C’est après le déluge que l’on apprend à apprécier à leurs justes valeurs les fins d’après-midi ensoleillées ou tout au moins "sèches". Les festivaliers arborent un sourire radieux, en hommage à l’amélioration de la météo. Le site, lui, malgré tous les efforts de l’organisation et des bénévoles, conserve encore les stigmates de la veille : des étendues boueuses s’étendent un peu partout, interdisant le passage aux pieds non-bottés et c’est un véritable champ de mines qui a été façonné par le passage des tracteurs et autres camions… chevilles fragiles, s’abstenir.
C’est dans ces conditions quasi-estivales (quoique bien fraîches) que les New-Yorkais de Here We Go Magic ouvrent ce dernier soir de festivités. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on sent rapidement poindre un ennui profond à l’écoute de leur Pop/Folk… morceaux à rallonges peu mélodiques, présence scénique proche du néant (une bassiste prenant des poses peu adaptées à sa jupe trop courte, une claviériste faisant des étirements durant tout le concert en tripotant ses pieds nus (c’est d’ailleurs bien la seule à le prendre, son pied), un chanteur à la voix monocorde)… C’est long, très long et on se prend à imaginer la double peine si le groupe s’était produit la veille !
Heureusement, les barbus Texans de Okkervil River prennent le relais et proposent une Folk Rock davantage débridée (entachée seulement de quelques moments de prêche un peu pénible de leur leader Will Sheff). Le dernier single en date Wake and Be Fine est efficace et les compositions soignées. Il manque juste un brin de folie pour convaincre définitivement les festivaliers.
Les très attendus Cat’s Eyes, side project de Faris Badwan avec la soprano Canadienne Rachel Zefira, vont livrer un set Rock psychédélique en demi-teinte mais très attachant. Fraîchement débarqué du Japon où il se produisait la veille, le leader de The Horrors semble heureux d’être là et apparaît beaucoup plus naturel qu’à l’accoutumée. Il a remisé au vestiaire son costume et ses mimiques de Ian Curtis et propose enfin un visage plus humain (je rassure les puristes, sa mèche est toujours là). La prestation (trop courte) est certes un peu bancale, décousue et le tout manque de rodage mais c’est aussi cette fragilité qui fait son charme. La voix de Rachel est magnifique mais étonnamment sous exploitée car le duo fonctionne à merveille (à noter une belle reprise du "Lucifer Sam" de Pink Floyd).
Changement d’ambiance avec les Fleet Foxes. Tête d’affiche annoncée de la soirée, leur concert va pourtant diviser radicalement le public : pure merveille mélodique pour les uns, prestation pompeuse et traînant en longueur pour les autres. La vérité est sans doute au centre : les compositions du premier album éponyme sont sublimes et les harmonies vocales parfaitement maîtrisées par la bande ; en revanche, le nouvel opus sent un peu le réchauffé… du coup, le groupe alterne de la même façon sur scène le très bon et le trop long.
Il est temps de retrouver les Crocodiles (personnellement, ce sera la troisième fois cette année, mais je ne m’en lasse pas !). Dès le premier titre ("Neon Jesus"), la scène parait bien grande pour eux et on réalise la distance qu’ils leur restent à parcourir. Perturbés par des problèmes de balance et de micros, ils tardent à toucher un public pourtant prêt à s’enflammer. Ce sera quand même le cas pour "Mirrors" et son intro lancinante, le psychédélique "Stoned to Death", l’efficace "Hearts of Love" et "Sleep Forever".
Les deux sauriens d’origine en font des tonnes, entre poses travaillées, cris hystériques, réverbs exagérées et attitude démago (descente dans le public pour partager leur bouteille de rouge, Jack Daniel écoulé au goulot par l’ensemble du groupe) et je comprends que cela puisse agacer le plus grand nombre ; pourtant, musicalement, leur rock garage nous fait vibrer (car il nous rappelle forcément pleins de fantômes du passé) : un crocodile en plastique se fait malmener et rebondit de bras en bras, croisant des corps boueux extasiés en plein slam. Quelques nouveaux titres (assez pauvres) sont glissés pour remplir un set qui s’étire péniblement en longueur. Le concert s’achève de manière bordélique, avec l’intrusion d’un spectateur excité ; le groupe aura au moins eu le mérite de bousculer une foule un peu amorphe.
Après le désistement regretté de Crystal Castles (une sombre histoire de refus de prendre l’avion), c’est le Toulousain Mondkopf qui se frotte à la délicate tâche de clôturer le festival et de faire danser les corps éprouvés (bien aidé en cela par le tour de chauffe déjanté de Dan Deacon). Après un début de set plutôt énergique, de gros problèmes techniques entraînent une bien longue coupure (diffusant au passage sur les écrans géants le bureau de son portable, avec le répertoire "Vieilles charrues" ouvert… ça fait un peu recyclage !) qui aura raison de ma volonté.
En conclusion, une fort belle édition (sans doute une des meilleures de ces dernières années) qui, malgré une soirée chaotique le samedi, restera dans les mémoires malouines. Séances de rattrapage possibles (et recommandées) pour les absents : une bonne part des concerts est à voir ou revoir sur Arte Live Web durant quelques semaines. |