Bousculer la linéarité des monstrations institutionnelles et se focaliser sur les débats, travaux et réflexions contemporaines des historiens d'art constituaient, dès sa création, les lignes directrices de la Pinacothèque de Paris fondée et dirigée par Marc Restillini ainsi qu'il nous l'avait explicité dans une interview en novembre 2007.
Aussi l'exposition proposée pour la rentrée muséale 2011-2012 s'inscrit-elle totalement, comme ce fut le cas de "Jackson Pollock et le chamanisme" par exemple, dans ce coeur de cible.
Avec "Giacometti et les Etrusques", les deux co-commissaires, Marc Restillini, lui-même, et Claudia Zevi,ont souhaité opérer une confrontation, qui leur paraît fondamentale, entre l'oeuvre de Giacometti et l'art étrusque.
Présentée sur deux niveaux, la mise en résonance de l'oeuvre de Giacometti est précédée d'une exposition sur l'art étrusque, réalisée avec le concours de Jean-Paul Thuillier, professeur à l'Ecole Normale Supérieure spécialiste de l'histoire étrusque.
Giacometti, le dernier des Etrusques ?
Pour permettre une confrontation éclairée, qui ne tiendrait pas uniquement à la similarité formelle, celle-ci est précédée d'une présentation chronologique et didactique de l'art étrusque ce qui ne paraît pas superfétatoire.
En effet, l'ancienneté de la dernière exposition générale sur l'art étrusque, émanant de la première civilisation qu'a connu l'Italie et qui vivait depuis la Protohistoire en Etrurie sur un territoire qui correspond à la Toscane actuelle, présentée à Paris en 1992, militait en faveur d'un rafraîchissement de mémoire d'autant qu'il s'agit de l'art méconnu d'une civilisation tout aussi, sinon méconnue du moins éclipsée dans la mémoire collective par l'art antique grec.
De la période archaïque à la romanisation, ce sont dix siècles d'un art figuratif essentiellement funéraire qui sont retracés en plus de 200 oeuvres grâce à des prêts exceptionnels de trois musées italiens, le Musée étrusque Guarnacci de Volterra, le Musée national archéologique de Florence et le Musée national étrusque de la Villa Giulia de Rome, et d'autant plus exceptionnels s'agissant d'objets qui ne sortent jamais des collections et dont certaines pièces ne sont même pas exposées en Italie.
A voir donc notamment une série impressionnante de vases canopes anthropomorphiques du 7ème siècle avant JC, de vases cratères à colonnettes en céramique peinte du 1er siècle avant JC et de nombreuses statuettes d'offrants qui induisent le parallèle avec l'oeuvre de Giacometti.
Parmi ces statuettes, le pivot de la réflexion des commissaires est constituée par l'emblématique statue en bronze nommée "L'Ombre du Soir" datant de trois siècles avant notre ère, jamais présentée hors d'Italie, autour de laquelle est articulée la relecture de l'oeuvre de Giacometti.
Au deuxième niveau, un peu moins de 30 oeuvres sculptées de Giacometti, provenant de la Collection Fondation Maeght et de la collection Klewan ainsi que de prêts de collectionneurs privés, et de nombreux dessins et documents ont été réunis et mis en résonance avec des oeuvres étrusques.
Dans le contexte d'un retour à l'Antiquité prôné par le surréalisme auquel il est attaché, Giacometti développe, dès le milieu des années 40, une figure sculptée longiligne singulière et originale (à gauche "Femme debout demi-grandeur" de 1949) qui présente des similitudes formelles avec la modernité esthétique des sculptures étrusques. Par ailleurs, son atelier conçu comme une tombe étrusque et les livres d'art - dont le catalogue de l'exposition "Art et civilisation des Etrusques" qui s'est tenu au Louvre en 1955 - annotés de ses dessins concourent à étayer la proposition des commissaires.
Et il est tentant de raisonner par analogie entre la civilisation étrusque fut une civilisation de transition dont l'art s'inspirait de celui de la Grèce et fut phagocyté par Rome et Giacometti considéré en sculpture comme l'homme charnière entre le classicisme et l'abstraction néo-plastique.
Alors influence inconsciente de l'art étrusque, convergence spontanée à travers les siècles ou simple coïncidence ? Voilà matière à débats voire à polémique pour les historiens d'art d'autant que Giacometti n'a laissé jamais théoriser ni écrit sur son oeuvre et que d'aucuns font état de son manque total d'imagination. |