Dan Boekner et sa femme Alexei Perry forment à eux deux Handsome Furs. Le duo Montréalais sort Sound Kapital, son troisième album aux sons provenant des finalement trop décriées eighties.
Dans les épisodes précédents, Dan Boekner était guitariste et chanteur dans Wolf Parade. Afin d’éviter l’oisiveté qui guette tout à chacun entre deux albums, pour canaliser un trop plein créatif ou bien pour les beaux yeux de sa belle, il fonde en 2005 Handsome Furs avec sa compagne Alexei. Cette dernière, écrivaine de poésies et de nouvelles, empruntera le titre d’un de ses écrits pour donner à la formation son nom original.
Le premier album Plaguepark sort en 2007, suivi de près par Face control tiré d’un roadtrip en Europe de l’est. Le style est alors hybride, mélange de guitares, de beats électroniques, de sons synthétiques mais muni d’une payante persévérance pour l’accroche. Une identité propre commence ainsi à se créer, s’éloignant de ce que faisait monsieur auparavant.
Pour Sound Kapital, sans renier les influences précédentes, c’est suite à leurs errements asiatiques que les routards musiciens ont trouvé l’inspiration. Et comme d’une pierre avertie un coup en vaut deux, ils ont alors réalisé pour CNN Indie Asia, une web série suivant leurs pas à travers la Thaïlande, le Vietnam et la Chine.
De Wham! à The Kills en passant par The White Stripes, le duo mixte a toujours été une affaire qui roule. La preuve en est une fois de plus avec ces fourrures magnifiques, groupe au nom tellement kitchi-érotico-punk qu’il en est distingué. C’est complètement décomplexé et heureusement car il aurait été sot de se lancer à moitié dans les années 80 (car en plus, à cette époque-là, c’était la guerre !).
Avant d’écouter ce disque, je n’étais pas sûr qu’il y avait quelque chose de bien à sauver de ces années-là. Mais disons-le tout net, le disque à la pochette à la femme nue sous des voies d’autoroutes (titre alternatif !), m’a fait changer d’avis. Les eighties font un retour en force ou comment faire du nouveau avec du daté, proscrit et enterré.
Un sentiment d’urgence traverse les neuf titres de cet album. Le son synthé de prime abord un brin too much apprivoise peu à peu l’oreille, bien aidé par des titres porteurs et dansants comme "When I get back" et "Bury me standing". Pousser les basses, allumer les stroboscopes, replonger dans les ambiances kaléidoscopiques, telle est la charge de l’auditeur. Mais sans trop de naïveté non plus, car l’électro rock eighties s’acoquine avec l’indus pour une atmosphère dangereuse où l’impératif se fait sentir.
Avec New Order ou Depeche Mode en embuscade, "What about us ?" ou "Memories of the future" au son du synthé intergalactique qui déboule à la moitié du morceau font mouche. Puis "Repatriated" au gimmick hyper entendu mais terriblement recommandable prodigue son solo guitare solidement distordu. Et alors que "Serve the people" ralentit le tempo pour une marche à pas cadencé, la cavalcade "Cheap music" déboule, pressée par le temps, au son de la six cordes toujours un peu plus délicieusement trashy. Enfin l’album se clôture sur 7 minutes de "No feelings" qui ne se perd dans le bruitisme que pour mieux repartir et finir en beauté.
Le groupe bicéphale a su intelligemment insuffler de l’urgence, amener du viscéral, transformer le synthétique en organique. Voyage de nuit à bord d’une merco défoncée sur des routes de terre, au travers de villes-entrepôts désertes et gangrénées de lampadaires blafards, Sound Kapital transporte. Une tension latente explose dans les rythmes électroniques dansatoires, une énergie perturbante éclate sous les néons. Un album à laisser tourner et insidieusement monter progressivement le volume sonore. C’est punk, indus, électro, pop, rock, synthétique, eighties. Une allure underground, une pop au synthé décomplexé, du tube vynilique, impossible de passer à côté. |