Tom
Barman, leader de dEUS, chemise
à carreaux, pantalon orange, est particulièrement
affable et n'a pas la grosse tête.
Il se prête avec gentillesse à l’exercice de
la conférence de presse d’une voix cassée à
la Arno parlant une savoureuse langue mosaïque à la
Van dame que nous avons retranscrit avec fidélité
afin de garder le coté vivant de cette interview.
Il
y a longtemps que l'on n'a pas vu dEUS en France.
Tom Barman : Parmi les concerts en France, figurent
les meilleurs de ceux qu’on a fait. Je me souviens Saint Malo,
La Cigale, Bataclan à Paris. Donc on a de bonnes mémoires
d’ici. Comment ça se fait 5 ans ? Il y a eu beaucoup
de trucs entre temps. Dani il a fait une tournée avec Vive
la fête, Dani et Stef notre nouveau batteur. Klaas il a commencé
une petite famille et il a ouvert un bar Plaza Real à Anvers.
Et puis moi j’ai fait mon premier film et
j’ai fait un album avec Magnus. Et j’ai fait une petite
tournée acoustique avec Guy en jouant des reprises et des
morceaux de dEUS. Et puis Creg a fait des productions de disques
d’un groupe irlandais The friends et un groupe écossais
Vera Cruz dont l’album va sortir bientôt.
Pouvez-nous en dire plus sur votre film ?
Tom Barman : Le film est sorti en France modestement,
mais il est sorti et c’est pour moi déjà excitant
à MK2 à Paris. Il est sorti dans 8 pays, il vient
de sortir au Portugal. Il va sortir en Angleterre, Suisse, Espagne,
Canada.
Quand avez-vous décidé de faire
une pause ?
Après Ideal crash Tour, on est parti prendre
un peu l’air, un peu de temps. Kris a quitté le groupe.
C’est pour cela que j’ai pris l’occasion de commencer
à écrire un court métrage, qui est devenu un
long métrage. Et un an, ce qui était l’idée,
est devenu 4 ans et demie.
Avez-vous pensé mettre fin à dEUS
?
Tom Barman : Oh pas plus qu’une demi-heure
chaque année. Oui, il y avait des moments où je trouvais
ça très con parce que "The ideal crash"
avait fait très bien, on a pas besoin de vendre des millions.
Ça a bien marché, la tournée était superbe.
Je n’analyse pas trop les faits. C’est comme ça
que ça s’est passé. On est content de retourner.
On fait un nouveau disque maintenant.
Le succès de "The ideal crash"
a été phénoménal. Ça ne met pas
trop la pression ?
Tom Barman : De l’autre côté
ça serait peut être un changement d’avoir des
reviews un peu moins et d’avoir plus de ventes. Non, je ne
sais pas. Je me rappelle plus en fait. On a toujours été
assez gâté par la presse. Si c’est un peu moins,
du moment qu’il y a des gens qui viennent voir les concerts,
c’est le plus important pour nous. Ça fait 4 ans ce
n’est pas dans ma tête. Ce qui est dans ma tête
c’est de faire des morceaux qui sont bien mais ça va
pas être les mêmes que ceux de The ideal crash c’est
clair. On est 4 ans après.
"The ideal crash" était ancré
dans un moment de votre vie.
Tom Barman : En France, c’est "The ideal
crash" qui a fait très bien. Dans les autres pays, leur
disque préféré c’est" In a bar under
the sea" donc c’est vraiment en France et en Allemagne
qu’on a ressenti ce disque. En Belgique c’est "In
a bar under the sea", en Hollande c’es "Worst case
scenario". Le plus important pour moi c’est que tous
les disques soient là.
"Ideal crash" était plus calme,
plus facile d’accès. Quelle sera la couleur du prochain
album ?
Tom Barman : Je crois pas qu’Ideal crash
est très calme. Au point de vue des paroles j’ai beaucoup
de mal de chanter des morceaux comme "Everybody 's weird"
parce que c’est assez hard. J’ai toujours trouvé
un peu étrange que les gens trouvent que cet album est plus
accessible. Je trouve qu’il est assez cru émotionnellement.
Pour le prochain album on est demi chemin donc c’est un peu
tôt pour le dire mais je veux une clarité. On enregistre
sans producteur, on fait ça nous mêmes, il y a beaucoup
de rock ces derniers temps mais la production est devenu trop importante
trop slick, je connais pas le mot en français...
