Ce mardi 24 mai 2011 avait lieu à la Malterie une soirée fort attendue. Il faut dire que l'affiche avait de quoi faire baver
bien plus qu'un chien enragé !
C'est donc en aboyant que le public accueille le légendaire Joe Lally.
Un peu d'histoire : Joe Lally fut le bassiste de Fugazi, groupe culte de Post Hardcore en provenance de Washington DC.
Puis bassiste des non moins cultes Ataxia, genre de supergroupe d'une durée de 12 jours, comprenant deux lives et deux disques (le premier, Automatic Writing, est d'ailleurs une véritable pépite) où il accompagne John Frusciante et Josh Klinghoffer.
Joe Lally est une nouvelle fois en trio et présente ici son nouvel album, le plus que recommendable Why should I get used to it.
Tout d'abord, précisons que le son fut impecable, rendant grâce à l'excellent concert qui nous a été donné de voir ce soir. Le Joe Lally Trio joue tous les morceaux du disque avec une section rythmique implacable, avec un groove grunge rétro à l'américaine que l'on peut unanimement qualifier de "Cool". L'ambiance l'est également et tout le monde a les cheveux qui bougent.
Les nouvelles compositions sont assez proches du projet Ataxia, mélodieuses mais parfois tendues.
En ces termes, le jeu singulier de la guitariste rappelle celui de Gary Lucas (guitariste, notamment, de Beefheart et de Jeff Buckley), soit aussi inventif que bruitiste, mais toujours aventureux.
Joe Lally s'est une nouvelle fois imposé ce soir comme une figure incontournable de la musique "underground", avec une modestie incomparable et une classe qui lui sont propres.
Place maintenant à L'Enfance Rouge qui, en terme d'entrée de scène, fut aussi fin qu'un éléphant en furie dans un magasin de porcelaine.
A peine arrivé sur scène, le groupe s'installe à une vitesse folle pendant que le batteur martèle déja ses futs avec une puissance rare, comme s'il devait couper du bois mais en tapant la bûche sur la hache.
Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule et que fruité c'est plus musclé, l'incroyable bassiste/chanteuse (qui confirmera, au passage, l'éternelle légende que d'avoir une bassiste est la base du rock'n'roll), armée de sa redoutable Rickenbacker, nous assomme d'un riff atomique similaire à une rafale de gros sel balancé par le Eddie du même nom. Le guitariste, directement en transe lui aussi, semble mourir d'une overdose d'overdrive à chaque envolée de guitare saturée.
Ce groupe est d'une violence extrême, à tel point que le concert, que l'on peut dignement qualifier de performance en ces lieux, devient tout aussi éprouvant physiquement pour l'auditoire. Mais l'auditoire en redemandera, et plus d'une fois. En ces termes, le concert de ce soir fut une performance, mais surtout ce que l'on peut appelé un concert de folie.
Car tout les ingrédients furent réunis pour cela, soit un groupe déflagrateur repoussant lui-même ses limites, ne contrôlant plus ses actes tout en étant préparé physiquement et psychologiquement à mourir comme Jean-Baptiste Poquelin. Le tout devant un public furieux venu ici pour subir le même supplice.
De part l'ambiance arabisante, nous avons même parfois l'impression d'atterrir au front des pires moments de la bataille d'Alger, tant ce soir à La Malterie, C'EST LA GUERRE !
C'est néanmoins sur une note douce, que se terminera le bain de sang, avec une reprise de "Aux sombres héros de l'amer" (ou d'Aux Sombreros de la mer, je n'ai jamais vraiment compris où voulait en venir cette putain de chanson de toute maniére), tout en subtilité, magnifiquement chantée par Chiara Locardi et son timbre si singulier comme si Jeanne Moreau rencontrait Nico, et faisant écho à une reprise bien burnée de Tostaky (que l'on retrouve d'ailleurs sur Bar-Bari, dernier et formidable album du trio) où le groupe balance un magma sonore mélodieux par dessus la prise de voix originale de Bertrand Cantat.
Après quasiment deux heures de concert, la salle se vide autant que le public de sa sueur, tout en se disant "Merde, Nous sommes presque morts".
Alors vivement le prochain mouvement !
Car comme disait le regretté Sky Saxon : "Dieu envoie toujours ses plus valeureux guerriers à la fin". |