Je me souviens de cette soirée, celle dont personne ne se souvient, celle dans un bar où l'alcool a coulé à flot.
Au cours de cette soirée, un ami (appelons le M. Welsh) me vante les mérites des Young Gods, je ne connais pas ce groupe, mais on me le présente
ici comme le meilleur groupe du monde.
Deux jours plus tard, je reçois un mail de la rédaction me proposant d'aller voir les Young Gods en Belgique, qui me parle
une nouvelle fois de meilleur groupe du monde. Intrigué, j'accepte et me voici donc en Belgique, au 4AD, pour savoir si la rumeur est fondée ou non.
On ne va pas se mentir, l'on m'avait également prévenu que la bière était bon marché et donc profitable.
D'ailleurs, les frigos situés à l'arrière du bar me rappellent étrangement ceux que l'on peut trouver dans une morgue, ceux où l'on met
les cercueils. De plus, si la bière n'est pas à votre goût, il est possible de commander un cercueil (cocktail pour inconscient).
C'est donc dans une atmosphère portée par la métablague que Cercueil ouvre le bal. Dès les premières notes, le ton est donné, l'ambiance est glaciale, la lumière froide, je suis vivant mais j'ai peur.
Malgré une atmosphère tendue,
le trio emporte le public avec brio, grâce à des rythmiques aussi efficaces qu'entêtantes qui invitent à découvrir
le côté sombre de l'ecstasy et donc la transe.
Il en sera d'ailleurs beaucoup question ce soir. Par transe, j'entends bien evidemment dédoublement
de personnalité, la salle se remplissant mystérieusement de doubles maléfiques pendant l'entracte.
Ils sont plus ou moins effrayants, sexuellement libérés, ou proches
de Harvey Dent/Double-Face car tombés dans l'acide et prêts à accueillir l'explosion de trans-electro psychédélique des Young Gods.
Comme dit précédemment, je ne connaissais pas ce groupe, et j'ai décidé de ne pas écouter avant le concert. Il m'est donc
impossible de parler de telle ou telle chanson.
En revanche, j'ai eu très peur lors de la deuxième chanson, lorsque le chanteur
s'est mis à chanter en français "tout le monde". Je me suis dit "Dear Lord, encore un connard qui veut jouer dans la même cour de tocard que Megadeth ("A tout le monde", cette chanson admirablement médiocre).
Mais cette impression s'est vite dissipée et j'ai repensé à une théorie de Chuck
Klosterman sur Led Zeppelin. Cette théorie prétend que le dirigeable devient obligatoirement le groupe préféré de quiconque l'écoute, que cela dure l'espace d'une seconde, ou d'une vie.
Et c'est en se basant sur cette théorie que les Young Gods étaient
effectivement le meilleur groupe du monde hier soir. Mais finalement est-ce un exploit ?
Je me souviens d'avoir assisté à un concert
intimiste d'un mauvais groupe garage, The Nominals, et malgré le fait qu'ils ne savaient pas jouer, leur dernier morceau fut un grand moment de musique, parfaitement interprété avec une sincérité proche des seins de Marianne Faithfull, une fraîche journée de printemps dans la campagne anglaise.
Et paradoxalement, ce groupe
minable fut à ce moment précis le meilleur groupe du monde, oui Monsieur ! Par contre, les Young Gods le sont pendant plus de deux heures, et quasiment tout les soirs et ce, depuis 20 ans.
Alors je ne dirais pas que M. Welsh a raison, je dirais simplement qu'il n'a pas tort ! |