Comédie historique écrite et mise en scène par Emilie Sandre, avec Christine Liétot, Christian Louis, Paul Néri et Lisbeth Wagner.
Dans le cadre d'une saison consacrée aux grands auteurs politiques au Théâtre du Nord-Ouest, Emilie Sandre évoque une figure politique liée à la Commune, période insurrectionnelle de l'histoire de Paris, écrasée dans le sang, dont le nom, ô ironie de l'Histoire, orne le fronton des écoles et parraine une promotion de l'ENA tout en étant sans doute, aujourd'hui, méconnue du grand public.
Avec "Louise aux spectres rouges", elle propose un portrait sensible de Louise Michel, figure emblématique du mouvement révolutionnaire et anarchiste, à travers quelques épisodes de sa vie et, surtout, les relations qu'elle a entretenues avec trois de ses proches qui éclairent son portrait psychologique.
A partir de la lecture de ses mémoires, lettres et poèmes, elle a écrit, d'une très belle plume, un texte pour partie dialogué, qui ne tend ni à la reconstitution historique ni à l'élégie et qui ne vise ni le didactisme du questionnement politique ni le débat d'idées ni même le réalisme biographique.
Et elle a privilégié le registre symbolique et poétique pour aborder la vie d'une femme passionnée qui avait un rêve, celui de la république sociale qui passait par la justice, l'égalité et les droits des femmes, qui l'a mené, alors qu'elle avait une vocation littéraire et de pédagogue, à devenir une militante et une femme d'action sur le terrain. Et une femme obsédée par les morts, ces spectres rouges, qui jalonnent la route de la liberté alors qu'elle a survécu à la Commune, à la déportation et à la prison.
Emilie Sandre assure également une mise en scène sans esbroufe ni posture lyrique dans un minimalisme scénographique, sans décor, juste des lumières et un rai rouge, en introduction, couleur de la révolution comme du sang qui a été versé en son nom.
Christine Liétot est une belle comédienne qui sans verser dans l'excès de jeu ou la déclamation porte avec mesure et conviction la voix d'une femme romanesque, rebelle et féministe, que l'auteur place sous les regards croisés d'une mère affectueuse et craintive, servante illettrée engrossée par ses maîtres, servile et soumise, archétype d'une certaine condition féminine dans la France rurale du 19ème siècle (Lisbeth Wagner), du "bien-aimé camarade" Théophile Ferré (Paul Néri) qui n'est pas convaincu de l'impact politique des femmes dont il considère la conscience politique comme balbutiante et l'engagement fragile et du journaliste Henri Rochefort (Christian Louis), le compagnon de route rencontré en déportation.
Les comédiens sont au diapason d'un texte magnifique qui, au delà de sa contextualisation, exalte l'engagement politique dans ce qu'il a de noble et désintéressé. |