L'Européen en
réfection est occupé durant tout le mois de juillet
par l'association Life Live qui propose une programmation festive
: "Debout là dedans !"
Le 15 juillet c’est Jim Murple Memorial qui propose de faire
danser la salle avec son rythm’ blues jamaïcain. Aucune
première partie n’est annoncée et pourtant il
y en a bel et bien une qui, contrairement à l’habitude,
va voler la vedette à la tête d’affiche.
Alors qu’une trentaine de personnes est à peine arrivée,
un jeune homme en costume noir des années 40 muni d'une contrebasse
colorée de rouge et noir et son musicien pourvu d’une
agrafeuse et d’une demie calebasse s’installe dans le
hall.
Un cercle spontané se forme autour des 2 compères
comme dans un spectacle de rue. Un formidable happening commence,
totalement acoustique et sans amplification. Fantazio
entre en action.
Fantazio, l’homme aux doigts défoncés comme
il se décrit, et sa contrebasse marquée par la vie
qu'il lui fait mener et Benjamin, le bidouilleur chercheur de sons,
nous livrent quelques morceaux avant de "passer au salon"
comme il dit (à savoir la salle dans laquelle il continuera
son concert dans une formation plus "classique").
Difficile de décrire la musique de Fantazio, une sorte de
boite à malice dont même son propriétaire ne
connaîtrait pas le contenu. Jazz, chanson napolitaine (dont
une dédiée à Battisti), chanson française,
ritournelle, pop anglaise et même "électro"
(toujours en acoustique).
Etonnant et impressionnant ce que l'on peut faire avec une contrebasse.
Traînée, frappée au sol elle sert de percussion,
elle donne le rythme quand elle reçoit les coups de pieds
de son maître, les cordes malmenées offrent sans retenu
leurs complaintes d'une voix grave tandis que celle de Fantazio
passe de l'aigu au grave de la façon la plus naturelle du
monde, tantôt ritournelle un peu enfantine ("Tête-épaule-pied"
rappelant les vieux films néo-réalistes italiens)
tantôt ballade de crooner. Le bateau ivre de Fantazio navigue
à vue mais ne coule pas !
Qu'il chante successivement en français, anglais, italien
au cours d'une même chanson en changeant de tonalité,
sa contrebasse vissée au poignet, il nous fait partager sa
"Curiosita" et son penchant
pour "Ganesh" le seul dieu
qui ne se la pète pas trop !
Pendant ce temps, le petit homme à casquette se déplace
autour du contrebassite, tantôt en jouant du ukulele, tantôt
en donnant le rythme en actionnant une grosse agrafeuse ou en frappant
une demi calebasse à lamelles métalliques qui actionnée
de mains de maître produit un son proche de celle d’une
guimbarde.
Quelques titres plus tard, nous suivons donc les deux compères
au salon, ils prennent alors place sur la scène sur laquelle
les rejoignent un batteur (Cyrille) et un guitariste (Franck). La
formation est plus classique mais la musique toujours atypique de
Fantazio conquiert tout le public !
Benjamin et ses bruitages font des prouesses (à l'aide d'un
micro bien placé, d'une cymbale, de quelques cloches de vaches,
un bout de papier, une planche de bois, une chaîne ou une
barre de fer et fin du fin un grand ressort - de ceux que l'on avait
petit et qu'on lançait en haut de l'escalier et qui descendait
tout seul-), tandis que Fantazio plus déchaîné
encore s'acharne sur les cordes de sa contrebasse.
Le guitariste viendra même pousser la ritournelle (en italien)
et "Grand corps malade" un ami du groupe fera 2 interventions
en "slam" (entre rap de banlieue et tchatche du sud) remarquables
tant celle accompagnée par le groupe que celle quasiment
a cappella à propos de celle qui l'a vue grandir : Saint
Denis la cosmopolite.
Fantazio, toujours sans réussir à décrire
sa musique (il nous disait avant le concert, lui-même embarrassé
pour mettre des mots sur sa musique "sans paraître prétentieux"
: "je joue de la contrebasse et puis je chante, c'est tout
[...] C'est une sorte de transe mais toujours en acoustique"...)
est un omni (*) dans le paysage musical français. Ne le ratez
pas s'il passe près de chez vous !
Après une courte pause pendant laquelle les Jim
Murple Memorial s'installent (8, voire 9, sur la petite scène
de l'Européen ce n'est pas simple) le noir se fait et leur
concert commence... par l'arrivée d'Albert qui annonce le
groupe... et qui va se placer au bout de la scène pour ne
plus jamais la quitter. Il passera son temps à bouger les
bras, parfois faire un pas de danse (on pense au vibes master de
Arrested Developpement mais en moins bien tout de même) et
vérifier qu’il ne perd pas son badge. Bref, Albert
est casé, et les autres membres du groupe arrivent, Nanou,
la charismatique chanteuse, en tête.
Jim Murple Memorial c'est un mélange festif de ska, de reggae
et de rocksteady, comme si on y était, c'est à dire
entre 40 et 70 ans en arrière et à ce jeu là,
Nanou, un petit bout de chou qui ressemble à une Betty Boop
en blonde, avec sa petite robe "charleston" et ses mimiques
est totalement dans le ton. Imaginer le spectacle en noir et blanc
avec ces rayures propres aux vieux films qui défilent de
temps en temps et on se retrouve projeté directement dans
le passé.
Les instrumentistes, plus sobres dans leur jeu (voire un peu absent
comme Ptit Louis à la guitare électrique qui râle
dès le début en faisant mine de ne pas vouloir jouer
et qui va passer la plupart du temps assis sur l'arrière
scène ou préoccupé comme Romain à la
guitare acoustique) n'en sont pas moins efficaces même si
le contrebassiste un peu ampoulé dans un très joli
costard années 50 souffrira bien évidemment de la
comparaison avec le jeu lyrique et baroque de Fantazio. Les cuivres
sont impeccables et la chanteuse soufflera de temps en temps dans
une rutilante trompette.
Musicalement donc, c'est très rocksteady/ska, l’exécution
est soignée mais il n’y avait pas ce petit quelque
chose tant dans le groupe que dans la salle qui fait la réussite
d’un concert. Et Nanou le sent bien. Elle aura beau haranguer
le public pour les faire taper dans leurs mains cela n'y changera
rien.
Par rapport au disque, si le coté festif est indéniablement
présent, il manquait ce soir-là un peu d'énergie
et de rythme dans le set pour être réellement réjouissant
et même la voix de Nanou, si prégnante sur disque,
se trouvait en retrait.
Au final, ce fût objectivement un bon concert mais décevant
au sens où nous en attendions beaucoup... Ah la gourmandise
....
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