The Monochrome Set est un groupe de pop anglaise de la fin des années 70, reformé depuis quelques années. La signification de son nom – "Téléviseur en noir et blanc" − pouvait donner à ceux qui ne le connaissaient pas une idée sur ce qu’ils pouvaient espérer entendre : quelque chose de décalé et de terriblement anglais comme une pop sans couleurs n’en perdant pas moins ses nuances.
A l’occasion de ce concert de mars 2011, on pouvait aussi s’attendre à découvrir quelques réminiscences new-yorkaises de la grande époque (velvétiennes par exemple). Il s’agissait là plus d’un désir que d’une curiosité. Mais à l’heure des reformations systématiques nos regards se tournent plus vers un passé révolu que vers un futur (ou un devenir) probable : la nostalgie définit notre rapport à la musique ; elle précise la mémoire en proposant de nouveaux mensonges. The Monochrome Set est un autre mensonge : il est le nom d’un groupe qui n’existe plus ; il désigne l’absence, comme le nom de Wire désignait il y a quelques mois celle d’un phénomène populaire soi-disant culte.
Mais à la différence avec ce groupe-ci, The Monochrome est resté digne − la dignité de l’absence plutôt que l’absence de dignité. Durant un peu plus d’une heure se succédaient des chansons égales, se déclinant selon la même structure : répétitions sans différences dont l’objectif était donc de célébrer un temps mort. A écouter ces chansons se répliquant sans fin une idée m’était venue : et si finalement l’enjeu de la pop était dans cet art de la répétition. Un succès dans les années 80 a bien eu lieu, il convient alors de le réactiver, quitte à mettre en jeu une attitude, changée pour l’occasion en étrange posture. Les musiciens en effet semblaient mimer ce qu’ils ne parvenaient plus à exprimer.
Mais le chanteur Bid est parvenu à effacer cet état figé par sa simplicité et sa gaieté. Lui seul dominait le concert : s’abritant derrière son pupitre de chansons qui matérialisait sans doute sa difficulté à être vraiment présent, il offrait au public de beaux moments − sa voix puisant suffisamment d’énergie dans le grave pour contraindre son groupe à le suivre, et donc à effacer quelques moments la futilité de solos de guitares récurrents.
Le groupe bordelais JFG & The Regulars a ouvert la soirée avec un divertissement acoustique faussement drôle. Rien de remarquable à relever dans cette musique sans caractère, hormis quelques numéros de grandiloquence entre chaque titre. On sent le groupe qui veut bien faire et qui s’y croit. Mais les clichés tenaces sont impossibles à rassasier. Du coup la maladresse à les cacher crée dans ce folk banal une grande rigidité. Cela dit l’insignifiance de certains groupes n’est pas à négliger ; elle est même nécessaire.
C’est à partir du degré zéro de l’écriture que l’on peut juger correctement ceux qui s’élèvent ; et que l’on mesure alors le chemin parcouru. Mon jugement sur ce groupe n’est alors pas définitif : peut-être qu’un jour je regretterai ces lignes comme d’autres que j’ai pu écrire ; mais je ne suis pas quelqu’un qui se corrige. En attendant je prends le parti de l’insouciance, continuant à chercher le refuge (musical) qui se définit contre "tout le machinal du monde". |