Je ne sais pas si c'est réellement un compliment, mais à l'écoute de "Mars", le titre d'ouverture de ce Cosmic Woo Woo, j'ai songé plusieurs fois à Daniel Dale Johnston. Une impression qui se confirmera plusieurs fois au long de l'album ("In the middle of", "We spent"…). Est-ce la voix légèrement grêle ? L'ambiance de cabaret un peu fou qui règne ici ? La candeur touchante des mélodies et des textes ? David Bartholomé, en tout cas, cultive l'onirisme, la composition impossible, l'atmosphère touchante et évocatrice. Et ça fonctionne.
Bien sûr, les arrangements sont bien plus élaborés que chez Johnston, les compositions bien plus complexes et maîtrisées. Structures complexes qui pourront rappeler un Ben Christophers privé d'électronique – c'est dire si l'univers de David Bartholomé fait le grand écart entre les contraires, en équilibre perpétuel.
Avec cet album solo, le chanteur de Sharko (en pause, mais pas en arrêt) s'offre un exutoire fantasmatique, se fait le plaisir de sortir du registre pop-rock radiophonico-tubesque dans lequel il officiait avec son trio. Il offre ainsi à ses compositions les moins formatées un support de choix, où toutes les inventions lui sont permises.
Les arrangements de l'album sont extrêmement variés, et Bartholomé a su s'entourer, au gré des coups de cœurs, de musiciens aussi différents les uns des autres qu'Hawksley Workman (l'ex-futur David Bowie, vous vous souvenez ? L'une des trajectoires brisées les plus prometteuses de l'histoire du rock à écrire), Anne-Fleur Inizan (cantatrice de l'opéra de la Monnaie de Bruxelles), Haleh Nasiri (chanteuse iranienne), Fanny Berniaux (jeune chanteuse belge, auteur d'un récent Blow up my world), Pascal Deweze (Sukilove, Metal Molly), un joueur de fiddle, une chorale...
Mais la vraie force de Cosmic Woo Woo est que cette originalité n'est jamais débridée, gratuite, fin en soi. David Bartholomé a la grandeur de mettre sa créativité au service de ses compositions, et jamais le contraire. Délicatesse modérée des plus grands, du bois dans lequel on fait les plus beaux albums. |