Lisse
Tom Barman : Il y a trop de bazar et de trucs qui
m’énerve. On est en train d’enregistrer un disque
honnête et chaud. C’est les 2 mots. Et puis je veux
aussi une clarité de mélodie, de paroles, d’écriture.
Peut être que les fans de la première heure vont dire
qu’ils sont devenus trop normaux mais cela ne m’occupe
pas trop car il faut évoluer et on a eu maintenant je l’ai
pas lu mais ils m’ont dit parce que même si tu lis pas
les articles qui sont mauvais il y a toujours des copains qui vont
te le dire : "Où est passé le dEUS expérimental
?" c’est comme ça une idée adolescente
que ton groupe préféré doit rester toujours
le même mais on est 10 ans plus loin. Je vais voir. Je suis
peut être déjà un peu trop défensif parce
que je n’ai aucune idée comment ça va sonner.
On a 6 morceaux déjà, on va en jouer 4, vous pourrez
vous faire une idée.
Y a-t-il des disques en particulier qui avaient
contribués à la nature et la teneur du nouvel album
?
Tom Barman : On aime beaucoup Can, tous les disques
de Velvet Underground comme toujours. Au point de vue approcher
le disque c’est un cliché mais c’est enregistrer
sans chichis sans trop d’ordinateur. J’avais fait un
disque avec Magnus avec beaucoup de musiciens live mais on avait
beaucoup construit sur l’ordinateur. Mais maintenant avec
dEUS c’est en live sur tape. Donc Velvet, Can, Talking Heads,
beaucoup de trucs assez classiques. Bon Talking Heads on peut pas
appeler ça rock classique mais Remain on light c’est
quelque chose qui est quand même… c’est rigolo
quand on fait un 4ème disque en dix ans de dire ça
sonne dEUS. C’est étrange. Il y aura tous les éléments
d’avant. Me demande pas lesquels c’est pas mon boulot,
mais ils seront là. Intuitivement, je le sens.
Comment expliquer la patte dEUS malgré
la diversité des albums ?
Tom Barman : Je crois que c’est exactement
ça parce que je ressens que l’album prochain on avait
une idée de faire quelque chose très rock très
up tempo, de chouette à jouer en live parce qu’avec
Ideal crash c’était parfois trop mid tempo mais on
se retrouve quand même avec des morceaux assez soft. On se
retrouve toujours … we failed...
On échoue
Tom Barman : On échoue tout le temps à
faire ce qu’on dit qu’on va faire. Je crois que c’est
typiquement dEUS. On a un concept en tête et puis on arrive
je sais pas quoi au contraire. Mais ça sera assez éclectique
je crois.
Cela se sentait dans "In a bar under the
sea" où l’on avait des côté très
jazz Charlie Mingus et des côtés très pop avec
Little arithmetics. N’y a-t-il pas un peu de schizophrénie
musicale ?
Tom Barman : Je crois que les disques forment une
unité. On l’a fait avec Ideal crash et c’est
le path que l’on veut suivre. C’est quelque chose qui
se révèle quand on le fait. Là on est à
demi chemin. On a des morceaux assez achevés mais on a peut
être envie aussi de faire des trucs complètement étranges,
de mettre des sons d’oiseaux par dessus et si ca se passe
bien, si ça sonne bien on va laisser comme ça.
Est-il prévu des guests sur ce prochain
album ?
Tom Barman : Non, pas vraiment. C’est aussi
l’idée, on veut garder les sounds de nous 5. Avant
on a fait beaucoup de pistes de différents instruments, on
était comme des gosses dans le studio, avec le résultat
qu’on avait besoin de 6 personnes pour jouer ça live
et on a demandé à Tim de Millionnaire de nous rejoindre.
Maintenant on essaie d’être assez strict et on a fait
la blague au début de dire qu’on va faire un disque
dogme avec des règles. Bien sûr on n’a pas fait.
Mais c’est quand même bien d’avoir quelques trucs
où tu te tiens.
Et vous, allez-vous collaborer avec des groupe
qui gravitent autour de dEUS ?
