A voir se multiplier les chemises de bûcheron et les vestes de baseball, on flairait dans l'air du temps comme un retour de nos jeunes années. Dans le paysage culturel et plus spécialement musical de 2011, tellement réminiscent des dernières décennies du 20ème siècle, Victory, le premier album de The Dukes, ne dépare pas. L'écoute en est une plongée dans les eaux vives de nos meilleures années 90. On croirait presque à un pastiche, s'il ne s'agissait pas tout simplement du retour, dans une autre formation, de musiciens tout droit issus de cet univers.
En effet, il s'agit bien d'un premier album mais pas vraiment d'une nouveauté. Un nouveau groupe donc, mais réunissant des talents déjà connus. Au chant et à la guitare, on retrouve François Maigret, alias Shanka, que l'on avait connu dès 2004 alors qu'il officiait au sein de No one is innocent (un bon son rock-métal né dans les années 90, comme il se doit). A la batterie, c'est Greg Jacks qui tambourine, ex No one is innocent lui aussi, mais qui avait aussi appris le pop rock d'influence californienne au sein de Superbus. Les deux autres larrons sont Gaspard Murphy (le fils d'Elliott Murphy, bon camarade de Bruce Springsteen) à la seconde guitare et Stephen Galtera à la basse. Un combo franco-américain dont deux lascars ont une belle expérience de scène partagée ; d'ailleurs, si l'on en croit les échos de leur passage à la Maroquinerie, les Dukes donnent le meilleur d'eux-mêmes en concert.
L'ambition de ces quatre-là est de faire "des chansons douces avec des sons durs" (sweet songs with unsweet sounds) - d'ailleurs, si l'on s'en tenait à la photo choisie pour la pochette, on pourrait s'attendre à beaucoup plus de sucre (serait-ce l'horizon champêtre qui évoque une vieille pochette des Cardigans ? Rien à voir). L'album réussit son pari d'être à la fois rageur et pimpant, et de marier de vraies mélodies (chœurs pop en option) à de bonnes sonorités rock énervées. Il y a du Nirvana / Foo Fighters dans la profondeur de la batterie, du son saturé et des guitares qui font sauter en l'air.
"Victory", la chanson titre, est bien représentative de l'équilibre de l'album : des couplets qui riffent et claquent, tempérés par un refrain beaucoup plus pop et léger. On retrouve du pop-punk à l'anglaise dans "Resilient lovers", un titre qui était précédemment sorti en EP. La rythmique s'emballe méchamment dans "The stooge", un beau pic d'énergie au cœur de l'album. C'est le moment de lâcher la bonde. "Laughter" ravira les fans de Jack White, on est en plein White Stripes / Dead Weather. Shanka connaît ses classiques, lui qui dit avoir été influencé dans son jeu de guitare (assez technique) par Dweezil Zappa, Steve Vai et autres guitar heroes… Dans "Aftermath", on regrette presque la voix très metal là où la composition semblait appeler, soyons fous, un chant plus hip hop (puisqu'on est dans les années 90, envoyez-nous les Beastie Boys !).
Dans son ensemble, l'album Victory n'apporte pas grand-chose de neuf mais reste efficace et bien mené. |