En ces temps particulièrement pléthoriques en termes de production musicale, se distinguer du tout venant est un exercice délicat. Pour y parvenir, certains comptent sur l’originalité à tout prix à grand renfort d’hybridations musicales et expérimentations sonores. D’autres cherchent à anticiper le prochain revival. The War on Drugs a choisi une toute autre option : jouer la carte du classicisme et laisser la personnalité et le talent faire la différence.
Un choix particulièrement judicieux à l’écoute de leur deuxième album, Slave Ambient. On passera rapidement sur le côté people de l’affaire qui veut que Kurt Vile ait cofondé le groupe, en compagnie d’Adam Granduciel, puis soit parti voguer de ses propres voiles sur les océans de la musique américaine. J’avoue ne pas m’être attardé suffisamment longtemps sur sa propre discographie pour commenter cet épisode. Intéressons-nous plutôt au contenu de ce disque.
Côté chansons, point d’innovation majeure à l’horizon mais un songwriting très classique, dans la lignée de pères fondateurs, illustres certes (Bob Dylan, Neil Young, Bruce Springsteen…), mais maintes fois cités ces dernières années. Côté habillage, ryhtmiques binaires, nappes synthétiques, mélodies de claviers taquins et guitares delays, on se situe également dans du déjà-entendu. Et pourtant… ça marche ! Alors pourquoi ?
D’abord parce que Adam Granduciel habite véritablement les chansons. Non que la voix soit exceptionnelle (loin de là) mais elle est inspirée ! A la manière d’autres conteurs de grand talent (Howe Gelb, Richard Buckner ou Dean Wareham sont de ceux là), Granduciel porte les chansons à bras le corps, leur fait prendre une dimension supérieure. Occultant presque les couches de guitares, claviers, harmonica, saxophone, delays et reverbs (d’où l’ambient du titre peut-être).
Mais aussi parce que ce disque fleure bon l’ambition. Pas de retenue ici, pas de peur de choquer les ayatollahs du songwriting, on lâche les grands chevaux ! Les nappes synthétiques pas du meilleure goût, le saxophone, instrument longtemps banni de la sphère indé (quoiqu’en net retour en grâce ces derniers temps), l’écho dans la voix (ou sur les batteries), pas discret pour un sou, tout y est.
Enfin, parce que cet album contient un tube : "Baby Missiles", un hymne eighties joué à fond les ballons, sans refrain mais suffisamment entrainant pour s’en passer. Au final, tous ces éléments font de Slave Ambient un exemple intéressant : on peut faire un bon disque de musique américaine en 2011 sans tomber dans les poncifs du genre (pedal steel, batterie jouée aux balais…). Il suffit d’un peu d’audace, d’un songwriting solide et d’une personnalité forte. Fastoche, non ? |