Comédie dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Anton Tchekhov, mise en scène de Mikaël Serre, avec Servane Ducorps, Elsa Greszczak, Gaël Leveugle, Sam Lowyck, MOC, Pascal Rénéric, Christèle Tual et Fred Ulysse.
Une recommandation, qui vaut d'ailleurs pour tous les spectacles, avant d'aller au Nouveau Théâtre de Montreuil : ne pas se fier uniquement au titre et lire attentivement le générique.
Ainsi, bien que le titre soit identique, "La mouette" mise en scène par Mikaël Serre n'est pas la pièce écrite par Anton Tchekhov mais une partition différente même si elle lui emprunte sa trame, l'essentiel de ses personnages et ses principales scènes.
En effet, il s'agit de "La mouette" d'après - et non "de" - Anton Tchekhov car Mikaël Serre estime qu'il n'est pas possible de monter la pièce d'origine dans une langue autre que le russe car la traduction est déjà une interprétation. De l'interprétation à la dénaturation,il n'y a qu'un pas alors autant procéder a une dénaturation explicite et assumée sous couvert de mise en résonance avec l'époque contemporaine.
Encore que, en l'espèce, la contextualisation se fait en référence aux seventies, époque désormais lointaine, mais qui semble fasciner Mikaël Serre comme nombre de ceux de sa génération, pour immerger cette histoire dans l'iconographie underground de la beat generation telle qu'elle est fantasmée par ceux qui ne l'ont pas connu et qui rêve de la Factory.
Cela donne une partition étrange et kaléidoscopique dans laquelle sont injectées des extraits de la pièce de Tchekhov, des "improvisations" des acteurs puisque ceux-ci participent à l'élaboration du spectacle d'improvisations (Trigorine-Sam Lowyck retrouve ses gestes de danseur, Nina-Servane Ducorps qui est passée par l'Institut Strasberg déclame en anglais, des chansons, l'incontournable "Because the night" de la référence des références de Patti Smith mais également, entre autres, "Sweat drems" de Eurythmics, pour le côté opéra rock et des répliques de films. Ainsi la scène du film d'Andrzej Zulawski, "L'important c'est d'aimer" sorti en 1975 dans laquelle Romy Schneider, bouleversante dans le rôle d'une actrice ratée dit "Ne faites pas de photos, s'il vous plaît...non, j'suis une comédienne, vous savez, j'sais faire des trucs bien, ça ici je le fais pour bouffer, c'est tout, alors ne faites pas de photos s'il vous plaît...".
Dans un décor de villégiature cheap, pavillon de jardin en plastique, transat jaune citron, filet de tennis, les personnages tour à tour apathiques ou en proie à une crise de nerfs qui se veut existentielle procèdent à des règlements de comptes plus ou moins larvés et/ou avortés, sorte de tempêtes dans un verre d'eau, ou plutôt une piscine gonflable pour enfants qui, en l'occurrence, fait office de lac.
Sur fond de rêves déçus et d'amour impossible, les personnages résistent. Madvendko (Gaël Leveugle) aime toujours Macha (Elsa Grzeszczak) qui aime toujours Konstantin (Pascal Rénéric) cherche la reconnaissance de sa mère comme auteur qui révolutionnera l'art théâtral et aime toujours Nina qui rêve de venir star et qui aime toujours Trigorine écrivain à succès qui aime peut-être Arkadina (Christèle Tual) actrice qui ne vit que sous les feux de la rampe et qui n'aime qu'elle. Et le vieil oncle (MOC) mourra malgré les bons soins du médecin (Fred Ulysse). |