Will Oldham a sorti tellement de disques depuis le début des années 90 qu’il est devenu difficile de le suivre, à moins de faire partie des fans inconditionnels.
En vingt ans le chanteur américain a composé une quarantaine de disques, c’est-à-dire en moyenne deux par an, sans compter ses nombreuses collaborations musicales (par exemple avec le groupe de post-rock Tortoise).
Malgré les différents noms sous lesquels Oldham sort ses disques – Palace Brothers, Palace Music, Palace, Bonnie "Prince" Music, Bonny Billy – ses chansons suivent une même continuité, par leur sécheresse leur lenteur, leur complexité.
Mais lorsqu’on pose un regard plus large sur sa carrière on remarque une ligne de rupture entre deux périodes assez distinctes.
La première commencerait aux premiers Palace Brothers − dont l’album fondateur serait ce chef-d’œuvre de noirceur qu’est There is no one what will take care of you (1993) − et s’arrêterait en 1999 à la date de sortie de l’excellent I See a Darkness de Bonnie Prince Billy (on regrette d’ailleurs qu’aucune chanson de cet album-ci n’ait été jouée, je pense en particulier à la terrible "Death To Everyone"). La seconde concernerait tout le reste où une certaine routine prédomine sur l’inventivité.
C’est plutôt cette deuxième période qui l’emporte sur scène. Les chansons atteignent un point d’équivalence que le groupe arrive difficilement à dépasser. Le concert est bon si l’on reste une demi-heure ; au-delà, le risque de s’ennuyer est possible.
On peut tout de même féliciter Oldham d’avoir choisi une choriste remarquable : pendant tout le concert on prenait plaisir à suivre les mouvements aléatoires de son foulard noir − mouvements contenant une pointe d’érotisme qui compensait en urgence ce que le concert ne parvenait à nous donner.
Finalement, il faut du temps pour habiter ces chansons-là : cette musique donne à penser, même si elle répète ou approfondit ce qui existe déjà (Bob Dylan évidemment). Sur la scène de l’Aéronef un réel plaisir de jouer était perceptible, se transmettant directement au public qui a accueilli à sa juste mesure le chanteur américain. |