L’Expédition, leur précédent album, semble déjà loin. Trois années se sont écoulées depuis, pendant lesquelles Les Cowboys Fringants ont enchainé quelques 200 concerts au Québec et en Europe francophone. Aujourd’hui Que du vent tombe dans les bacs comme un flocon de neige sur Montréal et ramène le groupe à ses fondamentaux.
Après 16 ans d’existence, il était bien difficile de conserver la fraîcheur des débuts. Les premiers albums étaient teintés d’une joyeuse insouciance. Puis dans La Grand-Messe en 2004 et surtout dans L’expédition quatre ans plus tard, les cowboys ont assumé une maturité somme toute assez normale. Au fil des albums, ils ont abandonné la franche déconnade originelle pour aborder leurs thèmes de prédilection d’une façon plus adulte.
Aujourd’hui, le quatuor sans doute un peu las de trop de sérieux a eu envie, comme sur l’album Sur un air de déjà-vu en 2008, de plus légèreté.
Que du vent est le huitième album studio des Cowboys Fringants. Avec onze titres, les québécois resserrent le format, mais aèrent le contenu. Alors que le précédent disque était assez sombre, navigant en plein spleen, ce petit dernier revient à une musique plus ludique avec une énergie proche des concerts. La guitare électrique fait une arrivée fracassante, les titres renouent avec le festif. Moins revendicatives, les chansons de Jean-François Pauzé, le guitariste auteur-compositeur, racontent toujours des histoires sentimentales presque banales, des tranches de vie, des faits de notre société.
"Télé" ouvre le bal avec frénésie et nous dépeint une jeune femme prête à tout pour une exposition médiatique. Dès la première chanson, on est dans l’ambiance live. On s’imagine devant la scène, la musique crachée des enceintes, les lights éclairants les planches et la chaleur moite d’une salle de concert après que chacun ait perdu quelques litres de sueur. Dans la continuité, le single "Paris-Montréal" déroule son gimmick fédérateur taillé pour la scène. Et alors que la ballade cousue-main "L’horloge" aborde le temps qui passe inexorablement et les désenchantements de la vie (thème récurrent au groupe), "Party !" voulue rock, dégage en moins de trois minutes une énergie punk contagieuse. Cependant, l’insouciance n’empêche pas d’aborder des sujets plus délicats. "Shooters", la chanson sociale traitant de la désolation du chômage, qui vire à la country au son du banjo, s’inspire de la fermeture de l’usine Electrolux dans la ville d’Assomption au nord de Montréal. Puis à l’instar de "Hannah" ou "Catherine", portraits de femmes, trentenaires désillusionnées apparues précédemment, "Marilou s’en fout" décrit une jeune femme perdant pied et se noyant dans l’alcool.
Deuxième référence à la France de l’album, "Comme Joe Dassin" est un hommage à notre chanteur américain national, au regard un peu louche et à la permanente imperturbable. La voix de Karl Tremblay y prend même des accents du chanteur yéyé. Et c’est vrai que l’on a l’impression d’entendre la cousine de "Salut les amoureux". Rayon référence toujours, le gimmick de l’électrique "Has been" louche, lui, du côté de "Thunderstruck" d’AC/DC avant de revenir vers des sentiers musicaux plus habituels. Chanson pleine d’autodérision puisque, à l’instar de groupes dinosaures, elle imagine la possibilité d’eux-même dans 20 ans.
Enfin la chanson ritournelle "On tient l’coup" clôture l’album comme un épilogue. Marie-Annick Lépine, la violoniste-accordéoniste et arrangeuse en titre, partageant le refrain avec Karl Tremblay, le chanteur débonnaire.
Que du vent, enlevé et festif, permet aux Cowboys Fringants de renouer avec la légèreté d’antan. Ils font ce qu’ils savent faire de mieux et le font bien. Avec cet album davantage taillé pour la scène, on attend avec impatience leur retour sur les planches dans notre pays. |