The National sont tout
simplement le meilleur groupe de rock du moment. Avec deux albums
The National, Sad
dongs for dirty lovers et un nouvel ep
Cherry Tree, ils ont écrit les premiers classiques
rock du nouveau millénaire : “Cold
girl fever”, “Beautiful
dead”, “Slipping husband”,
“Murder me Rachel”, “Lucky
you” ou les nouveaux “Wasp
nest” et “Cherry tree”.
Leurs concerts comme celui du 11 juin 2004 au Nouveau Casino sont
de fantastiques expériences où le public peut rêver,
écouter attentivement, réfléchir et surtout
swinguer en permanence !
The National est le futur d’un Rock’n’Roll intelligent
né il y a bien longtemps avec Lou Reed
et Bob Dylan.
A propos du nouvel ep
Pouvez vous présentez votre nouveau CD
“Cherry Tree” sorti tout récemment ?
Matt : Eh bien, c’est un disque plutôt
court [ndr : trente minutes quand même !]
avec sept chansons dont un live tiré de la black session,
cinq nouvelles écrites par The National et une écrite
par Padma Newsome. C’est un très bon disque.
Qu’a-t-il de différent comparé
aux précédents ?
Bryan : Nous nous sommes sentis bien mieux lors
de l’enregistrement. L’atmosphère était
plus professionnelle et nous avions du bon matériel de mixage
et nous pouvions facilement rejoindre nos domiciles pour retravailler
les morceaux. Un titre, le premier, a entièrement été
fait à la maison. Le dernier “I don’t mind”
a été fait sans beaucoup de technologie. Il est vraiment
low tech.
Aaron : Padma a enregistré les cordes de
son côté en Australie. Ce disque est une sorte de production
transgénique.
Vous travaillez de plus en plus avec Padma Newsome.
C’est véritablement un membre du groupe...
Bryan : Il joue aussi dans les Clogs et Stick music.
Pourquoi ? (Ils se marrent tous)
Matt : Nous n’en avons aucune idée.
Mais Padma habite en Australie...
Padma : En ce moment, c’est vrai, j’habite
en Australie.
Ce n’est pas dur de travailler en étant
si loin les uns des autres ?
Padma : Non nous fonctionnons bien : le processus
de création est le même que si nous habitions au même
endroit. Ils vont enregistrer leurs parties en studio, ils mes les
envoient et puis je les écoute. Ensuite j’ajoute ou
j’agence les cordes et mes parties vocales. C’est mon
rôle dans The National. Cette fois-ci j’ai tout enregistré
chez moi, dans mon salon. La dernière fois, j’ai enregistré
avec eux. Mais c’est le même processus.
Matt : Padma était déjà sur
l’album précédent, on avait donc déjà
travaillé ensemble. Il n’y a rien de nouveau puisqu’on
travaille avec Padma depuis longtemps, notamment sur “Sad
songs for dirty lovers”.
Sur l’album précédent, Padma
participe à une seule chanson, non ?
Aaron : Pas du tout. Il y en a plusieurs avec Padma:
“90-mile water wall”, “Thirsty”, “Sugar
wife”, “Murder me Rachel”, “Cardinal Song”.
Bryan : Padma est dans le groupe depuis vraiment
longtemps. Et c’est vrai que nous n’avons pas enregistré
le nouvel ep comme les albums précédents pour lequel
nous avons enregistré à plusieurs endroits, avec plus
de temps, certaines chansons étant écrites en studio.
Y a t il une symétrie dans le nouvel ep, cette symétrie
se faisant par rapport au titre central “Cherry tree”
?
Matt : C’est possible mais je ne l’ai
jamais envisagé comme cela. Je sais que nous avons travaillé
comme un ensemble toutes les séquences du disque, que nous
avons essayé pas mal de choses et on a conservé celles
qui paraissaient parfaites à nos yeux. Peut être que
c’était de façon inconsciente, en tous cas ce
n’était pas volontaire.
A propos des textes
Quel est le sujet de “Wasp Nest” ?
Matt : “Wasp Nest” parle d’une
femme qui est une superbe “femme fatale”. Ainsi “you’re
a wasp nest” est une a métaphore qui la décrit
: elle belle mais dangereuse. Il y a plusieurs métaphores
dans ce style sur l’album : sous la beauté, tu trouves
une harpie. Cette chanson est simplement un portrait ciblé
d’une belle femme, intense, qui est aussi en colère.
