Identité
: Florent Mathey, 23 ans, alias Professor
Love, dit PL.
Passion : la photographie.
Galerie d'exposition : le net.
Signe distinctif : un oeil qui parle.
Pourquoi Professor Love ?
PL : En fait, au début j’avais opté
pour "Professor" parce que dès l’enfance
le côté machine science fiction m’attirait et
j’avais des jeux vidéo dans lesquels l’introduction
commençait souvent par "Bonjour professor" quand
le savant fou entrait dans son bureau. Et je voulais que mes machines
me disent la même chose. Mais ce nom était déjà
pris sur Internet alors j’ai rajouté Love. Mais ça
n’a pas de signification particulière. Et maintenant
je suis presque obligé en quelque sorte de le garder parce
que je suis identifié ainsi sur les sites photos auxquels
je participe.
Et l’origine de la passion pour la photo
?
PL : Tout simplement du fait que mon père
faisait de la photo et qu’il m’avait offert un appareil
quand j’étais enfant. Mais je n’avais pas trop
accroché. C’est reparti il y a 3-4 ans quand j’ai
un peu voyagé et que j’étais emmerdé
de ne pas pouvoir prendre de photos. J’ai acheté un
numérique et en fait j’ai traversé une période
de doute avant que cela devienne un plaisir total qui a pris le
pas sur toutes mes autres activités. Mes photos plaisaient,
ma mère en premier et puis j’avais des retours positifs
sur le web. Depuis 2 ans et demie environ.
Vous promenez vous toujours aux aguets ou avez-vous
une démarche plus formalisée en choisissant un thème
pour aller ensuite délibérément faire des photos
?
PL : J’ai toujours mon appareil dans le sac
mais pas forcément en bandoulière. Je suis toujours
à l’affût. Bien sûr il m’arrive de
rater des trucs les rares fois où je l’ai oublié
comme tout le monde, ou des moments décisifs quand
il est dans le sac. Parfois en marchant c’est le coup de bol.
Mais je n’ai pas de démarche précise. Je me
promène et je reste attentif.
Il n’ya pas de réflexion préalable
sur le choix des thèmes ?
PL
: Ce n’est pas une démarche au sens volontaire du terme.
Ainsi ce n’est pas délibéré. Je me suis
rendu compte du côté urbain et graphique qui émerge
de mes photos.
Notamment quand je suis à la campagne car
je suis incapable de prendre des photos ça m’emmerde,
sauf quelques bottes de foin mais la nature c’est pas mon
truc. Donc ensuite quand j’ai fait les escaliers j’ai
effectivement tendu à ce que cela ressemble à ce style
qui transparaissait de mes photos. J’adore les escaliers et
dès que j’en vois un de beau, je le prends.
Les thèmes se dégagent naturellement
du nombre de photos prises sur un sujet ?
PL : Oui, c’est plutôt ça. De
temps en temps, je me force un peu en prenant du noir et blanc.
C’est plus graphique qu'expressionniste.
Vous ne faites pas de photos cartes postales.
PL : Quand je suis allé à New York,
j’ai fait les photos qui me plaisaient et puis aussi quelques
photos plus banales mais parce que j’étais à
l’étranger. A Paris, cela m’embête. C’est
pour cela que je recherche l’abstraction. Je me sens un peu
paumé aussi quand je dois faire une photo globale. Je ne
photographie jamais au grand angle. Je suis plus "télé" avec écrasement
des perspectives, je me concentre sur le graphisme.
Certaines
photos, et vous l'indiquez dans vos commentaires, ne sont pas que
de purs instantanés. Elles sont le fruit d’une certaine
attente comme "Crosslines"
PL : Oui. Quand j’ai trouvé le lieu
je cherche parfois une idée. Mais le lieu n’est pas
prémédité. C’est le fruit du hasard.
Et puis je suis assez chanceux car je n’attends pas très
longtemps.
Lignes, formes, couleurs dominent dans vos photos.
Vous oeuvrez dans l'hyperréalisme urbain.
PL : Bein alors d’accord.
Il y a peu de personnages dans vos photos.
PL : Oui. Pour les personnages, il y eu plusieurs
phases. Au départ, il n’y a jamais de personnages.
Quand j’ai commencé la photo j’ai regardé
le travail des photographes. Par exemple j’aime bien le livre
Errances de Raymond Depardon où dans chaque photo il y a
toujours un petit personnage. A New York, j’ai souvent intégré
un personnage dans mes photos.
Vous avez fait des études d’histoire
de l’art ?
PL : Non. Désolé. Des études
d’informatique. La photo a pris beaucoup d’ampleur.
Je suis comme une jeune fille qui attendait le prince charmant.
