Cette fois c'est parti. Le petit peuple des plumitifs amoureux de pop-folk un rien sombre n'a plus que son nom à la bouche : Jullian Angel. Pour son quatrième long format, le lillois semble en effet parvenu à un premier sommet de son art. Son précédent For a ghost l'annonçait déjà, où l'on avait senti derrière le dépouillement une grande force expressive. Mais l'on était curieux de voir si le passage en studio plutôt qu'en chambre solitaire, dans les conditions d'un live précaire et sans public n'abîmerait pas cette belle fragilité. On est servi, haut la main.
C'est que Jullian Angel n'a pas fait en studio comme le gamin auquel le magasin de jouet aurait donné carte blanche pour la soirée. Il a au contraire su rester parfaitement modéré dans le choix des arrangements, des accompagnements. S'il n'est plus seul avec sa guitare et sa voix magnifique, Jullian Angel a su s'accompagner de cette musique qui ne dérange pas ses silences. Cette science du murmure, de l'apesanteur, de la légèreté, du vide, du silence, de l'inspiration muette, Jullian Angel la maîtrise à merveille et la décline en atmosphères délicieuses.
En résulte un univers sombre mais jamais obscur, d'une lenteur sereine plutôt qu'écrasante, où l'émotion doit se sentir à fleur de peau. On se souviendra certainement de Polar, Sofia, voire de Tindersticks minimalistes ou d'un Nick Drake légèrement éraillé. C'est certain, l'homme joue dans la cour des plus grands.
Ceux qui avaient eu la chance de mettre la main sur l'un des rares exemplaires de For a ghost retrouveront avec plaisir, dans des versions légèrement étoffées qui en renouvellent intégralement le plaisir, d'excellentes compositions comme "The Strong", "Scarred" ou "Faith (is not a bitter end)". Au rayon des nouveautés, "Insane men are locked outside", "Years and seconds" ou "Modern Tragedy (taste for)" tirent particulièrement leur épingle du jeu.
Amplement de quoi affirmer, donc, que Jullian Angel est, tout simplement, l'un des meilleurs songwriter actuellement en activité – français et peut-être même plus. |