Dans “Sad songs for Dirty Lovers”,
tu utilises fréquement les mots “wife” (épouse)
ou “husband” (mari) dans les titres ou les paroles des
chansons. Es tu marié ?
Bryan : Matt ne l’est pas. Moi je le suis.
Et Aaron aussi.
Matt : SSDL a été enregistré
il y a deux ans et l’idée du mariage était présente
dans mon esprit. Cette idée n’était pas rattachée
à quelqu’un en particulier mais plutôt à
celle de vieillir, de changer de vie, de devenir indépendant
et un mari ou un père. Je crois qu’on peut paniquer
quand ça arrive. Mais je ne suis pas obsédé
par cela.
Bryan : C’est vrai qu’il y a pas mal
de titres qui utilisent ces mots : “Sugar wife”, “Trophy
wife”, “Slipping husband”...
Que souhaites-tu dire dans “Slipping husband”
?
Matt : Cette chanson est à propos des idées
qui te viennent à l’esprit quand tu deviens père.
Père ou mari en fait : je ne suis pas certain de réussir
l’affaire. Il y a aussi pas mal d’amis qui se sont mariés,
eu des enfants et qui se battent pour assumer leurs responsabilités
envers leur famille mais qui se focalisent encore sur eux. Je crois
que ça c’est plus facile quand tu es seul : quand tu
es marié tu dois sacrifier beaucoup. Cette chanson parle
d’un mari qui n’arrive pas à bouger, à
se sentir responsable. Cela ne passe pas forcément bien en
vieillissant.
Dans “Murder me Rachel” tu chantes
“I saw my love with pretty boy”. Quel est le sens précis
de cette phrase ? Parce qu’elle peut s’interpréter
de plusieurs façons.
Matt : Je pense qu’effectivement il peut
y avoir plusieurs sens dans mes chansons. Parce que je change les
paroles, elles évoluent. Mais c’est simplement une
chanson dans laquelle tu vois quelqu’un que tu aimes avec
quelqu’un d’autre. Cela traite de la jalousie.
Mais cela pourrait être toi le “pretty
boy” ?
Matt : Ben oui.
Bryan : Mais tu sais la culpabilité est
une forme grise : ce n’est pas comme sur un échiquier
où il n’y a que du blanc et du noir.
Matt : J’ai écrit plusieurs chansons
qui peuvent avoir un sens opposé à celui que je voulais
donner mais ce n’est pas volontaire. Je le fais souvent en
fait.
Inspiration et diverses pensées (plus
ou moins réprimées)
Où puisez vous votre inspiration ? Dans
la musique, la littérature, les arts ?
Bryan : En lisant John Berryman (ndlr
: si je ne me trompe pas, Berryman est un poète américain
auteur des Dream Songs, mort en 1972) ... (Matt se marre) C’est
un écrivain. Personnellement, en tant que musicien, mon inspiration
provient des autres musiques et des musiciens.
Matt : Je reviens aux textes des chansons. Je crois
que ce qui m’inspire quand je les écris est multiple
: je regarde beaucoup de films et j’aime décrire des
scènes, des dialogues, des conversations et j’essaie
de les rendre crédible. Les idées proviennent certainement
de livres ou encore des films. Quelques unes de nos chansons sont
des conversations entre deux personnes et peu sont des monologues.
Il y a une cinématique assez proche de celle utilisée
pour dialoguer sur internet. Maintenant musicalement…
Aaron : Nous écoutons beaucoup de musique.
Nous jouons aussi ensemble depuis longtemps. Mon frère, moi
et Bryan jouons ensemble depuis que nous sommes adolescents. Il
y a beaucoup d’influences dans notre musique mais rien de
conscient. Toujours est-il que nous jouons beaucoup et qu’une
partie de ces séances devient des morceaux et que l’autre
ne devient rien du tout. Musicalement je suis content du nouvel
ep : il y a beaucoup de nouvelles idées comme la chanson
“Cherry tree” qui utilise les mêmes ingrédients
qu’avant mais d’une façon plus intense.
Un autre titre comme “ All dolled-up in straps”
qui est différent est simple mais contient des éléments
complexes, facteur de changement. Cet ep doit être le point
de départ d’un nouveau travail, vers un nouveau son.