Par le net, j’ai fait connaissance avec des professionnels.
Ainsi en novembre dernier j’ai fait mon book. J’ai un
peu travaillé comme stagiaire dans un studio photos de mode
mais la mayo n’a pas encore trop pris.
Le travail en studio est effectivement très
éloigné de ce que vous faîtes.
PL : Oui. Mais je voulais apprendre les techniques
studio pour une meilleure utilisation de la lumière.
Vous souhaitez devenir professionnel?
PL : Oui. Mais je suis pas très intéressé
par le travail en compétition agressive avec d’autres
photographes. Je préfère traiter un sujet en solo.
En free-lance alors ?
PL : Pour le moment, je ne suis pas encore fixé.
Mais aujourd’hui si on vous propose un job
dans la photo, vous l'accepteriez ?
PL : Oui, quand même sauf dans le développement
laboratoire. Bien sûr que si le studio de mode m’avait
proposé un poste d’assistant premier j’aurais
suivi. Mais il n’est pas facile de rentrer dans la profession.
Et puis c’est étrange de voir le photographe qui règne
en maître et que ses assistants se complaisent dans cette
situation. Ils font tous de la photo mais n’ont jamais de
book. Je ne comprends pas trop leur démarche.
Vos photos sont-elles retouchées et en
faites-vous des tirages papier ?
PL : Le développement se fait à l’envie
et surtout pour les autres, pour mes proches aussi. Toutes mes photos
passent à la retouche parce que les photos numériques
sont souvent un peu mollassonnes ça dépend des réglages
internes de l’appareil , les couleurs sont relativement neutres.
Elles y passent toutes mais moins elles y passent mieux je me porte.
S’il suffit que j’ajoute + 5 de contraste
pour enlever ce léger voile ou donner le côté
de ce que mon oeil a vu ou cru voir et rajouter un petit fil de
netteté j’en suis d’autant plus content. Il est
rare que je retouche comme un sourd. Les couleurs sont vives sans
être saturées pour éviter le mauvais goût,
car on est vite dans le mauvais goût. Quand je retouche je
travaille toujours avec l’original à côté
pour comparer et éviter ce travers. Et il m’arrive
de constater que je suis allé trop loin. Une fois je suis
allé volontairement trop loin c’est la photo de la
femme coupée
"Travelling
with Her" ?
PL : Oui, c’est maman ! C’était
pour le rendu de l’ambiance. De toute façon je ne sors
pas faire des photos quand le ciel est blanc. Ça ne m’intéresse
pas du tout. A la rigueur s’il y a une bonne lumière
avec un ciel blanc cela peut être intéressant pour
un graphisme en noir et blanc.
Et ta technique c’est le mitraillage pour
sortir une bonne prise ?
PL : Je ne déclenche pas beaucoup. En un
an et demi j’ai fait 15 000 photos. Et puis j’ai peu
d’espace disque sur mon ordinateur donc ça règle
le problème. Et puis si je sens pas la photo je n’ai
même pas envie de la prendre. Même pas pour voir. Faire
le tri m’emmerde. A New York en 2 semaines je n’ai rapporté
que 400 photos donc pas plus qu’un amateur avec un argentique.
Vous postez vos photos sur le net. Avez-vous fait
des expos de vos photos ?
PL : Non, jamais et c’est cela qui m’intéresserait
bien aujourd’hui, presque plus que travailler dans la photo.
Exposer dans un café, un restau mais pas dans une galerie
officielle institutionnalisée. Pour le moment je n’ai
eu aucune proposition en ce sens via le net. Cela étant je
n’ai pas un thème spécifique autour duquel organiser
une expo. Mais j’aimerais bien en choisir un et faire des
photos sur ce thème. Mais je ne suis pas sûr de pouvoir
le faire. Il y a mes escaliers.
L’athlétisme aussi.
PL
: Oui. Mais c’était plus dans le suggéré.
On m’avait prêté un matériel de fou. Je
ne peux pas toutes les exposer car j’ai photographié
des sportifs comme Christine Aron par exemple qui est très
belle…Christine si tu lis ces lignes…. Je me suis bien
amusé mais ce n’est pas vraiment une série.
Quel matériel utilisez-vous ?
PL : J’ai un boitier numérique avec
un 17x35 mais dont je ne me sers peu et puis un 28x135 stabilisé
car je fais des photos d’intérieur aussi, et cela me
permet d’avoir une vitesse lente et de prendre des photos
sans trépied. Et puis j’ai un 50 f1.8 relativement
classique. J’aimerai bien avoir un gros téléobjectif
mais stabilisé pour voir de loin ce qui permet de casser
les perspectives. Et puis il est beau. J’aime bien le matériel.
