Elle est souvent difficile à tenir, la limite entre l'influence et le plagiat. Peut-être la solution consiste-t-elle à assumer ouvertement ses racines, comme le fait avec un bel appétit de musique ce Cover my face as the animals cry. Le seul titre de ce premier album de Masquer suffirait déjà à convoquer Pornography, mais l'évocation est plus palpable encore dans la musique elle-même. Ce serait, donc, l'histoire d'une passion pour les Cure...
Que l'auditeur se rassure, le duo suédois n'en reste pas à sa récitation appliquée de la bande à Robert Smith. Il évoque également Siouxsie et ses Banshees, Cocteau Twins, Depeche Mode, les Smashing Pumpkins planants de Gish ou Siamese Dreams, Nirvana, la girly pop à la Madonna et tout ce qui se trouve aux croisements de ces routes-là.
Les dix titres de l'album donnent parfois l'impression d'un quizz pour nerd musical : "retrouve les fragments de nos artistes préférés cachés dans ces compositions originales". On pourra alors sauter au plafond, c'est certain, s'outrant plus à chaque emprunt ou clin d’œil, fustigeant l'absence d'invention, d'originalité ; mais l'on pourra aussi choisir de le prendre comme cela se présente : avec légèreté. On tapera alors du pied en mesure plutôt que du poing sur la table, et l'on pourra se rendre compte que ce premier album de Masquer est tout à fait réussi.
Dans un registre qui reste avant tout cold wave et vintage, le groupe réussit à capter l'attention de l'auditeur pendant quarante minutes complètes, sans un faux pas, sans une faiblesse ; il réussit surtout le tour de force d'être encore passionnant près de trente ans plus tard, de renouveler intégralement le plaisir que l'on aurait pu avoir, à cette époque-là, à découvrir un nouveau groupe digne d'intérêt.
Bien sûr, Cover my face as the animals cry n'est pas à la hauteur artistique d'un Pornography ou d'un Juju, albums historiques instantanés ; bien sûr, on peut vivement espérer que Masquer s'élabore un univers plus personnel avec le temps ; mais il n'y a pas assez dans ces réserves de principe pour que l'on se gâche le plaisir d'un écoute à plusieurs titres jubilatoire. |