Il y a encore des éléments de “Sad Songs”
mais nous allons ailleurs. Une chanson comme “Cherry tree”
ouvre de nouvelles portes, de nouvelles directions.
Est-ce que New York City, la ville où vous
vivez, a une influence sur vous, votre musique ?
Bryan : Bien sûr : c’est un bocal à
poissons rouges tu sais.
Matt : “All the wine” est une chanson
qui parle du fait d’être dans la ville, soûlé.
Je l’ai écrite parce que je trouvais qu’il y
avait de moins en moins la possibilité d’établir
des relations. New York est une ville presque sousterraine. Maintenant
je connais la musique qui s’y fait et la ville est devenue
une part de nous. C’est un lieu fascinant où l’on
ne s’ennuie jamais.
Bryan : Les types portent des vêtements en
papier plastique.
Matt : C’est une ville incroyablement belle
et passionnante. Musicalement il est dur de dire si la musique des
autres groupes a un effet sur nous. Nous n’avons pas joué
avec beaucoup de groupes new-yorkais. Nous avons fait des concerts
avec The Walkmen [ ndr : auteur d(un split avec Calla ]ais pas sûr
qu’ils nous aient influencés. En plus nous essayons
de ne pas être affectés par la musique des autres :
je crois que dire que tous les groupes de NYC sont tous influencés
les uns par les autres n’a pas de sens. Les groupes sont tous
différents.
“All the wine” est une vieille chanson
?
Matt : Effectivement, les paroles existent depuis
longtemps.
Bryan : Nous avons essayé de les utiliser
il y a déjà quelques années.
Matt : C’est l’exemple type de la chanson
qui évolue. Nous avions essayé de l’enregistrer
différemment avant.
Bryan : C’est une chanson qu’on a souvent travaillée
en studio.
Matt : Ce soir il va y avoir plusieurs titres inédits.
Une s’appelle “Able” et c’est une chanson
écrite il y a deux ans mais nous ne la sentons pas comme
nous voulons. Il faut être patient pour écrire une
chanson. Si elle n’est pas prête, si elle ne correspond
pas à nos attentes, alors on la met de côté
quelques temps et on y revient plus tard. Certaines chansons peuvent
être écrites en deux jours ou deux ans avant qu’on
les mette sur disque.
Je crois avoir entendu plusieurs chansons du nouveau
CD lors des concerts l’an dernier.
Bryan : Oui, effectivement.
Aaron : Toutes sauf deux.
Je ne me rappelais pas de “Cherry tree”
.
Aaron : Pourtant nous l’avons jouée.
Pour la black session.
Matt : Il y a plusieurs chansons que nous jouons
live qui n’ont jamais été enregistrées.
Il y a un titre qui s’appelle “Pretty forever”,
un autre “ One thing horse” qui ont déjà
été joués. Nous aimons ces chansons mais elles
ne sont pas encore enregistrées. En live, nous essayons de
ne pas reproduire l’album. La plupart n’ont pas le même
son que sur l’album. Les concerts sont un médium différent.
Ta voix est un peu différente aussi en
live ?
Matt : Oui quelques fois. Je trouve le studio plus
étrange que jouer live. C’est plus simple de chanter
live. L’approche est différente.
Bryan : Masterbelly and fucking.
Matt : ...riant... J’enregistre
avec Masterbelly, live et fuck.
A quand le prochain album de The National ?
Matt : Pas avant février ou mars de l’année
prochaine.
Question finale : peux tu décrire The National
en trois mots ?
Matt : NTM ?
(riant) Certains
nous qualifient de "slow core" ou de "sad core".
Bryan : Erotique et désespérée.
Mais ça fait que deux mots.
Aaron : Je n’aime pas le terme "slow
core".
Pas d’accord avec le mot "désespérée".
C’est vrai que votre musique l’est quelques fois. Mais
elle contient aussi de l’espoir, de l’espérance.
Matt : C’est juste. Sexy, espérance,
rock ? (tout le monde se marre). Oui
voilà : SEXY, HOPE et ROCK.
Merci à tous les gens de The National, mon groupe préféré.
Merci pour l’incroyable version de “Cold Girl Fever”
au Nouveau Casino en juin et pour avoir écrit “Sliping
husband”.
Matt, Bryan et les autres : j’espère vous croiser à
nouveau et boire un verre avec vous.
Merci aussi à Sean de Talitres.
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