Cali
est sans aucun doute une des révélations de la chanson
française 2003. Son premier album L'amour
parfait, dont le titre "C'est quand
le bonheur?" a inondé les ondes, a su rencontrer
un vrai et fidèle public qui l'a suivi tout au long de sa
tournée-marathon. Il n'attendait rien mais sa réussite
n'est pas due au hasard : il a derrière lui des années
de travail.
Réservé, sensible, presque intimidé devant
les micros, il parle de son métier, de ses projets professionnels,
de sa nouvelle vie mais reste vigilant...pour garder la tête
sur les épaules.
Cela représente quoi pour vous d'être
à Solidays?
Cali : Je suis très impressionné
et très fier que l'on ait fait appel à nous parce
que nous suivons cette cause depuis toujours.
Quel doit être le rôle d'un artiste
dans la société?
Cali : Je crois qu'il ne faut pas en dire trop.
Il faut faire attention et j'ai toujours peur des groupes qui développent
des discours politiques et font des mauvaises chansons car cela
dessert la cause qu’ils sont censés servir.
Quel souvenir retenez-vous de vos débuts
?
Cali : J’ai fêté mes 36 ans
il y a quelques jours et démarré à 17 ans.
Chaque année il se passe quelque chose de plus que l'année
précédente. J'ai le souvenir de mon premier groupe
qui était très punk et quand on jouait on n'arrivait
pas à s'accorder. On poussait des cris, c'était très
frais.
Une anecdote de votre vie d'étudiant?
Cali : Un bon souvenir est un concert que j’ai
donné dans mon lycée avec un groupe très punk.
Tous les professeurs étaient là. J'étais très
fier et juste avant le concert on m'a dit : "Alors Bruno, tu
joues ce soir, on est très fier de toi !" Et puis on
s'est fait virer au bout de 3 morceaux parce qu'il y avait le mot
"encule" dans les paroles.
Vous avez évoqué votre parcours
depuis vos jeunes années. En un an vous êtes passé
du café de la Danse pour un concert promo lors de la sortie
de votre album à l’émission Vivement Dimanche
de Michel Drucker. Est-ce le parcours que vous ambitionniez ?
Cali : Je ne souhaitais rien au départ.
Je subis et j’apprécie. quand on me dit ça va
vite je réponds que j’ai mis 20 ans à aller
très vite. Tout ce que j’ai vécu auparavant,
toutes les aventures antérieures, me permettent de passer
certains paliers que d’autres mettent peut être plus
de temps à passer.
Vous tournez depuis un an avec votre album. Eprouvez-vous
un début de lassitude vis-à-vis de ses morceaux et
un prochain album est-il déjà en préparation
?
Cali : Lassitude, non parce que nous avons la chance
de partir de pas grand chose pour arriver à quelque chose
de plutôt pas mal aujourd’hui. Nous avons côtoyé
tous les types de salles en France depuis celles de 50 personnes
jusqu’à celles de 6 000. Donc il n’y a pas de
lassitude possible. Quant aux nouveaux titres, nous en proposons
quelque uns sur scène aujourd’hui. D’autres arrivent.
Nous les travaillons dans le bus en tournée.
Quelle est votre actualité proche ?
Cali : Ce matin nous avons mixé un DVD du
concert au Bataclan du 26 mai 2004. C’est assez difficile
de se regarder car on voit tous les défauts. Mais c’est
également émouvant car on se dit que peut être
l’an prochain j’existerais plus ou il y aura plus les
mêmes musiciens parce qu’ils voudront plus jouer avec
moi. Ça c’est touchant. J’ai voulu que les bonus
qui figureront dans le DVD ne soient pas que des brouillons de ce
qu’on n’a pas mis dans le live. Régis Mansart
qui est le réalisateur de mon clip du titre C’est quand
le bonheur ? s’est attelé au projet et nous avons monté
des trucs surprenants avec des amis comme Dyonisos.
Quelle est la date de sortie prévue ?
Cali : Septembre. Pour le prochain album, nous
envisageons un enregistrement en avril 2005.
Comment s’est fait le choix du morceau L’amour
parfait comme bonus pour la réédition de votre album
?
