Les amateurs d'action brute de décoffrage seront servis avec "Le sniper", le dernier roman en date traduit en français de Stephen Hunter, ancien journaliste, critique de cinéma reconverti dans la littérature et grand amateur d'armes, qui érige le thriller d'action au rang des beaux arts.
Avec "Le sniper", faisant fi toute approche psychologisante, avec en arrière-plan une digression sur la manipulation des médias et des journalistes débutants qui rêvent tous du prix Pulitzer, Stephen Hunter tape dur et fort.
S'il conserve une intrigue policière souvent reléguée au second plan, même si elle ménage quelques rebondissements imprévus, et évacue le prétexte de la lutte manichéenne qui soutenait son opus précédent "Nuit de tonnerre" - l'origine du carnage n'ayant rien à voir avec les grands débats d'idées, pour se concentrer sur
une impitoyable chasse à l'homme avec duel au sommet.
Un thème qui constitue le coeur de cible (sic) littéraire de Stephen Hunter et qu'il décline en l'occurrence avec deux particularités. D'une part, en mettant en scène des personnages plus qu'inspirés par des personnes réelles - toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n'étant donc pas fortuite - et, d'autre part, d'introduire au sein de la narration haletante menée à tombeau ouvert (re-sic), un inattendu humour au second degré.
Tout commence de manière presque ordinaire par une série de meurtres dont le point commun est d'avoir été perpétrés contre des clones parfaits d'actionnistes pacifistes des années 60 ayant joui à l'époque d'une certaine notoriété, dont la plus connue pour les lecteurs français est Jane Fonda. Ainsi, au rang des dégommés, la starissime Jane Fonda re-baptisée Joan Flanders, le couple Jack Strong et Mizzy Reilly, sorte de Bonnie and Clyde terroristes recyclés dans l'enseignement et Mitch Greene devenu un comique troupier de série B.
Nonobstant la personnalité de Joan Flanders, les circonstances particulières tenant au tir à très longue distance effectué manifestement par un professionnel, et de surcroît avec une arme principalement utilisée par les unités de police spécialisées dans les opérations paramilitaires et les snipers des différents corps de l'armée, fait ressortir l'enquête de la compétence du FBI.
Celui-ci a tôt fait de trouver le coupable idéal en la personne d'un marine, Carl Hitchcock, le plus célèbre sniper des Etats-Unis, considérée comme avoir été victime du fameux syndrome post-traumatique des vétérans du Vietnam et qui a la bonne idée de se suicider.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si le chargé de l'enquête n'était pas Nick Memphis, ancien sniper lui-même, dont le flair lui fait trouver la mariée trop belle, qui, de surcroît intrigué par l'insistance de l'ex-mari de la star, le millionnaire T.T.TM. Constable, double du vrai magnat de la presse Ted Turner, ex-mari de Jane Fonda, pour classer l'affaire, fait appel à son "joker" qui n'est autre que le héros récurrent de Stephen Hunter, l'inoxydable sniper Bob Lee Swagger, pour porter un oeil neuf sur l'affaire.
La machine (à tuer) est lancée car il y va de l'honneur des marines et
ce dernier, bien que vieux de la vieille avec plus de six décennies au compteur, est un homme d'exception et un guerrier ("Ta vie, c'est la guerre, c'est ton destin, c'est ton identité. Ce que je te conseille, c'est de la gagner, ta guerre. Ensuite, tu rentreras à la maison. Ou alors tu te feras tuer." lui dit sa femme lucide).
Avec un dénouement en clin d'oeil et en forme de "Règlements de comptes à OK Corral", Stephen Hunter
livre un roman cinétique efficace et "couillu", bourré d'adrénaline et de testostérone, qui, une fois encore, comporte tous les ingrédients du film d'action et dans lequel se retrouvent ses antiennes telles
la fascination pour les armes à feu, certaines pages sont dignes du catalogue de la Manufacture des armes de Saint-Etienne et il va même jusqu'à inventer une nouvelle catégorie d'arme intégrant la technologie informatique et l'exaltation du héros inféodé à un code de l'honneur. |