Traversée de textes sous la direction de Daniel Mesguich, avec Julie Bertin, Anna Fournier, Sterenn Guirriec, Zita Hanrot, Jade Herbulot, Marek Kossakowski, Timothée Lepeltier, Morgane Nairaud, Martin Nikonoff, Antoine Reinartz, Loïc Riewer, Marie Sambourg, Mathieu Spinosi et Tatiana Spivakova.
Tous les millésimes ne sont pas exceptionnels mais depuis 2-3 ans, force est de constater dans les promotions du CNSAD non seulement une vraie diversité de physiques, de timbres, et donc d'emplois, chez les élèves qui ne sont plus que des jeunes premières aux longs cheveux clairs, insipides et interchangeables ou des bruns ténébreux à la Louis Garrel, mais une plus grande qualité d'interprétation et homogénéité dans chaque promotion.
Existe-t-il un lien de causalité avec le niveau de jeu ? Peut-être. En tout état de cause la qualité de celui-ci est également en progression, ce dont témoignent les représentations publiques notamment dans le cadre de l'exercice des scènes de répertoire.
La traversée de textes proposée par Daniel Mesguich pour ces journées de Juin 2012 avec une partie des élèves de première année s'avère donc un régal d'autant que ce dernier manifeste toujours le souci de créer une vraie scénographie pour chaque scène, avec des intermèdes transitionnels en voix off qui annoncent la scène suivante, et, cerise sur le gâteau, une mise en scène parfois truffée de traits d'humour - tel ce 4ème mur invisible en verre qui vole en éclats sonores sous tir nourri du capitaine Brant - pour ne pas oublier que le théâtre c'est aussi le plaisir de jouer pour le comédien et le divertissement pour le public.
Et pour celui-ci,le spectacle est particulièrement réussi.
Avec les moyens propres du Conservatoire mais également la possibilité de puiser dans les réserves de la Comédie Française et de l'Opéra de Paris, l'époustouflant travail de lumières de Lauriano De La Rosa (la scène des funérailles du Richard III de Shakespeare - un ciel étoilé et une diagonale de lumignons - est superbe) et le judicieux choix de costumes de Dominique Louis, il élabore avec le personnel technique du Conservatoire des scénographies placées sous le signe qu'il affectionne, celui de la flamboyance et de l'esthétisme accompli, même s'il sait se limiter à l'ascétisme rudimentaire du réalisme soviétique pour monter Matei Visniec ou l'incontournable décor rouge et blanc des sixties associé à Pinter.
Placée globalement sous le signe de l'amour selon différentes déclinaisons, le spectacle "Répertoire 2" présente un florilège du répertoire quasiment étranger. Seul auteur français, Victor Hugo avec une scène du drame romantique "Ruy Blas", celle de l'aveu entre Ruy Blas et la Reine à la distribution judicieuse avec Tatiana Spivakova au beau timbre de femme, excellente, et Mathieu Spinosi, physique de Chérubin à la Benjamin Jungers.
Si certains rôles sont écrasants, Loïc Riewer manque encore de métier et de puissance pour incarner Richard III, d'autres trouvent leur interprète comme la belle composition de marin de Martin Nikonoff dans "Le deuil sied à Electre" de Eugène O'Neill.
Certains élèves se démarquent déjà tels Marek Kossakowski, étudiant stagiaire polonais, qui dans le rôle titre de "La résistible ascension d'Arturo Ui" de Bertold Brecht parvient à incarner la bouffonnerie vénéneuse du personnage.
Le public peut apprécier la prestation soutenue de Antoine Reinartz dans "Les Européens" de Howard Barker, le duo loufoque constitué par Timothée Lepeltier et Marie Sambourg, pétillante, dans "L'histoire du communisme racontée aux malades mentaux" de Matei Visniec et la fraîcheur de jeu de Anna Fournier dans "Oncle Vania" de Anton Tchekhov.
Sterenn Guirriec (élève sortante) est parfaite en Cléopâtre hystérique dans une approche de la scène écrite par Shakespeare plus proche de "Mission Cléopatre" que de la tragédie et dans une scène de "La collection" de Harold Pinter, Zita Hanrot et Morgane Nairaud effectuent également un beau travail.
Enfin, Julie Bertin et Jade Herbulot manifestent un tempérament comique explosif dans la scène de falbalas entre les deux coquettes, fashion victimes du 18ème siècle, du premier volet de "La Trilogie de la villégiature" de Carlo Goldoni dans une mise en scène burlesque et jubilatoire qui clôt la soirée de manière particulièrement réjouissante.