Tom Barman : Si on peut prendre un groupe belge
dans notre première partie, on le fera. Tim le millionnaire
est en studio maintenant avec Josh Homme à LA donc ils vont
finir l’album vers la fin de l’année comme nous
donc on ira peut être ensemble, ou ils iront peut être
avec The queen of the stone age qui est peut être mieux pour
eux. Si ça se présente on est là. Avec Steph,
on est meilleur ami qu’avant et on se voit plus qu’à
l’époque où il jouait dans le groupe. Il y a
beaucoup de groupes intéressants en Belgique. Mais on a pas
de plan et on veut pas se catapulter comme aideurs.
La scène belge est très pugnace.
Y a-t-il une vision pop-rock belge ?
Tom Barman : Les journalistes sont feignants ces
derniers temps. C’est à eux de dire ça. Je suis
mal à analyser le bazar. Mauro disait les anglais sont éduqués
sur les Beatles nous on est éduqués sur les magasins
de disques. J’ai toujours dit que la Belgique c’est
une éponge. C’est un petit pays. On me demande ça
depuis 10 ans. I really don’t know. Rudy qui était
dans le groupe à l’époque avait toujours de
bonnes réponses. Moi je sais pas.
Je suis belge et j’aime beaucoup les trucs
qui se passent un peu partout. Gosse, j’aimais beaucoup ce
qui passait à la radio comme Abba, Phil Collins autant que
des trucs super noisy ; et j’ai toujours gardé ça.
Est ce que c’est typiquement belge ? Je sais pas. Il y a pas
peut être une fantaisie parce qu’on est petit. Si tu
vois la peinture, la BD, la danse, la mode, il y a une fantaisie
pas comme les autres, c’est peut être ça. Ne
pas avoir de traditions ça peut être un mal mais ça
peut être aussi un avantage.
Et j’ai toujours dit qu’on est pas
comme le guitariste noir américain qui a toujours Jimmy Hendrix
derrière lui. On a eu quelques hits dans les années
septante et soixante mais il n’y a jamais eu une tradition
du rock belge. Il y a pas de poids, il y a plus de liberté,
donc un peu plus d’envie, de faire du risque. Les autres se
demandent pourquoi on combine le truc américain complètement
hit avec une mélodie beatlesque. Nous on aime bien ça.
Pour revenir au cinéma, quel est le titre
de votre film et en avez-vous écrit la bande-son et cela
veut-il dire que vous êtes pour l’interdisciplinarité
des expressions artistiques ?
Tom Barman : Non, le film et la musique, c’est
assez déjà. Le film s'appelle "Anyway the wind
blows". Il est sorti il y a un an en Belgique et il y a un
mois en France. Il a eu de bonnes et de moins bonnes critiques et
3 000 spectateurs à Paris. Je voulais faire des films avant
de faire de la musique donc j'ai pris l'occasion de le faire. J'avais
étudié la réalisation de films mais je n'avais
jamais terminé mes études parce que j'avais triché
sur un examen et on m'a viré de l'école. Mais à
cette époque j'ai eu la chance que le groupe marchait bien
et on avait signé le deal avec Island.
J'ai fait des vidéos pour le groupe
et j'ai appris le métier en travaillant avec les techniciens.
Pour le long métrage, j'ai tout appris au fur à mesure,
en le faisant. Après la prochaine tournée de dEUS,
je ferais mon deuxième film et je suis en train de préparer
calmement l'idée et le script. Mais auparavant, je veux terminer
l'album.
Vous avez fait la bande son de votre film?
Tom Barman : Non. Il y a 3 morceaux de Magnus et
le reste comporte beaucoup de jazz, JJ Cale, Squarepushers, des
trucs dance, électronic, Charlie Mingus, Herbie Hancock…
donc c'est un mix qui clip bien avec l'atmosphère du film
qui est un film urbain qui suit 8 personnages pendant 32 heures
dans une ville. Le soundtrack est donc assez éclectique.
Et vous n'avez jamais voulu faire la bande son?
Tom Barman : Non. Au début je ne voulais
même pas mixer la musique mais il y avait un morceau que j'avais
dans la tête et qui n'allait plus sur le film et comme le
disque de Magnus était fini je me suis dit : Pourquoi pas
?. Et soudain j'ai vu que ça allait parfaitement. Et j'ai
annulé dans ma tête l'idée que je ne voulais
pas faire la musique parce que je pensais que ça allait faire
trop : écrire, réaliser…
Etes-vous l'auteur des vidéos pour "The
ideal crash"?
