Monologue tragi-comique écrit et interprété par François Jenny dans une mise en scène de Vincent Kuentz et François Jenny.
Formé à l'école du clown, François Jenny, ouvre le cercle magique de la piste de cirque devenue plateau de théâtre pour inviter le spectateur à quitter les charentaises du confort intellectuel et de la rationalité pour une singulière traversée du miroir.
Tenue de ville mais masque lunaire du Pierrot, visage fardé de blanc, le personnage autofictionnel qu'il porte sur scène intrigue, inquiète, ravit. A condition de larguer les amarres. Loin d'exorciser par le rire la peur atavique du monstre tapie au sein de l'homme, il milite en faveur de l'épanouissement de l'imagination qui, judicieusement titillée, finit toujours par accoster sur les rives de l'inquiétante étrangeté.
L'homme, qui a un petit vélo dans la tête, s'adresse au spectateur qui accepte de monter sur son porte-bagages pour une conversation à bâtons rompus intitulée "Ca par exemple !" ou de l'art de l'ellipse, passant du coq à l'âne ou plutôt de la langue de boeuf au dépeçage du poulet, alouette, gentille alouette, la tête du vrai poulet (mort) sur le billot sera bel et bien tranchée en direct live, de la métaphysique du vide et du plein à l'enfance (ou comment régler son pas sur le pas de l'enfant qu'on a été), de Catherine Deneuve à Bérénice de Racine.
Pratiquant un humour tranchant en héritage assumé de l'humoriste et comédien Bernard Haller, décédé en 2009, François Jenny évoque également son pays, l'Alsace, victime des clichés, et le dialecte alsacien issu de l'alémanique, victime d'amalgame : si la pagnolade a érigé l'assent du Sud au rang des belles lettres, aujourd'hui encore la scansion hitlérienne jette le discrédit sur la belle oralité intrinsèque de la langue allemande.
Et, puis, dans une autre veine, il ne faut pas craindre la douche écossaise, sa narration du story-board d'un désopilant court métrage au suspense haletant, une dame ayant une envie irrépressible de faire pipi pourra-t-elle se contenir jusqu'à l'arrivée à son domicile - est une petite merveille.
Alors, comme son personnage à nul autre pareil, son spectacle ne souffre pas l'étiquetage. Il est unique et, à ce titre, totalement roboratif et magique au point où il doit indiquer que le spectacle est fini pour que l'auditoire revienne sur terre.
Absolument indispensable pour les curieux qui veulent sortir des sentiers battus. Mais veillez à semer quelques petits cailloux blancs. |