Spectacle de théâtre musical conçu et mis en scène par Thomas Le Douarec d'après l'oeuvre de Oscar Wilde, sur une musique originale de Stefan Corbin, avec Gregory Benchenafi, Gilles Nicoleau, Laurent Maurel, Caroline Devismes et Stefan Corbin.
Porter une oeuvre littéraire au théâtre relève du pari et, dans le registre du théâtre musical, du challenge. Thomas Le Douarec, qui affectionne le registre de la tragédie opératique, aime les défis et transpose sur scène, assorti d'intermèdes, le roman emblématique de Oscar Wilde "Le portrait de Dorian Gray" qu'il remet sur le métier après l'avoir déjà exploré en 1996.
Ce roman autofictionnel à la surabondance thématique, qui croise le mythe de Faust et l'effet Pygmalion, magnifie la jeunesse, le pouvoir de séduction de la beauté physique et les amours invertis et prône la posture du dandy et la philosophie de l'esthétisme décadent de la fin du 19ème siècle, raconte la trajectoire "fantastique" d'un personnage janusien qui rêve de pureté et de vertu tout en s'adonnant aux plaisirs libertins dans les salons et à la dépravation dans les bouges du Londres victorien gavé de puritanisme spécieux.
Influencé par le cynisme d'un lord expérimenté et désenchanté qui lui martèle la pratique d'un hédonisme seul capable de masquer l'angoisse face à l'odieuse et l'inéluctable décrépitude du corps, le bel adolescent voit son voeu exaucé : seul son portrait vieillirait et deviendrait le reflet de sa conscience.
Tout en resserrant l'action autour des quatre principaux protagonistes, Dorian Gray, le peintre, le lord et la figure féminine, en l'occurrence notamment l'amoureuse rejetée du jeune homme, Thomas Le Douarec propose une adaptation fidèle à la trame narrative du roman ainsi qu'aux dialogues écrits qui ont parfois du mal à passer le cap de l'oralité compte tenu de leur rhétorique stylistique et de la pratique récurrente de l'aphorisme.
La partition conçue sous forme de tableaux dramatiques est traitée dans une mise en scène classique qui évoque celle pratiquée sur l'ancien Boulevard du crime, et dans laquelle Thomas Le Douarec imprime sa patte qui tient au traitement parodique de certaines scènes telle celle déterminante de l'actrice sur les planches.
Elle se déroule en costumes, des costumes pour lesquels Frédéric Pineau a laissé libre cours à son imagination notamment pour les costumes kilt et les audacieux mélanges d'écossais à la Gaultier, sur un plateau nu et avec la musique live interprétée au piano par Stefan Corbin qui a assuré la direction musicale des intermèdes qui n'apportent pas de réelle valeur ajoutée au spectacle.
Gilles Nicoleau, très convaincant dans le rôle du peintre à l'allure chabalienne fasciné par son modèle, Caroline Devismes, dans celui de la femme destinée à être sentimentalement malmenée et Laurent Maurel, qui surjoue juste ce qu'il faut le maniérisme affiché du mondain sybarite, entourent Gregory Benchenafi.
Dans le rôle titre, celui qui fut la révélation du spectacle musical "Mike Brant, laisse-nous t'aimer", également mis en scène par Thomas Le Douarec, a la beauté et le jeu monolithique qui siéent au personnage autostatufié. |