Ouvrir un livre de Janine Boissard, c’est comme entamer un paquet de biscuits pur beurre aux pépites de chocolat : du sucré, de la douceur, un peu de remplissage et puis, au final, un léger écoeurement. Le thème principal est connu d’avance, car récurrent depuis les débuts de l’auteur : l’importance de la famille. Heureusement pour ses lecteurs fidèles, l’écrivain sait varier les situations, les personnalités et les intrigues qui sèment la zizanie dans les existences souvent trop bien réglées de ses personnages.
Dans Une vie en plus, paru chez Fayard en mars dernier, Janine Boissard s’est inspirée, avec humour, du feuilleton télé Desperate Housewives ; et voilà son héroïne, épouse, mère et salariée comblée, qui décide de devenir femme au foyer, à l’instar des résidentes de Wisteria Lane. A elle la vie douce et tranquille de la ménagère épanouie : regarder grandir ses enfants, mijoter de bons petits plats pour réunir la maisonnée à l’heure des repas, lire, se promener… Quel bonheur !
Bref : le mari, ultra compréhensif, accepte d’entretenir femme et enfants, les ados (Adèle, 16 ans, et les faux jumeaux Elsa et Eugène, 10 ans) imposent leurs conditions pour ne pas être encombrés de cette nouvelle présence maternelle permanente, et voilà Adeline qui se retrouve un beau matin seule chez elle ! Mais, évidemment, rien ne va se dérouler comme prévu : au lieu de la tasse de café dégustée tranquillement devant le dvd des femmes au foyer américaines, une voisine débarque et l’entraîne dans une déchetterie bio (de quoi inspirer les scénaristes de la série américaine !), puis dans une école de musique.
Et là c’est l’émerveillement : ce lieu agit sur Adeline comme une madeleine de Proust ! Son désir de devenir parolière rejaillit soudain, elle repense à ses chansons écrites alors qu’elle n’était qu’une jeune lycéenne, à son rêve brisé par l’avis négatif d’un musicien réputé ; comment a-t-elle pu enfouir cette passion pendant de si longues années ? Pour compléter le tableau de la remise en question existentielle, Mathias arrive ; c’est le propriétaire de l’école de musique. Beau, séduisant, confiant dans les compétences d’Adeline : pourra-t-elle lui résister ? Et, comme aux âmes bien nées, la complicité n’attend pas le nombre des années, elle lui raconte sur le champs son envie (inavouée pourtant même à son époux !) de créer un opéra rock sur le Cid, projet auquel il adhère immédiatement, ce qui leur promet de longues entrevues.
Notre héroïne se retrouve donc dans un tourbillon de sentiments, de musique mais aussi d’hésitations : lui serait-il possible de préserver sa vie familiale tout en s’épanouissant personnellement ? Le beau musicien aura-t-il le rôle de l’ami fidèle, à qui on peut parler des heures et qui permet d’avancer, ou deviendra-t-il l’amant qui ouvre de nouveaux horizons ? Au domicile conjugal, l’époux observe, les enfants traversent des crises… Heureusement que Janine Boissard veille et ajoute des grosses pincées de compréhension, d’amour maternelle, filiale, d’intelligence et de bienveillance pour rendre les choix plus cornéliens et ménager une once de suspens !
Une vie en plus est un livre "charmant". L’auteur assure lors de ses interviews vouloir donner du plaisir aux gens, tout simplement, et elle y réussit plutôt bien. Certes, c’est un peu mièvre, assez facile et puis il y a un petit goût de "bonne morale"… Mais pour se reposer quelques heures sur les plages de la côte atlantique, dans un parc parisien ou même vautré(e) dans son canapé en attendant que la pluie du mois de mai cesse (n’importe où en France cette fois !), cela suffit largement. |