A l'occasion de la pièce
"Margot la Ravaudeuse", mise
en scène par Alain Sachs, Cerise Sachs
nous avait annoncé leur collaboration pour une comédie
américaine. Il s'agissait de "Si
j'étais diplomate" dont ils signent l'adaptation.
Actualité qui nous permet de rencontrer
Alain Sachs, auteur, acteur, metteur en scène, connu,
reconnu et moliérisé, qui a immédiatement accepté
de parler de leur projet aujourd'hui concrétisé sur
les planches du Théâtre Tristan Bernard.
Dans le vestibule du théâtre, nous avons rencontré
un homme ouvert, sympathique, simple et passionné avec qui
il a été tout particulièrement agréable
de converser.
Généralement, nous aimons bien retracer
un peu la carrière. Mais la vôtre est trop impressionnante.
Cela étant, j’ai lu votre biographie qui indique qu’à
8 ans vous avez vu Rintintin qui vous a donné envie de devenir
acteur, à 9 ans vous avez vu Guignol qui vous a donné
envie de devenir auteur, puis à 10 ans vous avez vu Ben Hur
qui vous a donné envie d’être metteur en scène.
Et vous êtes acteur, auteur, metteur en scène.
Quand on regarde ce parcours, 3 composantes se
dégagent : la précocité de vos vocations, la
détermination car vous oeuvrez dans ces trois domaines et
la réussite tant auprès du public que de vos pairs.
C’est la chance, le talent, le travail, un peu de tout cela
?
Alain Sachs : Ce qui est amusant dans ce que vous
relatez c’est que ce que j’aimais quand j’étais
enfant à travers le spectacle c’était la diversité,
la variété. Or, dans ce métier tout est organisé
pour qu’on ne se diversifie pas, surtout en France. On tolère
que vous ayez une esthétique, une spécialité.
On vous reconnaît cette identité-là et ensuite
on vous demande d’enfoncer ce clou, le mieux possible. Or
moi, j’ai toujours eu envie de changer, en permanence. Je
n’ai jamais aimé réitérer une chose que
j’avais faite. J’ai naturellement envie de découvrir
d’autres choses ce qui me fait monter des choses très
différentes et très variées.
C’est mon propre plaisir et je ne suis guidé
que par mon propre plaisir qui est en fait un plaisir de spectateur.
Je monte les choses comme cela me ferait plaisir de les voir. Et
comme je suis un spectateur éclectique, je vais voir des
choses très différentes. Je vais dans le privé,
dans le public, je vois des choses dures, des choses couillons ..En
fait, tout me plait, je suis très bon client, quand c’est
réussi, quand c’est cohérent, quand c’est
généreux. Donc je fonctionne de cette manière
et c’est plus ou moins heureux selon les spectacles car je
prends des risques à chaque fois. Je vais dans des endroits
que je ne connais pas. Cela fait des choses bizarres, des choses
un peu audacieuses, très investies. Je ne m’installe
jamais dans des systèmes. J’imagine que les gens perçoivent
cela.
Je suis très enthousiaste, très aventurier
et je ne suis pas rassasié. Donc de temps en temps j’ai
une sensibilité en harmonie avec les attentes du public parce
que je suis le premier à bouger. C’est une démarche
subjective basée sur le plaisir, le plaisir de découvrir
et de faire les choses. A chaque fois que je monte un spectacle,
j’ai le sentiment que je ne sais absolument pas comment je
vais m’y prendre et que j’apprends à chaque fois.
D’ailleurs quand je fais le point après, je me dis
Tiens ça je l’ai réussi et ça je l’ai
raté !
Vous avez souvent plusieurs spectacles à
l’affiche.
Alain Sachs : C’est souvent trompeur. Plusieurs
spectacles peuvent se trouver simultanément à l’affiche
parce qu’ils ont du succès mais qu’en réalité
je n’ai rien fait de nouveau depuis 2 ans. Il est toujours
extrêmement difficile pour tout le monde dans ce métier
de faire aboutir des projets. Quand il y a une combinaison de succès
qui perdure les gens pensent que je suis partout alors que c’est
exactement le contraire. Il est vrai que "Accalmies passagères"
s’est joué 450 fois et "Le fil à la patte"
200 fois. Et "Le quatuor" est présent depuis très
longtemps comme le fût "Madame Sans Gêne".
Mais il peut arriver que s’écoule 2 ans entre deux
créations avec 30 projets qui n’aboutissent pas.
Donc la variété et la diversité
constituent votre adrénaline, aller là où on
ne vous attend pas, pour surprendre…
Alain Sachs : Oh, ce n’est même pas
pour surprendre le monde. Quand l’année dernière,
j’ai été sollicité pour monter "La
belle mémoire", une pièce dans laquelle il y
avait un humour du désespoir sur un sujet très grave,
la maladie d’Alzheimer, je ne voulais pas surprendre. J’étais
tellement content de faire quelque chose que je n’avais jamais
eu l’occasion de faire et aussi pour voir si j’en étais
un tout petit peu capable. Je suis en stage en permanence. C’est
le plaisir qu’on m’offre de découvrir et apprendre
des choses. Ce n’est pas tant pour surprendre que pour voir
si je peux faire les choses et essayer de ne pas trop les rater.
