Vendredi 23 juillet, en milieu d'après-midi, j'y suis presque.
Je traverse Carhaix, noyé sous le soleil, la foule de festivaliers
et les décibels. Et puis j'y suis, enfin ! Bienvenue à
CharruesLand.
C'est déjà le sprint pour mon premier concert et pas
des moindres puisque j'ai rendez-vous - excusez du peu - avec la
désormais incontournable Rokia Traoré.
Au
pas de course j'arrive au check point des photographes auquel la
sécurité - polie mais efficace - me refuse l'accès
parce que mon pass n'est pas prévu pour un accès fosse.
Je frise l'arrêt cardiaque et le coma profond mais l'organisation
des Charrues me sort du bourbier et cette fois M'sieurs Dames, ça
y est, j'y suis, planté devant la scène Glenmor, face
à Rokia, plus belle, plus sensuelle, plus groovy que jamais
! Un oeil sur le public, Kerampuihl est déjà noir
de monde à quatre heures de l'après-midi, ça
promet...
Premier triomphe des Charrues 2004, le public est sous le charme mais franchement comment ne pas l'être devant la perfection de la prestation de l'artiste malienne et de son groupe ?
Le soleil donne, les artistes sur scène sont aussi à l'aise dans leur personnage que le public lui-même, l'organisation des Charrues est parfaitement huilée. La musique règne !
L'épisode du pass erroné va me coûter une heure de pénitence involontaire au point presse. Je suis donc là à me morfondre pendant que les toulousains de Fabulous Trobadors mettent le feu juste en face sur la scène Kerouac, distillant les mots dont ils ont seuls le secret.
Je fais contre mauvaise fortune bon coeur et je me contente de suivre le concert sur les écrans vidéo du point presse, tandis que Deborah du service presse se démène comme une forcenée pour faire modifier mon pass, sans se déparer une seconde de son sourire. D'ailleurs, ici, sur le visage des bénévoles le sourire est une règle d'or.
Le secret de la réussite des Vieilles Charrues est sans doute là, devant mes yeux. Ce festival c'est d'abord une histoire d'amitiés et de sourires. C'est avec le sourire que Deborah me sort de ma torpeur estivale. Je l'embrasse, direction Glenmor où commence le concert de The Coral.
Ce
qui frappe d'abord dans ce groupe c'est l'aspect juvénile
de ses membres, ils sont tous incroyablement jeunes, d'ailleurs
je me demande toujours si la maman du jeune guitariste sait ce que
fait son fils en vacances en Bretagne du coté de Carhaix
!
Blague à part, les p'tits gars de la corale ne sont pas des enfants de choeur et ils assurent leur set proprement. Le son est british, pop et mélodique donc, avec quelques envolées lyriques accrocheuses. Eux aussi sont souriants et visiblement heureux d'être avec nous. En leur réservant une belle ovation, le public renvoit au groupe le bonheur partagé.
Putain de découverte que Starsailor. D'abord le chanteur guitariste, James Walsh, totalement charismatique qui éclipse tout ce qui l'entoure, tant je ne vois que lui sur la scène Kerouac, les photos en attestent ! Le regard bleu métal, accroché à sa Gibson dont il tire quelques riffs rageurs, James Walsh délivre un gros son aussi puissant que mélodique. Les influences avouées ensuite, très hétéroclites, de Kylie à Saint Etienne.
J'avais
eu l'occasion d'écouter quelques titres du groupe (dont le
radiophonique et tubuesque "Four to the
floor") et j'appréhendais un peu le contact sur
une scène, en live.
Je n'ai pas été déçu, loin s'en faut. Starsailor, c'est le meilleur de la pop en direct de la perfide Albion, un son façonné par les influences de leurs illustres prédecesseurs, de Travis à Coldplay.
Les Vieilles Charrues, c'est aussi la magie des découvertes comme des bonnes surprises. Les anglais de Starsailor nous ont apporté les deux. Cool, guys !
