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Conférence de presse  (La Route du Rock)  août 2004

Tom Barman, leader de dEUS, chemise à carreaux, pantalon orange, est particulièrement affable et n'a pas la grosse tête.

Il se prête avec gentillesse à l’exercice de la conférence de presse d’une voix cassée à la Arno parlant une savoureuse langue mosaïque à la Van dame que nous avons retranscrit avec fidélité afin de garder le coté vivant de cette interview.

Il y a longtemps que l'on n'a pas vu dEUS en France.

Tom Barman : Parmi les concerts en France, figurent les meilleurs de ceux qu’on a fait. Je me souviens Saint Malo, La Cigale, Bataclan à Paris. Donc on a de bonnes mémoires d’ici. Comment ça se fait 5 ans ? Il y a eu beaucoup de trucs entre temps. Dani il a fait une tournée avec Vive la fête, Dani et Stef notre nouveau batteur. Klaas il a commencé une petite famille et il a ouvert un bar Plaza Real à Anvers.

Et puis moi j’ai fait mon premier film et j’ai fait un album avec Magnus. Et j’ai fait une petite tournée acoustique avec Guy en jouant des reprises et des morceaux de dEUS. Et puis Creg a fait des productions de disques d’un groupe irlandais The friends et un groupe écossais Vera Cruz dont l’album va sortir bientôt.

Pouvez-nous en dire plus sur votre film ?

Tom Barman : Le film est sorti en France modestement, mais il est sorti et c’est pour moi déjà excitant à MK2 à Paris. Il est sorti dans 8 pays, il vient de sortir au Portugal. Il va sortir en Angleterre, Suisse, Espagne, Canada.

Quand avez-vous décidé de faire une pause ?

Après Ideal crash Tour, on est parti prendre un peu l’air, un peu de temps. Kris a quitté le groupe. C’est pour cela que j’ai pris l’occasion de commencer à écrire un court métrage, qui est devenu un long métrage. Et un an, ce qui était l’idée, est devenu 4 ans et demie.

Avez-vous pensé mettre fin à dEUS ?

Tom Barman : Oh pas plus qu’une demi-heure chaque année. Oui, il y avait des moments où je trouvais ça très con parce que "The ideal crash" avait fait très bien, on a pas besoin de vendre des millions. Ça a bien marché, la tournée était superbe. Je n’analyse pas trop les faits. C’est comme ça que ça s’est passé. On est content de retourner. On fait un nouveau disque maintenant.

Le succès de "The ideal crash" a été phénoménal. Ça ne met pas trop la pression ?

Tom Barman : De l’autre côté ça serait peut être un changement d’avoir des reviews un peu moins et d’avoir plus de ventes. Non, je ne sais pas. Je me rappelle plus en fait. On a toujours été assez gâté par la presse. Si c’est un peu moins, du moment qu’il y a des gens qui viennent voir les concerts, c’est le plus important pour nous. Ça fait 4 ans ce n’est pas dans ma tête. Ce qui est dans ma tête c’est de faire des morceaux qui sont bien mais ça va pas être les mêmes que ceux de The ideal crash c’est clair. On est 4 ans après.

"The ideal crash" était ancré dans un moment de votre vie.

Tom Barman : En France, c’est "The ideal crash" qui a fait très bien. Dans les autres pays, leur disque préféré c’est" In a bar under the sea" donc c’est vraiment en France et en Allemagne qu’on a ressenti ce disque. En Belgique c’est "In a bar under the sea", en Hollande c’es "Worst case scenario". Le plus important pour moi c’est que tous les disques soient là.

"Ideal crash" était plus calme, plus facile d’accès. Quelle sera la couleur du prochain album ?

Tom Barman : Je crois pas qu’Ideal crash est très calme. Au point de vue des paroles j’ai beaucoup de mal de chanter des morceaux comme "Everybody 's weird" parce que c’est assez hard. J’ai toujours trouvé un peu étrange que les gens trouvent que cet album est plus accessible. Je trouve qu’il est assez cru émotionnellement. Pour le prochain album on est demi chemin donc c’est un peu tôt pour le dire mais je veux une clarité. On enregistre sans producteur, on fait ça nous mêmes, il y a beaucoup de rock ces derniers temps mais la production est devenu trop importante trop slick, je connais pas le mot en français...