Ah j’ai aussi un flash c’est bien…pour les mariages.
(sourire)
Le matériel numérique très
sophistiqué est pratiquement à la portée de
tous aujourd'hui. Y a-t-il encore un intérêt à
faire des photos?
PL : Bien sûr, tout le monde peut faire des
photos mais qu’il en fassent tous. La photo numérique
avec ses capacités de retouche permet de faire de belles
choses mais on peut facilement tomber dans le mauvais goût
à mon point de vue. Tout ce qui était photos coloristes
comme celles de Fontana que j’adore où les couleurs
sont super saturées résultaient d’une démarche
quant au développement. Le numérique anéantit
un peu ce genre de choses. On regarde plus le résultat que
le procédé. On juge aussi une photo sur la difficulté
rencontrée pour la prendre. Prendre des escaliers ce n’est
pas très difficile.
Il faut l’œil
PL : Il faut avoir envie. L’engouement pour
la photo numérique se tassera. L’essentiel est d’avoir
envie de faire une photo. Les gens s’achètent un numérique
comme un robot mixer.
Quels sont les photographes dont vous appréciez
le travail, qui vous ont donné le goût de la photo
?
PL : ..ou d’arrêter (rires). Il y a
deux catégories : les photographes dont j’aime le travail
et j’ose me dire que je suis un peu dans le même délire
et je les découvre souvent parce qu’on me dit que mes
photos ressemblent aux leurs. Et puis, il y a les photographes qui
sont dans un registre très différent comme Depardon.
J’adore toutes les photos de l’agence Magnum, les photos
de reporters et aussi les photos en noir et blanc mais qui ne me
donnent pas forcément envie d’en faire autant.
J’aime aussi celles de Anders Peterson qui
vivait en Allemagne, un peu paumé, et qui trouvait du réconfort
dans des bars louches pas possibles et il a prit des photos sur
2 ans et ce ne sont que des portraits durs, un peu glauques. J’aimerai
bien faire ça. J’aime beaucoup Franco Fontana photographe
italien des années 70 qui travaille beaucoup sur la couleur
et sur la matière. On pense pouvoir toucher la matière
en touchant le papier.
J’aime aussi Stéphane Couturier qui
expose en ce moment à la BNF qui expose des photos de lieux
en travaux basé sur l’orthogonalité des lignes,
sans profondeur c’est-à-dire écrasement des
perspectives avec les différents plans ce qui donne un aspect
plus plasticien. On reconnaît le sujet de la photo mais l’absence
de profondeur fait que cela donne comme des aplats des collages.
Cela fait penser à la photo "Profil
urbain" dans laquelle le pot de fleur semble sortir du mur
PL : Il y a aussi Andréas Gursky qui fait
des photos de très grand format basées sur la répétition.
Ce que j’aime bien aussi. Les motifs qui se répètent
et parfois un élément qui brise cette répétition.
Style pop art ?
PL : Oui.
"Caca sur l'art contemporain"
PL : C’est une photo préméditée
car j’avais repéré le lieu mais j’ai du
attendre une demie heure pour que l’oiseau se pose.
Des projets ?
PL : Je pense que j’ai déjà
des photos dans une certaine continuité qui permettraient
de faire une expo intéressante. Avec éventuellement
une légende mais je ne considère pas la photo comme
un sujet de réflexion mais comme un objet. Ce serait même
bien de l’associer à son cadre pour en faire un objet.
On l’aime et puis point-barre. Cela étant prédéfinir
un thème et puis faire des photos dans l’optique d’une
expo avec une échéance me plairait aussi. Par exemple
quand je suis allé à New York je savais que des gens
espéraient que je ramènerais de belles photos.
Le fait d’être apprécié
par d’autres participe aussi du plaisir à faire des
photos ?
PL : Oui, beaucoup à une époque,
surtout au début, au point où je postais tous les
2 ou 3 jours donc comme je n’avais pas de stock il y avait
l’enjeu de l’échéance. Après j’en
ai fais un peu moins car c’est la rareté qui génère
l’intérêt. Et puis sur le site planete powershot
je fais maintenant un peu partie des meubles. C’est un site
qui est bien visité par les professionnels. Mes photos y
sont toujours appréciées voire critiquées donc
elles suscitaient vraiment l’intérêt.
Pourquoi faites-vous des photos aujourd'hui ?
PL : ...parce que j'ai plein de fans (rire)
Comment définiriez-vous votre travail en
3 mots ?
Les 3 qui figurent sur la bannière de mon
site : urban, colourfull et graphical
Regardons donc le
book dont vous nous avez parlé…
Message personnel du Professor Love : …
depuis peu PL a perdu son L et il aimerait bien le retrouver
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