Comme autant de petits cailloux blancs laissés sur le chemin, Will Oldham a annuellement parsemé d’albums son parcours musical avec une précision métronomique. Le dernier en date, Wolfroy goes to town, est dans l’ère du temps : décroissance et minimalisme.
Une schizophrénie patronymique tient Will Oldham depuis ses débuts. Que ce soit caché derrière Palace Brothers, Palace Music ou simplement Palace, sous son vrai nom ou sous celui de Bonnie "Prince" Billy, le songwriter du Kentucky assure depuis près de vingt ans un folkwriting de qualité. On ne compte plus ses albums et une étagère entière ne serait pas suffisante pour sa discographie complète. Du long, du court, du collaboratif, de l’autonome, du très bon, mais il est vrai aussi, parfois du sensiblement moins inventif.
Depuis un premier album country en 1993, Will Oldham a investi et personnifié un style lo-fi. En 1999, I see a darkness voit l’arrivée du pseudo Bonnie "Prince" Billy et suivront de nombreux albums encensés dont Ease down the road en 2001 et Master and everyone en 2003.
S’il faut bien avouer que l’on avait dernièrement un peu décroché, Wolfroy goes to town nous prend par surprise. De prime abord, il faut une certaine volonté pour entrer dans ce disque, le laisser tourner jusqu’à ce qu’il prenne emprise. Et c’est au moment où la somnolence pointe que, d’un coup, un rayon de soleil traverse et empêche la paupière de l’auditeur de s’affaisser. On se laisse finalement prendre tranquillement par la douceur des titres qui se suivent, sans forcément faire une distinction formelle entre chacun.
Avec un dépouillement assumé et la sobriété de la guitare acoustique, Will Oldham déroule 10 titres, pures ballades folks. La voix grave et profonde de l’américain envoûte délicatement. La bien nommée Angel Olsen accompagne le chant du vieux baroudeur et leurs voix se mélangent et se complètent à merveille. Rescapés de précédentes aventures, les musiciens Emmett Kelly et Shazad Ismaily accompagnent également Will Oldham mais a minima, avec une parcimonie éclairée. L’album fait l’éloge du peu et du lent. Formellement folk et sobre, seul "Quail and Dumplings" dénote quelque peu. Beaucoup plus arrangé que les autres titres, il claironne fièrement avec son refrain country et, chose rare dans cet album, voit même s’égarer une guitare électrique.
Intimiste et épuré, Wolfroy goes to town amène l’auditeur vers un niveau supérieur de sérénité. L’écoute de ce disque est pourtant à proscrire en cas de mélancolie profonde qui pourrait alors s’aggraver en dépression… |