Spectacle conçu et mis en scène par Pippo Delbono, avec Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Bobò, Pippo Delbono, Lucia della Ferrera, Ilaria Distante, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Mariga Maggipinto, Julia Morawietz, Gianni Parenti, Pepe Robledo et Grazia Spinella.
Après "La menzogna", spectacle fiévreux porteur d'une catharsis mortificatoire, le dramaturge-metteur en scène italien Pippo Delbono revient en 2012 au Théâtre du Rond-Point présenter, en première française, "Dopo la battaglia", un spectacle moins maelstromique.
Après la bataille vient la paix, comme le calme après la tempête, même s'il ne s'agit pas d'une réalité concrète pour Pippo Delbono qui a toujours la rage au ventre. Mais pour répondre à sa mamma qui lui demande pourquoi il ne fait pas de spectacles plus joyeux il a opté pour la tragi-comédie.
Dans un espace scénique en forme de boîte carcérale grise, symbole mnésique des horreurs du monde, prison, asile psychiatrique, chambres de tortures, salle d'exécution et également indique-t-il "L’esprit vide, après le cri de la passion, de l’amour, de la rage, de la douleur. Un besoin de lucidité après la folie".
Dans cette métaphore de son espace mental se déroule une opération à crâne ouvert, ses spectacles toujours autobiographiques scandant son état de présence au monde, qui revêt la forme d'une collection particulière mettant en scène tant ses révoltes que ses passions.
Ce spectacle constitués notamment de tableaux d'un esthétisme trichromatique symbolique, le noir, le rouge et le blanc, rend hommage à la chorégraphe Pina Bausch, par ce solennel bouquet d'oeillets rouges et l'omniprésence de la danse et est dédié à Bobò, ce petit vieil homme microcéphale, sourd, muet et analphabète, interné pendant 50 ans avant d'être intégré dans la troupe, rencontre dont Pippo Delbono dit qu'elle lui a sauvé la vie.
Sur le fond, sur bande-son opératique et les compositions live du violoniste Alexander Balanescu, se retrouvent des récurrences, Pippo Delbono éructe toujours au micro en arpentant la salle, le souffle court car il a pris quelques kilos, la richesse de la cuisine française dit-il à sa mère qui lui sert des raviolis nature dans des images captées par téléphone, en appelle entre autres à Artaud, Pasolini et Rilke, fulmine contre les vrais fous qui sont en liberté et dénonce la trinité contemporaine que constituent la bourgeoisie, l'Eglise et le politique.
L'état de la culture en dérive est également au coeur du propos avec une succession de tableaux édifiants sur les restrictions budgétaires qui conduisent à écouter les opéras en play-back, sur la dominance culturelle étasunienne et la prolifération de manifestations locales pseudo-culturelles.
Et puis l'Italie berlusconienne, on a ce qu'on mérite précise-t-il ce qui n'empêche pas de continuer à s'indigner. Un pays à la dérive qui a fêté en 2011 le 150ème anniversaire de l'unité italienne et que avec l'image stupéfiante de Bobo travesti en vieille mariée fanée qui défile en claudicant et agitant mécaniquement le drapeau italien.
Spectacle de résilience, peut-être. Et puis voir sourire Pippo Delbono. |