Cali : Lors de l’enregistrement du premier
album nous avions enregistré 17 chansons dont 13 figurent
sur l’album. Il en restait donc 4. L’une vieillit trop
vite, que je veux quasiment l'oublier, donc on en parle pas. Il
y avait "La vie parfaite" que l’on développe
sur scène et qui nous touche beaucoup. C’est la raison
pour laquelle nous l’avons proposé en bonus. Nous jouerons
sur scène aujourd’hui une troisième, "L’amour
m’a tué". Quant à la 4ème, sur l’inceste,
elle reste encore dans les cartons pour le moment. C’est un
texte fort et je cherche un réalisateur pour un format court-métrage
qui pourrait y coller des images.
Vous avez une préférence quant au
choix du réalisateur ?
Cali : Je préfère que ce soit l’inverse.
Le public qui vous suit est plutôt jeune.
Pensez-vous qu’il ait besoin d’être encadré
face aux risques encourus comme le sida ?
Cali : Vue l’évolution des chiffres
quant au nombre des malades atteints du sida, il est clair que les
jeunes ne sont pas assez conscients du réel danger. Mais
j’ose espérer aussi que tous ceux qui viennent à
Solidays sont plus sensibilisés.
L’amour que vous donne le public ressemble-t-il
à l’amour parfait ? (sic !)
Cali : Je dirais non parce que l’amour parfait
est l’amour absolu, total. On m’a souvent demandé
ma définition de l’amour parfait. Pour moi l’amour
parfait, celui que je vis, c’est des moments très hauts
et puis il y a des moments très bas, de détresse totale.
Cette année avec le public c'est une histoire d'amour très
bizarre.
Ces moments de détresse sont essentiels
pour votre inspiration ?
Cali : Je ne les recherche pas. C’est juste
comme ça. Je me pose trop de questions. Quand tout va très
bien je me demande pourquoi tout va très bien.
Vous avez des dates de prévues jusqu’en
décembre. Allez-vous prendre quelques vacances ?
Cali : Je sus assez fière de cette tournée
car c’est un marathon et nous tenons le coup pour le moment.
Cela représente 160 dates. Nous avons gardé pour nous
du 20 août au 20 septembre pour plus nous voir du tout car
cela commence à devenir impossible.
Est-ce plus excitant de venir jouer dans un festival
pour venir chercher un public qui n'est pas forcément le
vôtre, celui qui vient voir vos concerts?
Cali : Je ne dirais pas excitant. C’est toujours
rassurant de voir les amis venir à vos concerts. Des têtes
inconnues qui commencent à sourire c’est aussi gratifiant.
La particularité du festival pour moi est la rencontre avec
les autres artistes. Et je trouve ça génial. Nous
avons fait un festival à Aix les Bains où nous avons
perdu au foot contre les M mais gagné à la pétanque
contre les Sansévérino.
Quel serait votre grand rêve ?
Cali : Je ne veux rien du tout et je prends tout.
Je n’ai même jamais pensé à tout ce qui
se passe maintenant. Pour l'instant tout va bien, j'ai la tête
sur les épaules. Je me dis que quand je vais arrêter
cela sera sans doute surprenant pour moi. Quant aux rêves,
j’aimerai bien un jour faire la première partie de
Nick Cave. J’aimerai inventer un hymne pour une bonne cause
avec aux chœurs masculins Mick Jagger, Bono et Bowie, aux choeurs
féminins Annie Lennox, Chrissie Hynde, au piano Tom Waits,
à la batterie Steward Copland, une chorégraphie avec
Léo Ferré et Mick Jagger allongé nu par terre
devant.
Assisterez-vous au concert de Nick Cave à
Paris en novembre ?
Cali : J’ai raté son concert du 3
juin, j’ai raté aussi les Waterboys dont je suis très
fan en janvier parce que nous jouions ces soirs-là. C’est
l’horreur. Nous jouons beaucoup en novembre mais je vais faire
tout mon possible.
Vous attendiez-vous à une aussi bonne réception
du public pour des chansons qui sont très personnelles et
intimistes ?
Cali : Je ne m’attendais à rien. Le
plus important c’est d’être fier de ce que je
fais. Il y a quelques années ce n’était pas
le cas. Je n’étais pas spécialement fier de
mes textes et quand on mixait les chansons je demandais toujours
que l’on baisse la voix. Aujourd’hui, et ce n’est
pas pour faire le malin mais je demande à ce qu’on
monte la voix, qu’on la mette très devant. J’articule
beaucoup lors des concerts parce que je suis fier de tout ce qui
se passe et que cela me fait du bien aussi. Ce que je raconte m’est
arrivé mais est arrivé aussi à plein d’autres
personnes. Ce qui est troublant ce sont les gens qui viennent m’en
parler à la fin du concert en disant : "C’est
ma vie".
