Monologue dramatique de Ricardo Montserrat interprété par Henri Botte dans une mise en scène de Christophe Moyer.
"Naz" est un spectacle qui donne la parole à un jeune agité du Nord de la France.
Culte du corps , crâne rasé, narcissisme, colère et rage de se battre : un jeune blanc d’aujourd’hui qui se plonge avec nostalgie sur l’histoire et l’iconographie du Troisième Reich. Hitler et la victoire du nazisme sont ses seuls horizons.
Pourtant Naz ne correspond pas à la figure du paumé ou de l’inculte, manipulé et écervelé. Dans sa tête c’est au contraire bien ordonné, bien argumenté.
Et s’il court sur scène, et montre sa force tel un gymnaste de compétition, on comprend qu’il est davantage une boule de nerf, un concentré de passion explosif, cherchant un exutoire. Il lutte avec désespoir contre ce qui n’est pas dans l’idéal aryen : la maladie, la vieillesse, la débauche, la paresse, la sensiblerie féminine… on ne pleure pas ses morts dans de vains combats à l’extérieur des tribunes de foot, on envie leur destin.
Ricardo Montserrat s’est immergé dans cette population du Nord de la France. Dans un fantastique travail de terrain il les a rencontrés et les a écoutés avec patience et intérêt. Les médias et la classe politique ont vite catalogué le FN comme la Peste sans se soucier des réalités de ses sympathisants, à hauteur d’hommes, sans questionner les responsabilités partagées.
De slogans réducteurs en anathèmes arrogants, une partie de la population se rallie de plus en plus nombreux à cette image fantasmée de la race pure, de la fierté retrouvée et du Français debout. Comme si un programme politique pouvait laver toutes les humiliations, les frustrations et le dépit des éternels dominés/ domi-niés ...
Le metteur en scène Christophe Moyer présente son personnage de manière frontale, il le laisse s’exprimer, se dévoiler, se vider de ses cauchemars devant nous. Monde de violence, de virilité exacerbée donc misogyne et homophobe, vitalité et didactisme : ce personnage donne le tournis, produit un malaise.
C’est pourquoi Moyer propose un débat à l’issue du spectacle afin que chacun se libère et partage ses impressions tellement mélangées parce qu’on s’attache et on comprend. Toute cette haine ne naît-elle pas du sentiment d’exclusion sociale, celle de l’immigré, du colonisé, du provincial.
Henri Botte incarne le personnage, le naz, le nazillon dans un investissement physique extraordinaire. On ne peut qu’admirer son aisance à la fois dans l’énergie du personnage et dans le récit de son argumentation. Henri Botte a également rencontré les jeunes dont parle la pièce, il retranscrit leur fierté blessée et leur appétence de justicier. La preuve que la rencontre est possible même si on ne prend pas les mêmes chemins.
"Naz" est un spectacle à voir au même titre qu'une c’est une expérience à vivre. Par procuration. Si vous étiez dans sa situation, dans son histoire … qui seriez vous aujourd’hui ? |