?
Quoi qu'il en soit, si avoir deux oreilles revient à faire des albums comme ce Lazy Trace, ça a l'air plutôt marrant, en fait !
Entourés de quelques musiciens invités, comme Pierre St Didier, le batteur de Brisa Roché ou encore la chanteuse Asako Fujimoto, le duo joue avec les sons et les rythmes comme un enfant qui découvrirait un jeu de construction. Ils imbriquent, démontent, remontent, expérimentent et surtout arrivent à des résultats que personne n'aurait pu prévoir.
On se retrouve avec une electonica ludique et pleine de curiosités et de surprises, bonnes et moins bonnes.
Tout, en effet, sur ce Lazy Trace, n'est pas forcément facile d'accès et certains morceaux sont à réserver indubitablement aux experts du genre. C'est le cas par exemple du très abstract "Red wine and cigarettes", complètement déconstruit et assez perturbant pour qui aurait une santé mentale fragile, moi par exemple. Cette suite de sons electronica, sans réelle structure pour les relier entre eux, est pour le moins perturbante, ce qui en ce sens en fait un morceau réussi parfaitement.
Mais tout n'est pas aussi abstract et déglingué. La plupart du temps, on pourra même se rassurer avec quelques repères connus comme le trip hop de "While Time Was Leaving Streets and Corners" ou le certes étonnant mais finalement rassurant chant de Asako Fujimoto sur "Birds under valium" le bien nommé. On se balade sans transition entre la musique expérimentale de Xiu Xiu, l'abstract d'Amon Tobin ou des regrettés Abstrackt Keal Agram.
Si l'album se tient assez bien sur la longueur malgré son côté anxiogène, il sera pour la plupart d'entre nous difficile de l'écouter d'une traite, en tout cas de manière répétée. Néanmoins, quelques titres sortent du lot et se laissent plus facilement apprivoiser. C'est le cas de "While Time Was Leaving Streets and Corners" qui entremêle habilement mélodies et bricolages sonores, ou "Overnight Scratch" aux boucles ultra-entêtantes qui rappellent d'autres français à l'aise avec les samples que sont les All the stars fall.
Un disque à ne pas mettre entre toutes les oreilles donc mais une belle réussite globale, à ranger au rayon des musiques expérimentales, voire contemporaines et à ressortir entre amis très select. |