Tout commence, comme dans un roman balisé d'Agatha Christie, sur la côte normande avec une mamie-gâteau qui ressemble à une version contextualisée de Miss Marple.
Un vendredi 13, un peu plus d'un an après la mort de son mari Joe Robinson (Ah ah mourir un vendredi 13 pour un Robinson, quelle bonne blague !), Hélène Robinson, une retraitée sans histoire venue dans le manoir voisin livrer un de ses gâteaux maison dont elle fait un petit commerce artisanal, est témoin de l'assassinat de tous ses occupants par deux hommes cagoulés.
De la famille décimée, seuls rescapés un chien et une fillette déficiente mentale qu'elle entreprend de cacher dans - scénario classique - la niche du chien avant de s'enfuir.
Car elle est poursuivie par des brutes épaisses et caricaturales de la pègre russe, dotés d'un cerveau de la taille d'un petit pois, au service d'un mafieux américain qui ne se doutent pas de l'identité de celle qu'habille une "robe à fleurs de la Redoute", dixit l'auteur, et roule en Kangoo.
Car la dame est une ex-strip-teaseuse veuve d'un dur de dur, un ancien "seabee" de Corée, élément de l'unité de génie militaire de l'US Navy, et de surcroît agent secret infiltrant les cartels colombiens, truand et tueur à gages au service d'un clone de Capone, dont elle était l'amour de sa vie mais également la partenaire, qui entretient sa forme par la pratique régulière du Krav maga, méthode de close-combat du Mossad et pour qui, dessouder un malfaisant, comme dirait Bernard Blier dialogué par Michel Audiard, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. Au demeurant, les flingues font des "plop" dignes des meilleurs films parodiques de barbouzes de Georges Lautner.
Comme un vendredi 13 a sonné le glas pour le pauvre Joe, un autre vendredi 13 va ressusciter Vera Di Angelo, transformant illico la Mamie Nova en un hybride de Lara Croft sexagénaire ayant de beaux restes, de Rambo urbain et de fregoli qui, à coups de postiches qui ne tromperaient même pas un aveugle, s'amuse à cache-cache entre Deauville, et les atouts détaillés des machines à jeux, et Trouville, dont le lecteur connaîtra tout de l'édification de la halle aux poissons, pour avoir le fin mot d'une histoire cousue de fil blanc.
Un scénario, là encore rebattu, mettant en scène la CIA, le FBI, la DGSE, Al Quaïda, le Quai d'Orsay et, dans un festival d'acronymes, toutes les officines louches et/ou institutionnelles mêlées au trafic d'armes, le tout baignant dans un abondant flot d'hémoglobine ("Bilan : dix morts en une journée Impressionnant après dix ans de balades à marée basse et de petits gâteaux. Une vraie hécatombe digne d'un vendredi 13. Même Stephen King avait peur des vendredis 13").
Mais peu importent l'intrigue, mince comme une feuille de papier à cigarette, farcie de poncifs, les personnages archétypaux parfois peu crédibles, la traque rocambolesque et le dénouement facétieux.
Par l'écriture qui puise dans l'encre des comics et du whodunit et un personnage principal de "Rocky fatigué qui aimerait reprendre le combat", Brigitte Aubert a manifestement voulu s'amuser avec "Freaky Fridays" pour lequel elle indique qu'il s'agit d'un clin d'oeil au cinéma de genre (cinéphile avertie, le roman regorge de références filmiques) tout en rendant hommage aux différents courants du "hard boiled" par une pratique du mélange des styles.
En sera-t-il de même pour les lecteurs ? Pour rester dans le domaine pâtissier, à la lecture de ce salmigondis de caricature, pastiche et parodie pour lequel Brigitte Aubert n'y est pas allée avec le dos de la cuillère, aussi lourd que le cheese cake et la tarte aux noix de pécan de Mamie Hélène, le lecteur amateur de desserts légers risque de friser l'indigestion.
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