Le Divan du monde. Écrin parfait pour l'affiche de ce soir qui voit se succéder la jolie Priscilla Ahn et les mythiques canadiens des Cowboy Junkies pour qui, soyons clair, tout le monde qui remplit confortablement la salle ce soir est venu.
La jeune Priscilla Ahn venue de Los Angeles ouvre donc le bal. Seule dans ses baskets et son petit jean slim, longue chevelure brune, frêle, elle fait penser à Marie Flore, autre jeune fille, de notre côté de l'Atlantique cette fois ci et capable d'émouvoir à la seule force de sa guitare et de sa voix touchante.
Bref, Priscilla a une voix superbe, cristalline, douce et sensuelle. Est-ce pour autant suffisant pour émouvoir ? Peut-être mais pas ce soir. Ses blagues amusent 30 secondes tout au plus ("avant je m'enfermais dans ma chambre avec du vin pour écrire des chansons tristes, aujourd'hui aussi mais je suis mariée et je ne suis plus triste").
De temps en temps rehaussé d'harmonica, ses ballades sont mignonnes, ses chansons rigolotes sont... rigolotes ("Boobs est une chanson à propos d'une dédicace dans un livre de poèmes,d'une fille à mon copain qui disait, en lisant ces poèmes, tu te souviendras de mes seins", bon ok) et son rire est un peu... agaçant.
A noter quand même une voix remarquable qui, malgré quelques hésitations, nous a offert en guise de clôture une belle reprise de "After Hours" du Velvet Underground.
Joli apéritif en sommes, sans plus.
Une bière plus tard et un Divan du Monde bien plein, arrive enfin la fratrie Timmins sur scène, renforcée d'un cinquième membre à la mandoline et harmonica et bien sûr Alan Anton à la basse.
Margo Timmins est élégante, détendue et souriante (parfois un peu ailleurs peut-être au début du concert, oubliant même le titre exact d'une chanson) et raconte un peu l'histoire du groupe, très actif puisqu'ils ont enregistré 4 albums en moins de deux ans (dont trois déjà disponibles). Elle explique gentiment que même si tout le monde est venu pour écouter "Sweet Jane", il faudra patienter car avant tout le groupe jouera naturellement les titres des quatre derniers albums.
Et force est de reconnaître que les Cowboy Junkies ne sont définitivement pas uniquement le groupe des Trinity Session mais que 23 ans après, ils ont su évoluer tout en gardant leurs atouts, notamment la rondeur et la chaleur du son et bien évidemment la voix toujours impériale de Margo qui n'a pas peur de chanter parfois à 30 ou 40 centimètres du micro sans perdre de sa puissance.
C'est donc à pas mal de nouvelles chansons que nous aurons d'abord droit ce soir. On retrouvera également des titres de Demons écrit par feu Vic Chestnutt.
Dans une sobriété absolue (batteur derrière un paravent de plexiglas, guitaristes assis en retrait, bassiste debout mais immobile et Margo souriante, tantôt assise sur un haut tabouret mais sur don micro, tantôt debout s'enroulant dans son gilet et battant la mesure de quelques élégants mouvements de bras.
Elle va même jusqu'à retourner son tabouret et faire face aux musiciens pendant les quelques moments d'instrumentaux. Instrumentaux au demeurant très prenants, flirtant parfois avec un rock très américain, voire americana, parfois avec un jazz bon enfant et d'autres fois avec une musique improvisée hypnotique et planante. Autant de moments qui, lorsqu'ils se terminent et que Margo donne à nouveau de la voix, donnent encore plus d'ampleur et de relief au chant aussi puissant que délicat de la frangine Timmins.
C'est d'ailleurs après un de ces intermèdes que le groupe se lance, sous les applaudissements nourris (les gens ne sont-ils là que pour entendre une reprise ?) dans leur fameuse reprise de "Sweet Jane", forcément magnifique et sensiblement différente du souvenir que l'on a de Trinity Session.
Libéré, le groupe jouera alors quelques vieux titres, quelques nouveaux, Margo plaisantera, nous parlera de son rêve, petite de chanter des chansons des Rolling Stones sur scène et de le réaliser désormais, avant de se lancer justement dans une énergique reprise. Les titres mélancoliques comme ils savent si bien les faire, tout comme The Walkabouts par exemple, alterneront avec des morceaux plus énergiques mais tout aussi gracieux.
Ultra-sympathique, Margo n'hésitera pas à se transformer en VRP pour proposer disques sur place et inédits sur leur site avant de repartir dans quelques autres morceaux dont un autre titre de Chestnutt, pour finir avec le superbe "Misguided Angel", toujours sur le décidément mythique et incontournable Trinity Session.
Simplement un beau concert, un moment certes emprunt de nostalgie mais qui salue aussi le talent d'un groupe qui dure et qui ne semble pas s'user. Vivement leur prochain passage, donc. |