Comédie dramatique de Martin Sperr, mise en scène de Nicole Gros, avec Isabelle Desalos, Jeanne Carré, Marie Véronique Raban, Muriel Adam, Stéphanie Truong, Laetitia Bertheuil, Jeff Esperansa, Ludovic Coquin, Jean Marzouk, Frédéric Morel, Jack Gallon, Franck Delage, Guy Bourgeois (ou Julien Lifszyc).
"Scènes de chasse en Bavière" du dramaturge allemand Martin Sperr, qui a été porté à l'écran de façon magistrale par Peter Fleischmann à la fin des années 60, traite de manière radicale et désespérante, du fascisme rampant, le fascisme dit "ordinaire", qui se développe au sein d'une petite communauté villageoise à la fin de la seconde guerre mondiale.
Appartenant à la génération de dramaturges allemands qui travaillent l'analyse reichienne développée dans "La psychologie de masse du fascisme", il cerne, et révèle, la latence d'une sorte d'exsudat organiciste délétère qui, inéluctablement, contamine les esprits par l'effet combiné de l'oppression et de l'exclusion. Et chez Sperr, il n'y a ni rédemption, ni excuse absolutoire pour l'homme qui n'agit ni sous la contrainte ni même sous l'emprise criminelle d'une conviction politique, ni même d'échappatoire à ce qui ressortit à la nature même de l'homme.
Cette tragédie pastorale montre comment, certes dans un petit village gangrené par l'autarcie dans une région considérée comme le berceau de l’extrême-droite allemande, des individus eux-aussi ordinaires, mais d'une bêtise crasse, forment une entité sociétale à géométrie variable qui agit et réagit de manière proleptique au point de procéder à une curée humaine pour chasser des peurs ataviques et conforter leur appartenance à un groupe.
Après avoir tourné autour de plusieurs boucs émissaires potentiels issus du village, la putain (Isabelle Desalos), la veuve de guerre vite consolée (Jeanne Carré) et son fils l'idiot (Ludovic Coquin) et sous la bénédiction des autorités locales, le curé (Jack Gallon) et le bourgmestre (Franck Delage) soucieux qui de son denier du culte, qui de sa réélection, ils (Muriel Adam, Stéphanie Truong, Laetitia Bertheuil, Jean Marzouk, Julien Lifszyc, Gérard Cheylus, Frédéric Morel et les mères pathétiques qui se rallient à la meute) trouvent enfin la victime idéale en la personne du fils de l'étrangère (Marie Véronique Raban) qui aurait été emprisonné pour homosexualité, et victime désignée par son attitude de bête traquée (Jeff Esperansa).
Maîtrisant totalement cet ardu registre dramaturgique, Nicole Gros met en scène cette terrifiante dissection de l'âme humaine, qui montre l'homme à l'homme dans ce qu'il a de plus noir, de manière aussi percutante que réaliste sans verser dans le naturalisme.
La troupe de comédiens aguerris excelle dans l'incarnation de ces monstres du quotidien mus par une peur viscérale, peur de la guerre, peur de la grande ville, peur de l'autre et peur du rejet par le groupe, et encadrent parfaitement les trois jeunes comédiens 'Isabelle Desalos, Jeff Esperansa et Ludovic Coquin) qui expriment, chacun à leur manière et à la hauteur de leur partition, un beau potentiel dramatique. |