"La
destruction totale n’apparaît donc pas comme l’issue
effroyable d’une aberration collective mais
comme la première étape de la reconstruction réussie."
W.G. Sebald in "De la destruction –
comme élément de l’histoire naturelle"
Avant de détruire tous les schémas musicaux existants à partir de Kollapse, entreprise qui s’étalera sur environ cinq années, il était à peu près certain que Blixa Bargeld, N.U Unruh et compagnie avaient essayé leurs armes, choisi les plus efficaces, transformé celles qui devaient l’être.
Mais voilà, jusqu’à la sortie de cette collection de démos – surtout les premières – et de ces raretés en tous genres, organisée de façon chronologique, nous n’en avions aucune preuve. Maintenant, oui, ce fait est avéré : Einstürzende Neubauten a testé, expérimenté ce qui existait, avant de se lancer dans une expérience sans filets et sans repères.
Les cinq premiers titres sont les tous premiers morceaux du groupe et on sent les lames des sabres qui s’affûtent : le fil pas encore tranchant peut être légèrement douloureux quand on se le prend sur le coin de la tronche comme sur "Taggesschau – dub".
Ce qui est intéressant avec ces premières démos, c’est qu’on distingue bien les influences qui ont poussé le groupe à taper dans la fourmilière du rock. L’ombre du Cabaret Voltaire plane ici ou là. Les rythmiques à la Killing Joke, qui s’amenuisent au fur et à mesure du temps devenant plus aléatoires et étranges, servent encore de base. Chrome non plus n’est pas très loin.
Puis les guitares commencent à saturer à déchirer le paysage sonore et Bargeld devient Blixa - Blitzkriega - et les hurlements de-ci de-là, encore retenus, présagent des lendemains sanglants comme sur "Bakterien fuer eure Seele" ou encore "Kalte Sterne" dont la démo est absolument fabuleuse. Les rythmes commencent à se télescoper, se heurter et tout s’annule sur "Pygmaeen". A partir de ce moment-là, on ne pourra plus jamais avoir de c(s)er(v)titudes.
Les deux derniers titres "Thirsty animal" et "Durstiges Tier" n’apportent pas à la compréhension de l’évolution du groupe : ici le son Neubauten est déjà formé et la musique industrielle extrême est née. Son intérêt est de retrouver la collaboration du groupe avec Lydia Lunch et Rowland S Howard qui figurait sur un 45 tours que les fans s’arrachaient à prix d’or.
Plus qu’une collection pour fans, ces early recordings sont
un chapitre préliminaire indispensable à la compréhension
du chapitre consacré à Einstürzende Neubauten
dans l’Histoire moderne de la musique contemporaine.