Comment travaillez-vous dans la mesure où,
au départ, vous dites ne pas savoir où vous allez
?
Alain Sachs : Ce n’est pas exactement ça
effectivement. Il y a une partie qui est prédéterminée
et qui est assez importante, essentielle. Je sais sur quel type
d’édifice, de scénographie ou de dramaturgie
va reposer le spectacle. Mais quand commence le travail, je recommence
à zéro. En tant que metteur en scène, je suis
confronté à 2 types de projets. Il y a ceux que l’on
m’apporte et pour lesquels j’ai le choix d’accepter
ou de refuser. En cas d’acceptation, on se fonde sur une proposition
qui vous est étrangère au départ. Vous y trouvez
un intérêt et progressivement vous la faites vôtre
mais sans avoir penser à faire cela. Et vous êtes le
premier surpris, heureux et comblé d’avoir eu cette
proposition.
Les autres projets sont ceux que l’on a
choisi, que l’on veut faire aboutir parce qu’ils nous
intéressent tout particulièrement et que l’on
met parfois 4-5 ans à faire aboutir. Si j’étais
diplomate fait partie de ces projets personnels. Avec Cerise, nous
cherchions quelque chose de précis : adapter une pièce
étrangère, ce que nous n‘avions jamais fait,
une comédie et je voulais faire ce que fais Stéphane
Meldegg, Dominique Deschamps, Pierre Laville. Cerise a lu en premier
la pièce que nous avait apporté Suzanne Sarquier.
Ce qui m’a passionné c’est que
c’était du pur burlesque c’est-à-dire
un travail uniquement sur la forme. C’est réussi si
les gens s’amusent. Mais si cela ne fonctionne pas, il n’y
a plus rien. On passe immédiatement de la réussite
au ridicule. On ne peut se raccrocher à aucune situation
véritablement digne de ce nom, il n’y a pas de psychologie
des personnages, pas de critique sociale ce qu’il y a chez
Feydeau. D’où mon intérêt pour ce travail
de pure forme. Je pensais aux Branquignols, aux clowns. C’est
un numéro de clown qui au lieu de durer 20 minutes dure une
heure et demie. Et c’est la chose la plus difficile à
faire. Et l’intérêt pour moi résidait
en cette absence d’échappatoire.
Donc ça passe ou ça casse.
Alain Sachs : Exactement. De plus, cela rejoint
toute une culture burlesque. Je savais cela et l’adaptation
a été pensée en ce sens. Le choix des comédiens
était primordial car il fallait trouver des comédiens
qui sachent faire cela et qui plus est ensemble. Il faut que cela
soit choral ; il ne peut pas y avoir d’ego dans une telle
pièce. De plus, c’est un travail au millimètre.
Tous les soirs, je suis présent pour donner des notes aux
comédiens, qui sont les premiers demandeurs, de manière
à tout régler dans le détail. Pour un tel spectacle,
; il faut une trentaine de représentations pour qu’il
décolle.
Donc, tout cela je le savais, mais une fois que
l’on s’est mis au travail... Comment ça marche
? Comment fait-on ? D'autant plus que la difficulté est que
lorsqu’on est arrivé à un certain niveau cela
ne peut jamais redescendre sinon on se casse la gueule. Donc il
faut monter les marches de crescendo. C’est très intéressant
mais il s’agit d’un travail empirique, d’ouvrier,
avec la truelle. Et difficulté supplémentaire, la
pièce traite de tous les types de comiques, du dialogue surréaliste
à la pure tarte à la crème, à la farce,
à la manière d’un catalogue. D’où
l’intérêt.
Vous venez de parler des comédiens. Comment
avez-vous procéder pour aboutir à cette distribution
judicieuse en adéquation avec les impératifs du spectacle
?
Alain Sachs : C’est très simple. J’aime
beaucoup retravailler avec les acteurs que j’apprécie
avec qui j’ai des connivences, des habitudes de travail ce
qui permet d’aller vite. Donc ma démarche est de voir
parmi la trentaine d’acteurs qui me sont familiers, qui sont
des amis également, ceux qui correspondent à ma recherche.
Pour Si j’étais diplomate, José Paul était
incontournable dans le rôle du diplomate ainsi que Jean Marie
Lecocq, qui était dans Un fil à la patte, pour le
colonel. Pour les autres rôles, j’ai fait plusieurs
essais sans succès. Mais je ne suis pas borné et je
ne prends pas un copain parce que c’est un copain. Sur cette
pièce, je n’ai donc que deux comédiens que je
connaissais. J’ai donc découvert les autres.
