Pour le printemps 2012, le Musée National Gustave Moreau propose avec "Gustave Moreau - Hélène de Troie - La beauté en majesté", une exposition-dossier sur la figure de Hélène, responsable de la fameuse guerre de Troie et sujet traité dans tous les arts, telle qu'elle a été sublimée par le peintre Gustave Moreau.
L'exposition a été conçue par Marie-Cécile Forest, conservateur en chef du patrimoine et directrice du Musée National Gustave Moreau, pour montrer, dans une synergie double, le principe créatif de Gustave Moreau qui tient à "la revisitation jusqu'à l'envoûtement d'un même thème" au-delà des oeuvres.
Elle réunit un ensemble significatif de peintures et dessins ordonnancés en quatre sections analytiques subtilement scénographiées par Hubert Le Gall au sein de l'accrochage permanent.
Hélène de Troie : de la beauté tragique à l'assomption païenne, un mythe revisité
Considéré comme un des principaux représentants du courant symboliste, Gustave Moreau se présente, avec une oeuvre atypique, comme un peintre difficilement "classable" que l'écrivain et critique d'art Joris-Karl Huysmans analysait justement comme un "peintre unique sans ascendant véritable, sans descendant possible".
Ses oeuvres consacrées à la figure de Hélène de Troie s'inscrivent de manière singulière dans l'iconographie de l’éternel féminin tel qu'il l'a traité de manière récurrente et obsessionnelle à travers les figures protohistoriques.
Pour Gustave Moreau, qui s'inscrit dans la conception romantique de l'éternel feminin instrument du destin, Hélène, fille de Zeus, déesse du mariage et femme stigmatisée pour sa conduite infidèle qui conduit à la guerre, est le fantôme de la beauté, la beauté instrumentalisée par les Dieux pour dérégler l'ordre du monde l'érigeant en idole funeste d'un carnage mais sans attenter à sa pureté ni mettre en cause son innocence.
Gustave Moreau transcende sans reniement tant sa culture classique, et donc la connaissance du mythe d'Hélène tel qu'il a été transmis par les auteurs antiques grecs et romains dans un registre tragique, qu'il confronte à l'aune du romantisme et d'un mysticisme syncrétique, que sa formation académique à la peinture en bousculant la tradition de la peinture d'histoire.
Rejetant le réalisme et le naturalisme, il substitue "l'immobilité contemplative" au pathos de la gestuelle et l'idée philosophique à la narration, pour accéder à "la sérénité des figures de Michel-Ange" et au "hiératisme des Saints du Quattrocento" dans un geste de somnambulisme idéal".
Le focus sur la figure de Hélène de Troie retrace l'évolution tant conceptuelle que stylistique du peintre, du maniérisme à l'abstraction en passant par le tachisme, avec la représentation d'Hélène dont les traits du visage se délitent, matrone romaine en 1878, reine byzantine de 1880, devant les remparts, Hélène transfigurée avec la somptuosité des enluminures, première étape de la glorification avec Hélène apparition spectrale de désolation devant la Porte de Scée avec l'édulcoration du massacre et dès 1887, Hélène glorifiée accompagnée d'une triade masculine composée du poète, du roi et du guerrier incarnant les valeurs humaines fondamentales que sont l'inspiration poétique, la justice et la vaillance.
L'exposition aborde également à cette occasion les rapports entretenus par la peintre avec le théâtre et l'opéra.
Sont présentés les projets de costumes dessinés par Gustave Moreau pour la comédienne de la Comédie française Julia Bartet dans le rôle-titre de "Bérénice" de Racine, personnage en résonance avec la conception moréenne d'Hélène de Troie, beauté couronnée en majesté, ainsi que les bijoux dont le diadème créé par lalique et inspiré d'une aquarelle du peintre.
A noter l'édition d'un catalogue qui permet d'approfondir la démarche du peintre et, dans le cadre des événements connexes à l'exposition, des soirées de lectures autour du personnage d’Hélène de Troie avec les comédiens de la Comédie-Française dont les prochaines sont prévues pour les 18 et 19 juin 2012. |