Créée en 1984 par l'artiste catalan pour favoriser l'étude de l'art contemporain, la Fondation Antoni Tapiès constitue, avec le Musée Picasso et la Fondation Joan Miro, l'une des trois institutions muséales incontournables de Barcelone.
Elle occupe, au coeur de la ville, un superbe immeuble édifié en 1880 pour une entreprise d'édition par l'architecte moderniste Lluís Domènech i Montaner désormais surmontée de la sculpture de l'artiste, intitulée "Nuage et chaise", constituée d'un entrelacs de tubes d'aluminium et de toile métallique duquel émerge une carcasse de chaise.
Riche d'une importante donation de l'artiste, né en 1923 et toujours en activité, la fondation propose régulièrement un nouvel accrochage avec une sélection restreinte.
Depuis janvier 2011, une petite vingtaine d'oeuvres réalisées entre 1947 et 2001 sont ainsi présentées dans un souci d'appréhension de l'évolution formelle et technique du travail d' Antoni Tapiès qui révèle sur la durée, et à travers ses évolutions formelles, une très grande cohérence globale dans sa démarche intimement liée à l'exploration de la dimension métaphysique de la nature humaine en résonance avec l'existentialisme et les spiritualités orientales.
Antoni Tapiès, peintre de la matière et de l'essence
Peintre autodidacte, co-fondateur du mouvement Dau al set, groupe artistique catalan d'avant-garde qui s'inscrit comme culture résistante de l'après-guerre espagnol, il passe du surréalisme des années 40 ("Dues figures", "Parafaragamus") à l'abstraction dans les années 50 ("El grit- Groc i violeta").
Les années 60 voient l'émergence du travail sur la matière avec
l'utilisation de techniques qui deviendront récurrentes telles le collage, l'empâtement et le grattage ("Tela encolada").
L'utilisation des matériaux bruts comme la paille et la terre milite en faveur d'un art minimaliste qu'il aborde dans les années 70 au cours desquelles il s'implique également dans l'arte povera, la politqiue et les "combinaisons" ( "A la memòria de Salvador Puig Antich", "Palli i fausta" "Armari").
Les années 80 marquent un retour à la peinture avec toujours l'insertion d'objets ou le procédé de superpositions de matières et l'apposition des signes ("Al teu peu", "Sinuós de vernís sobre negre").
La dernière oeuvre exposée, "Dues piles de terra" datant de 2001 revient à la dualité essentielle qui préoccupe l'artiste : la matière et l'esprit.
Et à voir, en premier lieu, au sous-sol, le film documentaire réalisé en 1990 par Geoffrey Rood qui permet d'appréhender le processus créatif du peintre, saisi sur le vif, dans l'atelier de sa maison isolée dans la montagne, au milieu de pots de peinture format bâtiment, en tenue de ville et charentaises.
Il peint sur une toile au sol, manie le seau et le balai pour verser et étaler la peinture, sort des mixtures étonnantes de bouteilles en plastique, projette des matériaux divers ou les malaxe avec ses mains, racle la toile avec un couteau, dessine avec un tasseau de bois, très rarement avec un pinceau.
Il prône la rapidité d'exécution pour laisser agir l'inconscient et ne pas avoir de remords. Il tourne autour de la toile pour apprécier le travail fait et décider de son terme.
Antoni Tapiès s'y livre à des confidences qui éclairent son oeuvre par l'approche des références et des influences. Ainsi évoque-t-il l'impression d'enfance que lui ont laissé les graffitis qui s'étalaient sur les murs du barrio gotico de Barcelone où vivaient ses grands parents et l'impact de la croix des morts de la guerre civile espagnole qui ont intégré son vocabulaire graphique et dont le sens n'est pas toujours celui du symbole. Ainsi précise-t-il qu'il entend
la croix comme signe de l'essence de la vie davantage que comme le symbole de la mort ou de la religion. |