Théâtre de marionnettes conçu, fabriqué et interprété par Yeung Faï.
Yeung Faï est l'héritier d'une longue lignée de maîtres de la marionnette chinoise. Après avoir tourné de par le monde pendant vingt-cinq ans avec un spectacle intitulé "Scène de l'Opéra de Pékin", il décide de moderniser le genre. Le voici désormais en scène avec "Hand Stories", et non plus effacé derrière ses petits personnages de chiffon et de tissus.
Il présente au public sa famille, tous présents sous forme de marionnettes. Il s'attarde particulièrement sur la carrière de son père et les rapports qui les lient l'un à l'autre. C'est son père qui lui apprendra à insuffler de la vie dans ses petits personnages en glissant la main dans leur corps de chiffon.
Mais au moment de la Révolution Culturelle, lorsque les gardes rouges combattent les valeurs traditionnelles de la Chine au nom de la lutte contre les "quatre vieilleries", son père est exécuté. Sa mère n'y survivra pas. Yeung Faï sera alors séparé de son frère, puis emprisonné. Après les émeutes de Tian An Men, il s'exilera à Hong-Kong, avant de renaître grâce à son art des marionnettes.
Le spectacle est riche en symboles mais cependant accessible grâce à la projection en arrière-plan de quelques films personnels, ou des vidéos de Yilan Yeh, qui montrent des images d'archive que chacun connaît. Lorsqu'on est peu familier de la symbolique chinoise, on a plus de mal à intégrer que le dragon représente le pouvoir du dirigeant chinois. Mao Zedong aurait dit un jour "On ne discute pas avec la perle du dragon", ce qui signifiait que la pensée du Grand Timonier de la puissante Chine ne devait pas être remise en question.
Ce spectacle est un tour de force grâce à la maîtrise avec laquelle Yeung Faï anime ses personnages. Il réussi par exemple à leur faire pratiquer le numéro traditionnel de cirque chinois qui consiste à jongler avec des assiettes qui tournent au bout de bambous.
C'est aussi un moment de grâce en raison des éclairages de Christophe Kehrli qui effleurent la lourde fumée d'encens en suspens dans l'air dessinant des traces qui rappellent les estampes de paysage chinois, ou de la musique de Colin Offord qui doucement apaise le public.
L'émotion (la mort de ses proches) y côtoie le rire (un ange fan de Queen descend du ciel pour lui redonner la foi dans les marionnettes et dans l'avenir lorsqu'il survit dans la rue à Hong-Kong). Enfin les symboles sont puissants, comme lorsqu'il anime la marionnette de son père qui elle-même tient un petit personnage au bout des doigts, représentant ainsi l'héritage familial de son don.
Un spectacle original, beau et poétique, à voir d'urgence. |