La chanson est une thérapie ?
Cali : Oui. Il y a l’idée de ne plus
mentir du tout, ou pas trop. J’ai souvent été
un grand menteur, un imposteur total. Et quand tu te couches le
soir tu te dis : "C’est pas bien ce que tu dis car ce
n'est pas la vérité". Et là aujourd’hui
c’est tellement vrai, je le dis. Je sors de là lavé
et heureux. C’est bien de ne pas tricher et de s’en
rendre compte. On m’avait posé cette question et j’avais
répondu 2–3 fois que depuis, ce qui était troublant
c’est que, j’ai des frères et des sœurs,
2 de mes sœurs me parlent de choses précises avec moi
sur ma vie. Ce qui est parfois tabou dans les familles.
Le titre de l’album est "L'amour parfait"
parce que vous êtes à sa recherche ou c'est le sens
de vos chansons ?
Je suis fan de Brautigan et au début quand
je choisissais un titre il faisait 4 lignes, des trucs anti-commerciaux
au possible que tu ne peux pas retenir. Ça faisait beaucoup
rire et ça me plaisait. Didier Varot de France Inter m'a
dit "Mais cet album c'est l'amour parfait !". Et le titre
était trouvé. Deux mots pour un titre qui a toujours
autant de relief pour moi.
Comment se passait l'écriture des morceaux?
Dans de grands moments de déprime?
Cali : Non, ce n'était pas de la déprime.
J'étais seul dans mon studio, la guitare dans la cuisine
et le piano dans le salon dans un bordel de célibataire.
L'idée était d'attraper des moments d'émotion
hors vie. Quand on est heureux, perché, ailleurs après
une lecture ou un film. A ce moment là on écrit, et
quand on sent ce moment retomber il n'y a plus rien à dire.
Il faut s'arrêter sinon c'est du remplissage. Aujourd'hui,
j'écris dans le bus et l'hôtel. L'écriture c'est
mon truc. Si aujourd'hui plus personne ne veut de moi et que je
fais un autre métier pour vivre, je continuerai à
écrire des chansons.
Est-ce une bonne idée d’organiser
un festival autour d’une maladie ?
Cali : Il ne faut pas dénigrer le côté
financier. J’ai demandé à mes musiciens et ils
ont accepté de ne pas être payés aujourd’hui.
Ce festival doit remplir les caisses. Solidays c’est super.
Mais je crois aussi à des événements nationaux.
Parce que Solidays n’a pas beaucoup d’écho à
Perpignan d’où je viens. Nous sommes derrière
les Têtes Raides avec leur Chaos social et le 25 septembre
prochain nous organisons un concert nous à Perpignan eux
à Paris et nous espérons qu'il y en aura plein dans
d'autres villes pour dire qu'il se passe quelque chose partout ce
jour-là. Il faudrait que Solidays existe partout en France
le même jour. Il y a eu le Band aid il y a quelques années...
Le problème c'est qu'il y a toujours des
connards pour dire que les artistes devraient se contenter de chanter.
Or, il y a des gens qui savent chanter et qui ont la conscience
et l'intelligence de pouvoir bouger les choses. Les critiques contre
Bono me révoltent. Dans le festival j'ai rencontré
des gens responsables et intelligents. Il y a une bonne scène
et on pourrait faire des choses.
Cela vous plairait-il d'écrire une musique
de films?
Cali : Oui, beaucoup. L'idée de poser de
la musique sur des images…waouh
Qu'est ce qui est le plus angoissant dans une
tournée?
Cali
: C'est de ne pas être avec ma famille. Nous faisons 160 dates
cette année et quand on ne joue pas je fais la promo. Comme
je suis de Perpignan je dois monter à Paris. Je fais un métier
d'égoïste. Ma famille est fière de ce que je
fais mais je ne suis jamais là. Et cela fait partie des petits
mensonges de ma vie. Je ne raconte pas tout. Quand il se passe des
choses très belles je dis que c'était bien mais je
ne dis jamais qu'on s'est éclaté parce que les miens
n'étaient pas là pour le vivre. C'est le prochain
palier de ma carrière. Aujourd'hui c'est de bien avancer
professionnellement pour ramener ma vie de famille à côté.
Sinon ce n'est pas la peine de continuer.
Vous seriez prêt à arrêter
pour votre famille ?
Cali : Oui.
Grand blanc...
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