Elle est jolie, l'histoire de ce jeune musicien un rien paresseux qui apprend l'harmonica en s'imaginant l'instrument peu exigeant ; un rien culotté qui s'adjoint deux featuring d'Archie Shepp sur son deuxième album (le premier, Mainly Blue étant passé en 2006 à peu près totalement inaperçu du public). L'histoire d'un musicien lunaire, égaré comme sait l'être à l'écran Louis Garrel (qui justement réalise le clip du single Better with butter), c'est-à-dire : un peu comme savait l'être Jean-Pierre Léaud. Les ahuris géniaux.
Elle est jolie, c'est vrai, cette histoire, que l'on entend un peu partout ; et s'il faudra en toute objectivité encore un peu de temps pour déterminer s'il n'y a là qu'une hype passagère, Pasimania aussi creuse que bien écrite, ou s'il s'agit d'un authentique second premier pas, on aurait envie, sur la foi d'un seul grandiose "Farewell my love", de fermer les yeux et d'y croire (par parenthèse, on est persuadé que ce titre, en guise de héraut, aurait été bien better, justement, que le trop festif "Better with butter" que l'on entend partout – il y a là-dedans quelque chose de la grandeur d'un "Kozmic Blues" au masculin, c'est dire).
Dans un registre un peu éloigné de son blues d'origine, enrichi d'un groove funk, soul, jazzy, relevé de quelques airs de rock, de ragga, de hip-hop – bref, de tout ce qui se fait aujourd'hui, Charles Pasi a élargi les horizons de ses compositions. On aime l'harmonica précisément parce qu'il sait n'être pas omniprésent. On aime la voix de Pasi, aussi, ses éraflures et son expressivité, qui rappellera par moment le Mark Curry d'Its only time (1992), autre belle histoire malheureusement restée sans suite remarquable.
On s'amusera même pendant la minute zéro deux de So long Sonny, de voir que Pasi pourrait jouer au Son of Dave ; pendant les quatre minutes quinze de Wild it up qu'il sait être aussi violent, disons, que le Ben Harper de Burn to shine (1999) ou le Keziah Jones d'African Spacecraft (1995). Mais son univers est souvent plus serein, plus doux, plus intime - comme en témoignent la ballade Remember the day ou le choix de la reprise Dream a little dream of me.
L'album cultive ainsi, avec un succès certain, l'art du contrepied. Il déploie une palette impressionnante de couleurs – du bleu nuit au bleu d'un ciel été, bleu-gris d'orage et bleu passé d'un vieux polaroid jauni. Un bel album à l'ancienne : décomplexé, ouvert, transgenre, animé d'une seule pulsation : l'amour de la musique, dans sa variété. |