Nouveau né dans
la famille des festivals, Rock en Seine
vient clôturer l’été de bien agréable
façon. Installé dans le parc de Saint Cloud sur les
bords de Seine, le festival fêtait cette année sa deuxième
bougie. La programmation alléchante et variée aura
tenu ses promesses.
Le festival débute ce vendredi
27 août sous le soleil éclatant de cette fin
d’été. L’après midi commence avec
Flogging Molly sur la grande scène.
Les Californiens qui mélangent musique traditionnelle irlandaise
et guitares électriques, chauffent assez rapidement l’ambiance.
Visiblement, la bonne humeur que dégage ce groupe sur scène
est communicative. Presque instantanément, des gigues improvisées
apparaissent ça et là dans le public. Flogging Molly
n’est certainement pas le meilleur groupe de rock du monde
mais n’a pas son pareil pour chauffer l’ambiance.
Après une course effrénée au travers du flot
ininterrompu des festivaliers, nous voilà devant la scène
de la cascade pour Electrelane.
La performance de ces quatre jeunes filles restera sans doute la
claque de ce festival. Sur scène, le son est plus brut, plus
sale et moins poli, en bref plus rock. Le début de concert
est un peu tendu, un peu maladroit. Mais très rapidement,
cette fragilité se mue en assurance. Réussissant à
canaliser cette tension au travers de leur musique, les Electrelane
propulsent le concert en orbite. Si c’est la clavier et leader
qui donne vie aux compositions sur scène, c’est sans
aucun doute la guitariste qui leur donne du corps, de la profondeur
et de l’intensité.
Le public restera là comme hypnotisé, jusqu'à
la fin d’un concert en crescendo. On pense parfois à
Sonic Youth, voire pour les plus anciens
d’entre nous à My Bloody Valentine.
Ce soir Electrelane était en état de grâce
A compter le nombre de T-shirts Sonic Youth,
cela ne fait aucun doute : le groupe new yorkais était pour
beaucoup l’événement de la soirée.
Très vite, le ton est donné : ce sera fort fort très
fort. Les membres du groupe visiblement survoltés courent
de long en large, sautent, se roulent par terre utilisant guitares
et micro comme des hochets.
Le groupe alterne nouveaux et anciens morceaux avec la même
urgence et une dextérité impressionnante. Parfois
Thurston Moore semble en transe, faisant
l’amour à son vibrato, ou brandissant sa guitare comme
un appendice phallique. On en prend plein les yeux mais les oreilles
ne sont pas en reste. Le son est excellent et les interprétations
époustouflantes. Le public impétueux du parc de Saint
Cloud est sous le charme. Et lorsque déboule "Teenage
Riot", c’est alors l’émeute dans
la salle. Toute l’essence du rock est là.
Une chose est sure en musique, jeunesse éternelle se dit
Sonic Youth.
A la nuit tombante, c’est sur la scène de la cascade
que l’on retrouve Daniel Darc. Un
rapide coup d’œil au public permet de s’en assurer,
ce concert n’intéresse pas les moins de trente ans.
Mal à l’aise face aux dernières lueurs du jour,
Daniel Darc semble peiner à retranscrire sur scène
les ambiances clair-obscur de son dernier album.
Mais petit à petit, alors que la nuit s’installe,
l’émotion pointe le bout de son nez. Daniel Darc est
un survivant et les tatouages qui lui recouvrent le corps semblent
autant de traces des années. Pendant "Cherchez
le garçon" ou "Nijinsky",
on croit même apparaître des fantômes.
On pense alors aux paroles de la chanson "Les
écorchés" de Noir
Désir :
"Nous les écorchés vifs
On en a des sévices
Les écorchés vifs
On les sent les vis".
Un demi concert des White Stripes, c’est
suffisant. C’est comme le café Maxwell, ce n’est
pas la peine d’en rajouter.
Sur scène encore plus que sur disque, les travers propres
aux duos se font ressentir : tous les morceaux se ressemblent. Jack
White a beau se démener, les enceintes cracher le
feu après Sonic Youth, sa musique paraît bien fade.
Mais le public semble ravi et réagit aux tubes que sont "Seven
nation army" et "I Just don’t
know what to do with myself" (merci Burt
Bacharach) comme à une secousse sismique.
Si l’euphorie a définitivement gagné le public,
cela paraît moins évident sur scène. Les écrans
géants diffusent en boucle les images d’une Meg
White bastonnant ses fûts, hébétée.
Un bassiste et du repos leur feraient le plus grand bien.
Ce premier soir, c’est Joss Stone
qui est tête d’affiche sur la scène de la cascade.
