Voilà un beau cadeau ! Pas un objet commercial de fin d’année, pas un produit d’appel de maisons de disques pour grandes surfaces, non, un vrai cadeau… Tout le monde avait tant donné, depuis si longtemps. Une longue histoire de dons et de contre-dons entre l’artiste, ses proches, ses engagements, ses partenaires et bien sûr son public.
Ce public que Mano Solo a respecté toujours, malmené parfois, aimé souvent. Ce public qui était une oreille attentive, une tête pensante, mais aussi une bouche qui consomme, qui, boulimique, avale tout et en veut davantage ; ce public vampire, pour lequel il mourrait, à sa place, en quelque sorte… Pour ce public, pour le monde entier qui n’a pas chialé, pour eux, pour lui, ils l’ont fait, eux les shalalistes de l’Internationale Shalala, les musiciens, les proches, les collaborateurs. Au final, la famille, le label, l’Olympia ; tous ont donné leur accord et céder leurs droits, et tous les fonds récoltés iront à l'association Fazasoma qui lutte
contre le paupérisme à Madagascar, et que Mano Solo a beaucoup soutenue depuis les années 2000. Dons et contre-dons… Voici donc l’ultime cadeau : l’ultime concert de Mano Solo le 12 novembre 2009 à l’Olympia !
Nous sommes bien loin du coffret de fin d’année habilement présenté pour booster les ventes d’une actualité artistique défaillante ou pour surfer sur l’hommage de l’un ou l’anniversaire de l’autre. Ce n’est pas un concert qu’on nous offre, mais un document historique ! Ce n’est pas une date parmi d’autres, c’est la dernière... C’est aussi le seul enregistrement live de cette formation incroyable qui aura accompagné l’artiste sur trois albums et de nombreuses tournées : Fabrice Gratien, Daniel Jamet, Régis Gizavo. On aurait pu passer à côté, heureusement un enregistrement de fortune et une énorme dose de persévérance ont permis l’impossible : tout est là, sur cet objet unique, qui restera à part dans nos discothèques, par sa forme, son histoire et son contenu.
Le concert s’ouvre sur "Rentrer au port" puis va égrainer un nombre important de titres de ce dernier album. C’est comme toujours une expérience heureuse que d’entendre vivre les morceaux, qui ne sont jamais figés avec Mano Solo. Même les derniers nés ont grandi, ont bougé. Le disque studio les a figés à un instant t, mais on les retrouve aujourd’hui, différents : "Tu m’as vu", "La Rouille", "Chaque matin", "Les chevaux d’Aubervilliers", "Des années entières"…
Bien sûr Les Animals et In the Garden ne sont pas en reste et glissent quelques morceaux. Ainsi, "Paris avance" et un "Je n’y peux rien" de clôture s’envole comme jamais ; "Les endurants" et "Les petits carrés blancs" se suivent comme souvent, mais dans un tempo qui donne le tournis. Un premier constat s’impose : le caractère historique de l’album n’a pas pris le pas sur l’artistique. Avant tout, ce live est un grand moment de chanson, la voix est bien là, plus présente que jamais. Le son est bon. Les musiciens portent le tout avec succès.
Les trois premiers albums sont présents aussi, et font de ce concert une véritable visite dans l’œuvre. "Je reviens", "Une image", "Novembre"… Le morceau "Un soir de retour", et ses loupés, pose un cadre d’authenticité au tout et témoigne du plein engagement, du plaisir et de la bonne humeur de l’artiste ce dernier soir de concert. Rien ne manque, pas même un fabuleux Shalala collectif libérateur !
Avec force, l’émotion se tisse entre la joie et le pétillant de l’instant enregistré que l’on découvre, et l’inexorable fin de concert – dont nous mesurons aujourd’hui le caractère ultime et douloureux – qui s’approche. Cette schizophrénie de l’écoute installe une profondeur dans chaque mot, fait longuement résonner chaque note.
Au final, c’est avec beaucoup de joie que l’on se dit que c’est beau de finir par un tel concert, que c’est beau ces endurants qui se sont démenés pour que cet album live existe et vive. Il le fallait pour nous offrir l’occasion d’être les témoins de ce talent, talent qui permet de finir ainsi, avec beauté et panache, sans ne rien lâcher, jamais. Et si vous cherchez bien, vous trouverez la plus belle chanson d’amour du monde, qui se cache, pour refermer, avec pudeur, un concert et une carrière…
Et vive la révolution ! |