Texas ? Oh God, ça fait un bail ! Fin des années 80 - en 89 précisémment - déboulent dans les bacs un album et un titre, un de ces putains de titres qui entre dans vos oreilles pour ne plus jamais en ressortir. Le FMesque "I don't want a lover" propulse le groupe écossais au firmament du top, puisqu'il écouleront plus de deux millions de copies du foudroyant single. Mais il y a mieux.
Sur
toutes les télévisions de la planète apparaît
l'adorable minois de l'égérie du groupe, Sharleene
Spiteri qui va renverser les coeurs et les têtes de
millions de fans transis.
Et pour cause, la miss sait y faire pour minauder, un regard de braise, un sourire ultra-brite, une voix à la Crissie Hynde, cette fille a tout ce qu'il faut pour renverser les foules. Et pourtant ce soir, à Carhaix, c'est pas gagné d'avance. Car Texas remplace au pied levé David Bowie qui vient d'annuler sa tournée européenne pour les raisons que l'on sait.
L'ovation qui accompagne l'entrée en scène de Sharleene et du groupe effacent les inquiétudes sans équivoque. Texas a choisi les grands moyens, décor à l'éffigie du groupe et intro sur "I don't want a lover" histoire de rappeler au public que le groupe qui remplace Bowie n'est pas une demie-mesure. L'accueil du public est à la hauteur et toute la plaine de Kerampuihl ondule.
Les photographes dans la fosse, eux, mitraillent à tout va. Il faut dire que Sharleene est ce qu'on appelle dans le jargon "une bonne cliente", elle n'a rien perdu de son charisme et encore moins de son regard. Texas assène une reprise, un "young american" de circonstance, hommage appuyé du groupe à celui qui aurait dû être des nôtres ce soir. Et c'est déjà presque fini, les garçons et Sharleene se retirent sous l'énorme ovation du public. Splendide. Et Dieu que cette fille est belle...
Pour moi bien sûr, le concert de Bashung a un furieux air de déjà vu, de redite, de remise de couvert. J'étais, il y a un peu moins de deux mois, à ArtRock Saint Brieuc - putain de festival ! - où la prestation impeccable de Bashung avait littéralement enflammé Poulain Corbion et les festivaliers.
Les
musicos investissent la scène, la table, le verre d'eau,
les écrans géants de part et d'autre de la scène,
les lumières bleues électriques, l'envoûtement
peut commencer, il ne manque que le sorcier lui-même.
Il arrive, cuir noir et lunettes du même calibre, le dandy étrange, un brin désabusé mais ça n'est qu'une façade, un leurre qui masque un perfectionnisme outrancier.
Oui, Bashung peut être comparé à Gainsbourg, d'abord parce que les similitudes entre les deux personnages sont troublantes, ensuite parce que Bashung le mérite. Le concert suit la même set liste qu'à ArtRock, les nouveaux titres se mêlent avec bonheur à des chansons devenues des standards, de "La nuit je mens" à "Osez Joséphine". Bashung est rock, Bashung est blues tel qu'en lui-même, harmonica à la main gauche, le set est parfait et le public ne s'y trompe pas.
Bashung mettant le feu à Kerouac, ça sonnait presque comme une évidence. Pour paraphraser Lou Reed, Bashung est un comme un bon vin, un Grand Cru Classé. Il bonifie avec le temps...
The
Divine Comedy est la surprise de ce festival, puisque le
groupe est un invité de dernière minute, suite au
retrait de Auntie David.
Neil Hannon et sa formation sont donc la cerise sur le gâteau des Charrues et quelle cerise !
Pop mélodique et arrangements au cordeau, The Divine Comedy a la réputation de livrer des concerts apaisants pour l'oreille et ça tombe bien parce que ce concert sera pour moi le dernier de ce vendredi, premier jour du Festival des Vieilles Charrues.
La réputation n'est pas usurpée et c'est donc au son des pures mélodies de The Divine Comedy que je m'en retourne chez moi, des étoiles plein les yeux, car demain sera un autre jour, lui aussi rempli d'étoiles...
Crédit photos : Hervé LE GALL, Cinquième nuit