Lisse

Tom Barman : Il y a trop de bazar et de trucs qui m’énerve. On est en train d’enregistrer un disque honnête et chaud. C’est les 2 mots. Et puis je veux aussi une clarité de mélodie, de paroles, d’écriture. Peut être que les fans de la première heure vont dire qu’ils sont devenus trop normaux mais cela ne m’occupe pas trop car il faut évoluer et on a eu maintenant je l’ai pas lu mais ils m’ont dit parce que même si tu lis pas les articles qui sont mauvais il y a toujours des copains qui vont te le dire : "Où est passé le dEUS expérimental ?" c’est comme ça une idée adolescente que ton groupe préféré doit rester toujours le même mais on est 10 ans plus loin. Je vais voir. Je suis peut être déjà un peu trop défensif parce que je n’ai aucune idée comment ça va sonner. On a 6 morceaux déjà, on va en jouer 4, vous pourrez vous faire une idée.

Y a-t-il des disques en particulier qui avaient contribués à la nature et la teneur du nouvel album ?

Tom Barman : On aime beaucoup Can, tous les disques de Velvet Underground comme toujours. Au point de vue approcher le disque c’est un cliché mais c’est enregistrer sans chichis sans trop d’ordinateur. J’avais fait un disque avec Magnus avec beaucoup de musiciens live mais on avait beaucoup construit sur l’ordinateur. Mais maintenant avec dEUS c’est en live sur tape. Donc Velvet, Can, Talking Heads, beaucoup de trucs assez classiques. Bon Talking Heads on peut pas appeler ça rock classique mais Remain on light c’est quelque chose qui est quand même… c’est rigolo quand on fait un 4ème disque en dix ans de dire ça sonne dEUS. C’est étrange. Il y aura tous les éléments d’avant. Me demande pas lesquels c’est pas mon boulot, mais ils seront là. Intuitivement, je le sens.

Comment expliquer la patte dEUS malgré la diversité des albums ?

Tom Barman : Je crois que c’est exactement ça parce que je ressens que l’album prochain on avait une idée de faire quelque chose très rock très up tempo, de chouette à jouer en live parce qu’avec Ideal crash c’était parfois trop mid tempo mais on se retrouve quand même avec des morceaux assez soft. On se retrouve toujours … we failed...

On échoue

Tom Barman : On échoue tout le temps à faire ce qu’on dit qu’on va faire. Je crois que c’est typiquement dEUS. On a un concept en tête et puis on arrive je sais pas quoi au contraire. Mais ça sera assez éclectique je crois.

Cela se sentait dans "In a bar under the sea" où l’on avait des côté très jazz Charlie Mingus et des côtés très pop avec Little arithmetics. N’y a-t-il pas un peu de schizophrénie musicale ?

Tom Barman : Je crois que les disques forment une unité. On l’a fait avec Ideal crash et c’est le path que l’on veut suivre. C’est quelque chose qui se révèle quand on le fait. Là on est à demi chemin. On a des morceaux assez achevés mais on a peut être envie aussi de faire des trucs complètement étranges, de mettre des sons d’oiseaux par dessus et si ca se passe bien, si ça sonne bien on va laisser comme ça.

Est-il prévu des guests sur ce prochain album ?

Tom Barman : Non, pas vraiment. C’est aussi l’idée, on veut garder les sounds de nous 5. Avant on a fait beaucoup de pistes de différents instruments, on était comme des gosses dans le studio, avec le résultat qu’on avait besoin de 6 personnes pour jouer ça live et on a demandé à Tim de Millionnaire de nous rejoindre. Maintenant on essaie d’être assez strict et on a fait la blague au début de dire qu’on va faire un disque dogme avec des règles. Bien sûr on n’a pas fait. Mais c’est quand même bien d’avoir quelques trucs où tu te tiens.

Et vous, allez-vous collaborer avec des groupe qui gravitent autour de dEUS ?