Tom Barman : Oui sauf "Sister dew" parce
que je n'avais pas le temps.
Quelle est l'inspiration de l'esthétique
de "The ideal crash" ?
Tom Barman : C'était l'époque où
j'étais complètement impressionné par un gang
de danseurs d'Alan Platel très rock'n roll, très physique.
Je n'aimais pas trop la danse contemporaine mais quand j'ai vu les
ballets de Platel j'ai eu les mêmes flashs qu'avec un bon
film ou un bon concert de rock. J'ai rencontré Platel et
j'ai tourné une vidéo à Paris "Turnpike"
qui a fait le tour du monde comme court métrage et a reçu
un prix par MCM au Middem à Cannes. C'était super.
Les rockers ne dansent pas. La danse est contraire
au rock. Dans le r'n'b, il y a toujours de jolies filles avec des
gros seins et des strings qui dansent derrière. On voit jamais
ça dans les groupes rock. On a essayé de développer
ça avec les danseurs et des chorégraphies assez simples
basées sur la répétition des gestes.
La couverture de l'album était une photo
du ballet?
Tom Barman : Non. C'est une photo choisie parmi
un photoshoot qu'on avait organisé.
"The ideal crash" est un disque qui
correspond à ton état
d'esprit de l'époque?
Tom Barman : Oui. C'est un disque assez lourd.
Les paroles après les années prennent une nouvelle
dimension surtout pour moi.
Les chanter à nouveau n'est pas difficile?
Tom Barman : Celles qui sont trop lourdes, on ne
les joue plus. Je l'ai fait acoustiquement et c'était assez
destroy. Mais c'est bien aussi car si tu ne ressens rien c'est qu'il
y a un problème. Si tu ressens une peine, c'est bien. Et
puis c'est une chanson, il n'y a pas de morts qui tombent. Revoir
ce que tu pensais il y a dix ans c'est comme un cahier, un journal
mais extraverti que tu partages avec tout le monde. C'est ça
qui est intéressant.
Qu'allez-vous jouer ce soir?
Tom Barman : Du rock. Avec 4 nouveaux morceaux.
Et puis des morceaux d'"Ideal crash"et de "Worst
case scenario". Et j'espère qu'il va pleuvoir avant.
Vous avez parlé de la tendance actuelle
où la production est très important ce qui donne des
albums lisses. Avez-vous néanmoins dans un passé récent
écouté un groupe qui vous a étonné?
Tom Barman : Le dernier de Blur mais il date d'un
an maintenant et il est assez produit aussi. L'écriture est
super. Le morceau Out of time est d'une beauté énorme.
J'aime beaucoup le dernier album de Rickie Lee Jones. Mais je n'écoute
pas beaucoup de sorties. 5 – 6 albums par an pas plus.
Les reprises de Nick Drake marquaient une pause,
pour se faire plaisir?
Tom Barman : Quand je faisais de la musique électronique,
je culpabilisais, a sense of guilt. Je voulais go back to the roots,
au songwriting. Quand je jouais avec Magnus, le soir j'étais
en train de jouer Nick Drake et c'était une bonne balance
pour moi. J'en avais besoin. Je voulais me lancer dans quelque chose
de nouveau, l'électro et puis repartir dans les années
50-60 et septante pour écouter les chefs d'œuvre.
Quels sont les gens qui vous impressionnent dans
l'électronique actuellement?
Tom Barman : J'écoute ça et j'achète.
Je regarde pas , je ne suis pas un , je ne regarde pas les noms.
Si, Matthieu Herbert et Squarepushers. Mais ce sont des exceptions.
Les autres font surtout des maxi et c'est bien pour 3 semaines en
club. C'est une musique très consultatif…
… cathartique..
Tom Barman : Oui, aussi.
Question très classique : vous souvenez-
de l'origine du choix de dEUS et de la minuscule?
Tom Barman : J'avais 17 ans. Forgive me. J'étais
jeune quand j'ai choisi ce nom. Il y avait un morceau qui s'appellait
Deus des Sugarcubes, le premier groupe de Bjork. Et puis j'étais
en latin-grec à l'école. Pour la minuscule, c'est
une idée d'un de mes amis artiste. C'est bien quand on parle
de toi, on reconnaît tout de suite.
C'est un nom que j'ai choisi il y a longtemps.
|