Comédie dramatique de Eugène Ionesco, mise en scène de Christophe Feutrier, avec Valérie Dréville et Didier Galas.
Si le "Rhinocéros" de Eugène Ionesco superbement mis en scène par Emmanuel Demarcy-Mota au Théâtre de la Ville concourt à l'entendement de la prose métaphorique ionescienne par le commun des spectateurs, il en va différemment du "Délire à deux", mis en scène par Christophe Feutrier, metteur en scène et directeur de la compagnie itinérante Trajectoire-adm, présenté au Théâtre des Abbesses, interprété par Didier Galas et Valérie Dréville.
En effet, si ce spectacle arrive à Paris fort des critiques flatteuses obtenues lors de sa programmation au Festival d'Avignon 2010, d'aucuns y voyant la proposition d'une version idéale donnant un coup de jeune au texte, force est de constater qu'il peut être perçu d'une autre manière d'autant que le parti-pris d'une interprétation déréalisée soumise à la technique verbale prônée par Anatoli Vassiliev - à laquelle ont été formé le metteur en scène et Valérie Dréville - nuit plutôt qu'il ne sert à ce texte limpide, déclinaison de la classique scène de ménage en l'espèce quasiment ritualisée sur fond de conflit armé, voire même à en éroder le sens ontologique.
S'affranchissant des didascalies, qui sont par ailleurs dévoilées au spectateur, le couple, originellement en robe de chambre dans la chambre de leur appartement bourgeois, se retrouve sur un praticable carré, pour bien symboliser le ring conjugal, en tenue unisexe, des combinaisons de chantier, certes de couleurs fantaisies mais sourdes, vieille moutarde sèche pour lui, bleu pétrole pour elle, confectionnées par Olga Karpinsky.
Par ailleurs, l'oscillation textuelle du rire au pathétique et le double jeu presque sado-masochiste de ce vieux couple se diluent dans les gesticulations (supervision du "mouvement" par Philippe Cou).
Entre pantomime imitant le comportement de vieillards séniles et déplacements pseudo-pugilistiques, les personnages purgent leurs différends à coup de vociférations, avec un surjeu dans les aigus irritants pour Valérie Dréville. Didier Galas semble moins à l'aise dans ce registre ce qui, par voie de conséquence, rend plus audible sa partition.
Un exercice de style donc dans lequel manifestement Christophe Feutrier a privilégié le travail du verbe à l'humain et le plaisir du jeu pour les comédiens. |