Tom Barman : Si on peut prendre un groupe belge dans notre première partie, on le fera. Tim le millionnaire est en studio maintenant avec Josh Homme à LA donc ils vont finir l’album vers la fin de l’année comme nous donc on ira peut être ensemble, ou ils iront peut être avec The queen of the stone age qui est peut être mieux pour eux. Si ça se présente on est là. Avec Steph, on est meilleur ami qu’avant et on se voit plus qu’à l’époque où il jouait dans le groupe. Il y a beaucoup de groupes intéressants en Belgique. Mais on a pas de plan et on veut pas se catapulter comme aideurs.

La scène belge est très pugnace. Y a-t-il une vision pop-rock belge ?

Tom Barman : Les journalistes sont feignants ces derniers temps. C’est à eux de dire ça. Je suis mal à analyser le bazar. Mauro disait les anglais sont éduqués sur les Beatles nous on est éduqués sur les magasins de disques. J’ai toujours dit que la Belgique c’est une éponge. C’est un petit pays. On me demande ça depuis 10 ans. I really don’t know. Rudy qui était dans le groupe à l’époque avait toujours de bonnes réponses. Moi je sais pas.

Je suis belge et j’aime beaucoup les trucs qui se passent un peu partout. Gosse, j’aimais beaucoup ce qui passait à la radio comme Abba, Phil Collins autant que des trucs super noisy ; et j’ai toujours gardé ça. Est ce que c’est typiquement belge ? Je sais pas. Il y a pas peut être une fantaisie parce qu’on est petit. Si tu vois la peinture, la BD, la danse, la mode, il y a une fantaisie pas comme les autres, c’est peut être ça. Ne pas avoir de traditions ça peut être un mal mais ça peut être aussi un avantage.

Et j’ai toujours dit qu’on est pas comme le guitariste noir américain qui a toujours Jimmy Hendrix derrière lui. On a eu quelques hits dans les années septante et soixante mais il n’y a jamais eu une tradition du rock belge. Il y a pas de poids, il y a plus de liberté, donc un peu plus d’envie, de faire du risque. Les autres se demandent pourquoi on combine le truc américain complètement hit avec une mélodie beatlesque. Nous on aime bien ça.

Pour revenir au cinéma, quel est le titre de votre film et en avez-vous écrit la bande-son et cela veut-il dire que vous êtes pour l’interdisciplinarité des expressions artistiques ?

Tom Barman : Non, le film et la musique, c’est assez déjà. Le film s'appelle "Anyway the wind blows". Il est sorti il y a un an en Belgique et il y a un mois en France. Il a eu de bonnes et de moins bonnes critiques et 3 000 spectateurs à Paris. Je voulais faire des films avant de faire de la musique donc j'ai pris l'occasion de le faire. J'avais étudié la réalisation de films mais je n'avais jamais terminé mes études parce que j'avais triché sur un examen et on m'a viré de l'école. Mais à cette époque j'ai eu la chance que le groupe marchait bien et on avait signé le deal avec Island.

J'ai fait des vidéos pour le groupe et j'ai appris le métier en travaillant avec les techniciens. Pour le long métrage, j'ai tout appris au fur à mesure, en le faisant. Après la prochaine tournée de dEUS, je ferais mon deuxième film et je suis en train de préparer calmement l'idée et le script. Mais auparavant, je veux terminer l'album.

Vous avez fait la bande son de votre film?

Tom Barman : Non. Il y a 3 morceaux de Magnus et le reste comporte beaucoup de jazz, JJ Cale, Squarepushers, des trucs dance, électronic, Charlie Mingus, Herbie Hancock… donc c'est un mix qui clip bien avec l'atmosphère du film qui est un film urbain qui suit 8 personnages pendant 32 heures dans une ville. Le soundtrack est donc assez éclectique.

Et vous n'avez jamais voulu faire la bande son?

Tom Barman : Non. Au début je ne voulais même pas mixer la musique mais il y avait un morceau que j'avais dans la tête et qui n'allait plus sur le film et comme le disque de Magnus était fini je me suis dit : Pourquoi pas ?. Et soudain j'ai vu que ça allait parfaitement. Et j'ai annulé dans ma tête l'idée que je ne voulais pas faire la musique parce que je pensais que ça allait faire trop : écrire, réaliser…

Etes-vous l'auteur des vidéos pour "The ideal crash"?

