Comédie féérique d'après l'oeuvre de Jules supervielle, mise en scène de Michaël Dusautoy, avec Matthieu Boulet,
Valentine Carette,
Claire Corlier, François Kergourlay,
Catherine Mongodin
et Damien Saugeon.
Avec "Le projet RW", délicieux spectacle qui proposait une éloge de la promenade poétique à partir de l'oeuvre de Robet Walser, le Collectif Quatre Ailes avait placé haut non seulement la barre mais l'attente du spectateur.
Il s'impose un nouveau, et réussi, challenge, en exhumant un autre poète tombé dans l'oubli, du moins du grand public, et en investissant le registre de la comédie féérique avec "La Belle au Bois" de Jules Supervielle qui lui permet de se renouveler tout en imposant son univers artistique et son choix d'une approche théâtrale pluridisciplinaire.
Dans cet opus théâtral écrit en 1932, Jules Supervielle procède de manière transgressive, par hybridation avec d'autres contes, à une réécriture tant poétique que philosophique du célèbre conte de Perrault en y instillant également une métaphore de la modernité au dénouement inattendu.
La jeune princesse, déterminée et résolument moderne, veut connaître le monde et , n'ayant pas peur du grand méchant loup, tombe amoureuse du terrible Barbe-Bleue, victime de sa réputation, qui tombe en pâmoison rédemptrice.
Mais c'est sans compter sur la vigilance de la marraine soucieuse de la fleur de sa filleule, une fée tricoteuse aux pouvoirs émoussés qui brûle ses dernières cartouches, et du chat botté, dont la condition de créature animale dotée de quelques attributs humains n'est pas facile à gérer au quotidien avec sa libido. Et que se passera-t-il, plusieurs siècles après, au réveil de ce petit monde ?
Dans un étonnant et pertinent décor de Perrine Leclere-Bailly reconstituant la chambre de la belle envahie de quenouilles avec un fond de scène tricoté par le Collectif France-Tricot, Michaël Dusautoy dirige avec efficacité un travail scénique et plastique qui mêle avec bonheur intelligence et fantaisie, onirisme et contemporanéité, et comporte plusieurs niveaux de lecture l'érigeant en spectacle tout public.
Joliment habillés par Gwenn Tillenon qui a conçu de pétulants costumes symboliques, les comédiens jouent parfaitement le jeu avec le sens de la mesure pour créer le décalage loufoque propice à la distanciation. Matthieu Boulet est le prince qui n'a de charmant que le nom et Claire Corlier l'accorte et dodue cuisinière.
Damien Saugeon, comédien et acrobate aérien, campe un chat aussi agile que frustré sans verser dans la caricature animalière et Catherine Mongodin apporte beaucoup d'humour au personnage de la marraine.
Quant au couple d'amoureux hors normes, Valentine Carette, en tunique de fleurs rose, est parfaite en délicieuse nymphette qui, bien qu'évoquant un personnage de fairy tales du 19ème siècle, manifeste un sacré tempérament face à l'excellent François Kergourlay, voix de stentor et allure de guerrier mongol. |