On a rapidement du mal à réprimer les rires. Joss
Stone, c’est Barbie chanteuse. Elle a tous les accessoires
: le pantalon taille basse, le petit haut moulant et les déhanchés
lascifs et suggestifs qui vont avec.
La musique, une soupe infâme sans âme, ne présente
strictement aucun intérêt. Mettre trois choristes n’a
jamais transformé une gamine anglaise en reine de la soul.
Pour ceux qui voudraient se faire leur propre idée, voilà
le lien vers la page de Joss Stone sur le site de Mattel…
oops de s-curverecords
http://www.s-curverecords.com/joss/site/home.php.
Entre temps, les choses sérieuses commencent sur la grande
scène. Les Chemical Brothers sont
venus mettre le feu.
La scène est plongée dans l’obscurité,
les lasers virevoltent, les écrans projettent des animations
de synthèse. Le parc de Saint Cloud se transforme en une
rave géante. Le son est énorme : puissant et lancinant.
La grosse machinerie des Chemical Brothers est d’une efficacité
redoutable : pas un être vivant à la ronde qui ne soit
en train de danser. La foule continuera sa transe jusqu'à
extinction des feux.
Samedi 28 août l’été
a disparu. Le soleil a fait place à la pluie. Le parc de
Saint Cloud si agréable la veille est désormais devenue
une patinoire boueuse. Mais un festival sans pluie ni boue serait
il réellement un festival ?
Notre journée commence par le concert Buck65.
Le concept est assez surprenant ; un canadien blanc qui fait du
rap habillé en costard. Pétri de folk et de blues,
les morceaux se démarquent de ce que les rappeurs nous proposent
d’ordinaire.
Seul sur scène, le canadien se partage entre platines et
micro, rendant sa prestation assez minimaliste. Mais il se dégage
de cette musique humour et bonne humeur et l’accueil du public
est assez chaleureux.
Les trombes d’eau et l’ambiance pour le moins boueuse
n’ont visiblement pas arrêté les amateurs de
rock. C’est devant un parc déjà très
plein que les new yorkais Radio4 entre
en scène.
Très à l’aise, Radio4 ne met pas longtemps
à emballer le public qui semble connaître par cœur
les singles Dance to the underground
et Party crashers. C’est visiblement
en live que la musique de Radio4 prend son essence, âpre,
puissante et furieusement groovy. Déjà l’ambiance
dans les premiers rangs est telle que certains ne peuvent résister
aux premiers bains de boue.
Somme toute un bon concert de rock, parfait comme entrée
en matière.
Vient ensuite le tour de Melissa Auf Der Maur
qui remplace Black Rebel Motorcycle Club
au pied levé. Les montréalais visiblement ravis d’être
là vont donner le meilleur concert de la soirée. Melissa
bottes en cuir noire et robe zèbre débarque sur scène,
sourire jusqu’aux oreilles et lâche un "Bonsoir
mes petits français". Le ton est donné !
La musique sur scène est à l’image d’Auf
Der Maur : à la fois sensuelle et survoltée, féminine
et abrasive ; un mélange de caresses et de torgnoles. Le
public stupéfait paraît conquis, sous le charme. Le
très explicite "Taste you"
(en version française), point culminant du concert, achève
de mettre le feu aux poudres et de déchaîner le slammeurs.
On voit les premiers hommes boue apparaître dans le public.
A peine Auf Der Maur a-t-elle quitté la scène que
la rumeur se fait entendre : "MUSE ! MUSE ! MUSE !". La
foule jeune et survoltée s’entasse devant la grande
scène bravant la boue, les glissades et les relents de merguez.
Lorsque Muse entre en scène c’est
l’euphorie, et lorsque Matthew Bellamy
touche une guitare, on frôle le délire. Du calme les
filles du calme ! Ce n’est pas parce que vous avez la permission
de minuit qu’il faut nous casser les oreilles.
Impassible et tranquille, Muse distille son rock lyrique et mélancolique,
les amplis réglés au maximum façon spinal tap.
Rapidement, les mouvements de foule entraînent le public dans
un gigantesque match de catch dans la boue. Sur scène, les
décors sont impressionnants : plaques métalliques,
vumètres géants, lumières violettes et stroboscopes.
Mais cela ne fonctionne pas, la machine pédale dans le
vide. Qu’importe, beaucoup ne semblent de toute façon
captivés que par les photos d’écrans géants
prises depuis leur téléphone portable. Le concert,
la musique sont bien accessoires. Qu’importe le flacon pourvu
qu’on ait l’ivresse.
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