"Je te sers quoi ?"... Aaaah ce casse-tête musical, tellement de saveurs : rock, électro, pop, folk à goûter... Aucune idée précise. "Ah tiens, je reconnais certains ingrédients dans celui-là. Je vais tester un cocktail Les Paradis Artificiels, s'il te plaît !". Le maous fit claquer ses doigts et commença à préparer sa mixture. Vous ne serez pas étonné si je vous disais qu'on l'appelait le Grand Mix à Tourcoing...
Les lumières s'éteignirent - peu de monde autour de moi s'était essayé d'emblée au même cocktail – quand je commençais à le siroter. Au premier abord, une saveur légère et discrète : les premières paillettes dorées qui constellent le verre en somme.
C'était une douceur anglaise : Rebecca Mayes. Dans sa robe dorée, elle ressemblait à une femme de viking. En tout cas, c'est l'impression qu'elle me donna quand je m'attardai sur son serre-tête à cornes et sa harpe. Malgré sa timidité – sa première scène française – elle donna de sa voix aérienne et joliment posée. Mettre des mots sur des goûts est un exercice difficile : disons qu'elle me fit penser à des voix féminines folk mais pas que, j'y décelai une certaine puissance... ahh, je l'ai sur le bout de la langue... Cela vous semblera peut-être saugrenu ou inconnu mais je m'arrêtai sur l'idée de Léna Deluxe. Cependant, côté arrangements et paroles, j'étais loin de cette similarité. L'ensemble était beaucoup moins rock. De jolies histoires, gentillettes comme "Lights" par exemple. Il lui manquait cruellement la compagnie de musiciens, cette énergie nécessaire pour lui redonner du souffle et éviter l'ennui. J'avais l'impression de goûter des bonbons roses et je n'aime pas les sucreries.
Mais je ne faisais qu'entamer le breuvage. Les spectateurs commencèrent à s'amonceler soudain. Il avait sûrement besoin d'un remontant, costaud. La redondance est volontaire. A l'affiche, on annonçait Rover. Et, je l'attendai avec impatience, cette saveur ambrée. Je l'avais découvert, comme beaucoup, avec le populaire "Aqualast". Et je m'étais émue par son interprétation, pétri d'émotions.
A son arrivée, il m'impressionna, lui et sa carrure de barraque américaine. Il s'était entouré d'un groupe qui me faisait penser à un re-make de Creedence Clearwater Revival. Je goûtai alors à une ambiance folk rock agréable. Pas trop énervé. Pas trop ennuyeux.
Mais, étonnament, je me disais qu'à l'inverse, de la bien que séduisante anglaise, Rover n'avait (quasiment) pas besoin d'accompagnements. Il a cette voix... je ne peux m'empêcher de la décrire. Dans les intonnations graves, elle me fait penser à un puissant David Bowie.
Mais Rover, malgré les apparences, sait aussi monter en gammes et donner d'une voix cristalline et aigue. Et d'ascensions en dégringolades, je ne pouvais décrocher mes tympans de sa présence vocale. Bref, lui seul aurait suffi. – J'étais enfin transportée.
Il restait encore une saveur à goûter. Et à la fin du cocktail, la chaleur monte indéniablement. La salle était comble. Tout le monde attendait Baxter Dury, l'étonnant, le décalé, l'anglais pur souche.
C'est l'image que je m'en étais faite en écoutant en boucle le dernier album Happy Soup. J'avais beaucoup aimé ces titres très rétros. Et pourtant, en décortiquant sa musique, le mélange est étrange : sa voix non-chanlante – sait-il vraiment chanter ? – des accompagnements très répétitifs et cette voix féminine entêtante, un peu sixties. L'ensemble portait pourtant ses fruits.
Mais quand il donna ses premières notes sur scène, ce fut la grande déception. Baxter Dury est un showman, personne ne pourra le nier. Il fit de longs interludes so british. Mais, il y avait un côté surfait, dérangeant. Mais côté musique, je ne retrouvai pas les arrangements et l'énergie de l'album. Pourtant, les morceaux tant attendus y étaient : "Claire", "Happy Soup". Sans doute l'album était-il trop bien emballé, formaté, je m'étais faite prendre au piège.
Je restai avec sur ma soif (?), une certaine amertume sur la langue. Mais ne m'en déplaise, c'est le jeu du hasard, j'avais quand même pu goûter de fines saveurs, moi l'amoureuse de Heroes. |