Tom Barman : Oui sauf "Sister dew" parce que je n'avais pas le temps.

Quelle est l'inspiration de l'esthétique de "The ideal crash" ?

Tom Barman : C'était l'époque où j'étais complètement impressionné par un gang de danseurs d'Alan Platel très rock'n roll, très physique. Je n'aimais pas trop la danse contemporaine mais quand j'ai vu les ballets de Platel j'ai eu les mêmes flashs qu'avec un bon film ou un bon concert de rock. J'ai rencontré Platel et j'ai tourné une vidéo à Paris "Turnpike" qui a fait le tour du monde comme court métrage et a reçu un prix par MCM au Middem à Cannes. C'était super.

Les rockers ne dansent pas. La danse est contraire au rock. Dans le r'n'b, il y a toujours de jolies filles avec des gros seins et des strings qui dansent derrière. On voit jamais ça dans les groupes rock. On a essayé de développer ça avec les danseurs et des chorégraphies assez simples basées sur la répétition des gestes.

La couverture de l'album était une photo du ballet?

Tom Barman : Non. C'est une photo choisie parmi un photoshoot qu'on avait organisé.

"The ideal crash" est un disque qui correspond à ton état d'esprit de l'époque?

Tom Barman : Oui. C'est un disque assez lourd. Les paroles après les années prennent une nouvelle dimension surtout pour moi.

Les chanter à nouveau n'est pas difficile?

Tom Barman : Celles qui sont trop lourdes, on ne les joue plus. Je l'ai fait acoustiquement et c'était assez destroy. Mais c'est bien aussi car si tu ne ressens rien c'est qu'il y a un problème. Si tu ressens une peine, c'est bien. Et puis c'est une chanson, il n'y a pas de morts qui tombent. Revoir ce que tu pensais il y a dix ans c'est comme un cahier, un journal mais extraverti que tu partages avec tout le monde. C'est ça qui est intéressant.

Qu'allez-vous jouer ce soir?

Tom Barman : Du rock. Avec 4 nouveaux morceaux. Et puis des morceaux d'"Ideal crash"et de "Worst case scenario". Et j'espère qu'il va pleuvoir avant.

Vous avez parlé de la tendance actuelle où la production est très important ce qui donne des albums lisses. Avez-vous néanmoins dans un passé récent écouté un groupe qui vous a étonné?

Tom Barman : Le dernier de Blur mais il date d'un an maintenant et il est assez produit aussi. L'écriture est super. Le morceau Out of time est d'une beauté énorme. J'aime beaucoup le dernier album de Rickie Lee Jones. Mais je n'écoute pas beaucoup de sorties. 5 – 6 albums par an pas plus.

Les reprises de Nick Drake marquaient une pause, pour se faire plaisir?

Tom Barman : Quand je faisais de la musique électronique, je culpabilisais, a sense of guilt. Je voulais go back to the roots, au songwriting. Quand je jouais avec Magnus, le soir j'étais en train de jouer Nick Drake et c'était une bonne balance pour moi. J'en avais besoin. Je voulais me lancer dans quelque chose de nouveau, l'électro et puis repartir dans les années 50-60 et septante pour écouter les chefs d'œuvre.

Quels sont les gens qui vous impressionnent dans l'électronique actuellement?

Tom Barman : J'écoute ça et j'achète. Je regarde pas , je ne suis pas un , je ne regarde pas les noms. Si, Matthieu Herbert et Squarepushers. Mais ce sont des exceptions. Les autres font surtout des maxi et c'est bien pour 3 semaines en club. C'est une musique très consultatif…

… cathartique..

Tom Barman : Oui, aussi.

Question très classique : vous souvenez- de l'origine du choix de dEUS et de la minuscule?

Tom Barman : J'avais 17 ans. Forgive me. J'étais jeune quand j'ai choisi ce nom. Il y avait un morceau qui s'appellait Deus des Sugarcubes, le premier groupe de Bjork. Et puis j'étais en latin-grec à l'école. Pour la minuscule, c'est une idée d'un de mes amis artiste. C'est bien quand on parle de toi, on reconnaît tout de suite.

C'est un nom que j'ai choisi il y a longtemps.

 

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En savoir plus : www.deus.be/

crédit photos : Fred


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