Et ce qui est joli c’est que un de mes fidèles
gars qui a essayé le rôle de Chester, le cuisinier,
a reconnu que le rôle n’était pas pour lui tout
en le déplorant bien sûr. Il m’a dit je sais
ce qu’il faut et il m’a amené Charles Schneider
que je ne connaissais que pour l’avoir vu à la télé.
Et il avait raison. José Paul m’a amené Marie
Piton pour le rôle de Marie-Jacinthe, l’épouse
du diplomate. Pour le rôle de Angie, j’ai choisi Olga
Sekulic avec qui j’avais travaillé à la télévision.
Et puis ensuite, j’ai fait des auditions. Donc une distribution
sans complaisance.
Que se serait-il passé si José Paul
n’avait pas été libre ?
Alain Sachs : L’histoire est compliquée
avec José. Quand j’ai fait lire la pièce à
José, il venait juste de mettre en chantier Le petit jeu
sans conséquence. Et quand j’ai vu la première
du Petit jeu, je lui ai dit : Tu en as pour 2 ans ! Je savais que
ça allait faire un tabac. Il m’a bien sûr dit
de la monter ailleurs car quand on achète des droits c’est
toujours pour une période limitée. J’ai fait
des tentatives mais personne n’en a voulu parce certains comédiens
de notoriété ne souhaitaient pas jouer dans une pièce
chorale. Je suis donc retourné voir José en lui proposant
à nouveau le rôle et également de l’attendre.
Il m’a donné son accord et j’ai renouvelé
les droits à 2 reprises. Quand Le petit jeu s’est arrêté,
je lui ai proposé de refaire une lecture pour qu’il
soit sûr de son engagement. Il me l’a donné.
Vous avez évoqué les difficultés
d’adaptation de la pièce. Quels ont été
vos points d’achoppement pour que la pièce fonctionne
en France ?
Alain Sachs : C’était passionnant
parce que cela permettait d’avoir une réflexion permanente
sur le grand distinguo entre ce qui fait rire les américains
et ce qui fait rire les français. Il y a parfois des points
communs bien sûr. Donc au stade de l’écriture,
il fallait trouver toutes les équivalences et avec Cerise,
nous avons fait 20 versions différentes. Ensuite, au stade
des répétitions, j’ai pu encore vérifier
les adéquations. En France, nous n’avons pas le même
sens du délire que les américains, sur la montée
en puissance de la folie. C’est très culturel. Quand
l’auteur est venu, il m’a fait des notes parmi lesquelles
certaines étaient utilisables et d’autres complètement
à côté de notre sensibilité latine.
Nous vous avons vu sur scène dans une de
vos pièces Un amour de théâtre. Avez-vous des
projets d’auteur et de comédien ?
Alain Sachs : J’éprouve beaucoup de
plaisir à faire l’acteur parce que, en plus, cela m’aide
énormément de garder le contact avec la scène
pour mon travail de metteur en scène. Mais il y a des difficultés
techniques liés au travail de mise en scène car au
lancement d’une pièce, je ne lâche pas les comédiens.
Ainsi nous en sommes à la 14ème pour "Si j’étais
diplomate" et je suis là encore tous les soirs. Des
projets ambitieux comme celui-là nécessitent une grande
présence. Donc je ne peux pas me libérer facilement
pour jouer moi-même. En revanche, par exemple sur "Madame
Sans Gêne", j’ai été ravi que l’on
me propose de reprendre le rôle de Fouchet pour la tournée.
Ce qui était sensationnel parce que le travail a été
dégrossi.
Quant à l’écriture, je vais
m’y remettre sérieusement. La mise en scène
implique tant de présence qu’elle empiète sur
le temps disponible et on écrit de moins en moins. L’écriture
implique de pouvoir s’isoler, s’autodiscipliner et la
paresse de l’auteur intervient. Un amour de théâtre
a été écrit il y a déjà quelques
temps. Donc je vais sans doute freiner un peu du côté
de la mise en scène pour voir si je suis encore un peu capable
d’écrire.
Cependant après le démarrage de
la pièce, vous revenez régulièrement pour recadrer
la mise en scène.
Alain Sachs : Bien sûr. Ça ne s’arrête
jamais.
La pièce est programmée pour la
saison ?
Alain Sachs : Oh non ! Nous sommes dans le théâtre
privé donc la pièce est programmée pour 50
représentations et la suite est totalement conditionnée
par le succès. Tout dépendra des recettes. Tant qu’on
est dans une phase de progression on n’arrête pas car
on ne sait jamais jusqu’où ira cette progression. Quand
le spectacle stagne et ne permet plus d’amortir les charges
quotidiennes on arrête.
Avez-des projets à court terme ?
Alain Sachs : Nous répétons un nouveau
spectacle avec "Le quatuor" qui sera crée dans
14 mois et qui sera à l’affiche parisienne dans 2 ans.
Donc ensuite, une pause ?
Alain Sachs : Oui. Je ne monterais pas de nouveaux
projets dans l’immédiat. Si on me fait des propositions
intéressantes… je les ferais.
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