Luc Marotine sort son premier album qu'il appelle Anxiogène.
Anxiogène qui revient souvent dans les conversations pour qualifier l'air du temps. Ce ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle, qui dégrade une économie de son triple A, qui jette les salariés sur le carreau, qui reclasse pour mieux déclasser. Le présent est gros de soucis et de menaces. Que l'ambiance soit morose (sans réséda), que Louise Wimmer ait honte de vivre dans sa voiture en attendant qu'on lui débloque l'obtention d'un appartement, que mon collègue étranger diplômé français soit devenu indésirable au détour d'un courrier administratif. Que l'absolu soit d'acquérir un forfait Free à moins de vingt euros. Que nos quêtes sont devenus vaines. Faut-il que nous soyons loin de toute idée de sublimation.
"Anxiogène" : cet adjectif me parle aussi de certaines musiques qui transpirent le mauvais trip, qui volent dans des brumes glauques et poisseuses, qui laissent traîner des cendriers pleins aussi neurasthéniques que la fuite de tuyauterie qui scande le goutte à goutte dans une bassine en plastique pastel.
Quant à l'album de Luc Marotine, je ne l'aurai pas intitulé "Anxiogène" pour toutes les raisons que je viens d'évoquer. Certes, les onze titres sont un chapelet de rencontres ratées, de départs interdits, dans un no man's land intime : "Te Revoir", "Figurines", "La bonne étoile", "Les falaises", "Froid d'Arctique", "La mort subite", "Accidentel", "Le Grand Ouest", "Pas des chiens", "Ta peau", "Avant de couler". Un album de guitariste, électrisant, qui met les voiles et s'exprime sans retenue. Luc Marotine semble de manière authentique commencer une trajectoire très personnelle. Loin des modes de la chanson-anecdote, les chansons ne sont pas de gentilles choses faciles. Il faut y revenir et marcher sur la corde.
Le rock de Luc Marotine, front baissé et rictus amer n'est pas exempt de références... un peu de Noir Désir, de Mano Solo, Higelin, Calogero et même Florent Marchet quand il s'énerve... (malgré le débardeur tricotté de mémé...). Nous ne défendrons jamais assez ces artistes qui ont la foi, qui parte l'étendard en avant à la conquête de cette industrie qui ne les invite guère à sa table, préférant mettre leur bille dans un produit pasteurisé. Faîtes place, il n'est plus temps d'écouter Oxygène de Jean-Michel Jarre en réédiction... Anxiogène le bien mal nommé sort dans les bacs incessamment sous peu.
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