Des débuts dans le journalisme, un premier roman His Lordship Arsenal, un premier succès… C’est ainsi que finit la carrière journalistique et que commence la carrière d’écrivain de fiction de Christopher G. Moore. 17 romans plus tard, voilà donc Zéro heure à Phnom Penh, le premier de ses bébés traduit en français, et plébiscité par Newsweek himself : "Une des plus grandes forces de Moore… est sa connaissance de l’histoire de l’Asie du Sud-Est". Moui… What else ?
L’histoire commence donc au Cambodge (Phnom Penh), en 1993 quand l’ONU a remis un peu d’ordre dans les affaires cambodgiennes (c’est vite dit mais c’est l’intention qui compte, n’est-ce pas ?). Vincent Calvino, ancien avocat américain reconverti en détective privé et son meilleur pote le lieutenant-colonel Pratt doivent enquêter sur la mort de Stuart Leblanc (un obèse tout ce qu’il y a de monstrueux et de répugnant), retrouvé assassiné à Bangkok.
Vite fait bien fait, un petit peu d’histoire (parce qu’il est mignon monsieur Moore, mais à part pour nous dire qu’en 1993, le Cambodge sort de la cata, il ne nous donne pas beaucoup de billes pour comprendre le pourquoi du comment). Le Cambodge est né par l’égoïsme de français, qui avaient ainsi un pied en Asie (protectorat français pour les puristes), indépendant comme un grand suite à la guerre d’Indochine, le pays est rapidement livré à la convoitise des plus armés (comme d’habitude) : l’armée rebelle des khmers rouges qui se croient (bien évidemment) les plus beaux et les plus forts et vont donc essayer d’exterminer tous ceux-qui-sont-pas-comme-eux… Déjà que c’était pas joli à voir, le Viet Nam et la Thaïlande s’en sont mêlés (invasion, installation d’un nouveau régime trop bien, guérilla…) jusqu’à l’intervention de l’ONU (les Mère Teresa des Nations Unies), qui installe une semi-démocratie (parce que les descendants des khmers et les autres ne se laisseront pas convaincre si facilement par une bande de bleus en rangers… à suivre).
L’incipit et le contexte en font donc un parfait polar hard-boiled, digne des romans noirs des années 50-60, Calvino est fort loin des Agatha Christie en redingote et monocle, c’est un dur à cuire à la limite de la légalité, un rôdeur solitaire et désabusé. Le crime prévaut sur l’enquête, qui devient un prétexte à la peinture de la corruption des milieux urbains.
Et c’est là qu’il m’est nécessaire de revenir sur mon "what else ?" circonspect du début. En effet, over-exposé aux poudres révélatrices et aux cellules épithéliales passées au spectromètre des experts de tous horizons, je m’attendais à une enquête en bonne et due forme, avec inspection à la lumière bleue et collecte d’indices dans des sachets zippés. J’en avais oublié les autres, les classés "policiers" qui ne figurent plus en tête de gondole. Et Christopher G. Moore est de ceux-là. Il m’a tout bonnement ressuscité le polar noircissime.
Si bien que malgré la présence de Calvino et son peu de soucis pour les conventions, entre les balles perdues et les prostituées, Zéro heure à Phnom Penh est finalement une fresque vivante au pays post-Pol Pot.
Reste un petit bémol aux amateurs du genre (comme moi par exemple), j’ai essayé de lire ce bouquin après une courte nuit, résultat : bon gros dodo en cinq lignes… Simplement parce que hard-boiled implique des phrases longues, une écriture au passé (et toutes ses concordances à grand coup de plus-que-participe-over-lointain-passé-simple) assez lourde qui colle parfaitement au style, mais qui reste soporifique en cas de manque de sommeil… A bon entendeur, vous avez entendu ! |