Comédie de Pierre Guillois, mise en scène Bernard Menez, avec Pierre Guillois (ou Gregory Gerreboo), Olivier Martin-Salvan, Jean-Paul Muel, Luca Oldani et Pierre Vial accompagnés au piano par Chris Cody (ou Laurian Daire).
Adeptes du bon goût, culs-pincés, oreilles chastes et pisse-vinaigres, passez votre chemin sous peine de passer une soirée à pousser des cris d'orfraie et vilipender une fois encore la gabegie du théâtre subventionné !
"Le Gros, la Vache et le Mainate", annoncée pour le moins comme une "opérette barge", est un spectacle foutraque et hors norme qui part en sucette et en couilles et dynamite les valeurs établies.
Délibérément provocateur, l'auteur, Pierre Guillois, metteur en scène et comédien, ancien directeur du Théâtre du Peuple de Bussang, ne s'impose aucune limite et la cruauté mentale, la violence verbale et la salacité constituent ses armes de prédilection.
Puisant dans tous les registres et dans des univers corrosifs de la famille de ceux de Copi et Frédéric Dard, il a conçu un spectacle débridé et totalement décomplexé, pour utiliser une terminologie en vogue, dont le prologue, à défaut de véritable intrigue, consiste en l'arrivée des deux tantes pour la naissance du fils de leur neveu, homosexuel vivant en couple et enceint jusqu'aux yeux. Après tout semble se débiner en eau de boudin et ce serait folie que de vouloir en dévoiler davantage.
Ensuite, dans des décors en deux dimensions genre bande dessinée des années 60 de Audrey Vuong, une joyeuse troupe de fous furieux dispense des numéros insensés et jubilatoires.
Ce sont des chansonnettes sans queue ni tête avec des paroles crues sur de douces mélodies composées par François Fouqué et interprétées en direct au piano par Chris Cody, une vache qui joue l'arlésienne, les imitations-performances d'Olivier Martin-Salvan, en sus délirant bébé géant, les effeuillages bon enfant et systématiques de Luca Oldani qui ne supportent rien sur les fesses, les débordements de la voisine dragqueen (Pierre Guillois), le metteur en scène aux abois (Bernard Menez) et last but not least, les fameuses deux tantes.
Deux tantes ennemies qui ne peuvent pas se sentir mais qui s'entendent comme larronnes en foire pour former un duo de veilles dames indignes et iconoclastes qui n'ont de respect pour rien ni personne. Deux rombières canoniques, à la soixantaine bien tapée, avec ce physique entre deux sexes qu'ont certaines femmes ayant dépassée la DLC et rangées des voitures par résignation, qui usent de la langue fleurie chère à Michel Audiard sont incarnées par deux comédiens.
Pas des transformistes à la petite semaine mais deux comédiens qui réussissent des compositions aussi trash que savoureuses de mémés bêtes et méchantes manière Hara Kiri.
Jean-Paul Muel, qui avait déjà oeuvré au féminin dans "Perthus" joué dans ce même théâtre, repique au jeu, mais dans un registre nettement moins grave, en campant Tante Chose. Affublé d'un invraisemblable chignon banane-choucroute blond à faire pâlir de jalousie Joanna Lumley, alias Patsy Stone dans Absolutely Fabulous, toujours court vêtu près des bourrelets et concupiscent face aux appâts masculins, il est époustouflant.
Tante Schmurz c'est Pierre Vial, grand comédien formé par Antoine Vitez et sociétaire de la Comédie française. Lunettes imposantes pour masquer un regard avec valises en perdition, cheveux de jais en chignon doubles macarons style gothic lolita nippone et pas bon pied mais bonne langue de vipère, il est époustouflant.
Les deux font la paire et quand on aime, on ne boude pas son plaisir. |