Monologue dramatique d'après des textes de Marguerite Duras dit par Tania Torrens dans une mise en scène de Jeanne Champagne.
"Ecrire", ce petit texte essentiel de la fin de la vie de Marguerite Duras, brut, abrupt, roman de l'écriture et récit sec et foudroyant de la vie de l'écrivain, un metteur en scène inspiré, Jeanne Champagne, a réussi cette gageure impossible de le transposer au théâtre.
Neauphle-le-Château: là sont exilés deux ayatollahs, diront de méchantes langues: Khomeini et...la Duras.
Devant un lac solitaire et glacé, sur lequel, patinent, l'hiver, des enfants bruyants qu'elle surveille, la femme qui écrit décide de consigner, avant la fin de son pèlerinage terrestre, ses observations sur son travail d'écriture. Elle révèle la souffrance, l'impossibilité, la jouissance de sa vie morne et désespérée et la solitude hurlante de sa condition.
Le vin rouge, l'ami qui réchauffe sans parler ou exiger, parfois, s'invite dans une phrase absurde que la Duras contemple et transcrit en y ajoutant de son esprit coquin. Tombée au sol, elle observe une mouche qui agonise et la décrit: elle est cette mouche dont on ne parlera que parce qu'il y a écriture et que l'écriture met à genou le barbare, surtout en France, patrie de la littérature.
Pour servir cette entreprise, une de nos très grandes comédiennes, issue du Français, Tania Torrens, voix d'airain, présence toute de densité et d'incarnation, "joue" Duras et la vieille dame un peu batracienne, accrochée à sa page-nénuphar, revient dans notre monde marécageux apostropher les faux princes sans charme et les tristes sires qui se passent si bien d'elle, de la littérature ou de la culture.
La mise en scène est dépouillée, un peu alourdie par des effets sonores longuets et des chansonnettes mièvres mais on sait que la dame de Neauphle aimait, parfois, donner dans la midinette, par diversion.
L'heure s'écoule dans l'obscurité de la maison d'écriture, l'émotion monte, la douleur cogne aux vitres et cet écrivain bouleverse et nous chavire.
Duras n'a jamais eu besoin de mettre un petit e à ce beau mot d'écrivain. Car elle est, dans sa stupeur et son opiniâtreté, l'écrivain avec un grand E. Et ce spectacle est à sa mesure. |