Une
affiche aussi alléchante ne pouvait déboucher que
sur une grande soirée.
Réunir the Black Keys et the National, deux groupes, certes
dans un registre un peu différent, parmi les groupes les
plus excitants du moment, ne pouvait en soit être une mauvaise
idée. Surtout qu'ils ont un point commun : la modestie, et
le travail.
The Cuts comme mise en bouche. Plutôt
plaisant, même si le groupe semble déjà vu quelque
part, entre the Thrills pour les mélodies
légères et la voix incertaine du chanteur, The
Hives pour le gros son et la présence d'un clavier,
une sorte de Supergrass bien moins mélodique.
The Cuts traversent la salle vide et grimpent sur scène.
Alors on se dit "chouette ça commence, le public va
enfin se montrer". Mais non. L'organisation des concerts est
telle que le public, averti de la set list et de son planning rigoureusement
respecté, ne montre son minois que pour les têtes d'affiche.
Et tant pis pour les découvertes qui devront attendre pour
la consécration. Nul doute que si The Cuts cartonne dans
un an, plus de 30 personnes se proclameront fans des début
pour avoir assister à leur concert avant tout le monde...
La musique des Cuts est bien écrite, même si la voix
du chanteur pêche un peu. A suivre ou pas, mais rien de révolutionnaire.
Avant le concert de The National, c'est
l'inquétude. Le public new yorkais va-t-il enfin se pointer?
La réponse est oui, la salle se remplit dès la première
chanson. Pendant 45 minutes, pas plus, le groupe va distiller son
génie musical, ces chansons à l'écriture fine
mais à l'atmosphère intense, tendre sur le début,
tendue sur la fin.
Le groupe rallonge certains morceaux d'un passage instrumental
digne des groupes de post-rock, digne de Manitoba
ou, côté electro, Death in Vegas.
"Murder Me Rachel", extrait
de Sad Songs For Dirty Lovers, en
est l'exemple le plus marquant. D'une introduction posée,
les instruments montent en puissance, et la voix du chanteur s'énerve.
La tension est intenable.The National est un groupe magique en concert.
"Cherry Tree", extrait du
mini album éponyme, sera l'apogée de ce concert.
Une oreille attentive aura entendu des morceaux inconnus, qui augurent
certainement un album prochain.
Il faut ensuite se décharger de la lourde tension de The
National, pour se plonger dans une toute autre atmosphère,
moite, humide, crade. The Black Keys,
un formidable groupe de l'Ohio, qui s'est fait connaître en
2002 avec Thickfreakness. Rubber
Factory, sorti début septembre aux USA, est une surprenante
confirmation de la capacité du groupe à allier blues
et rock, à renouveler un genre dont on entend surtout les
re-éditions. Les paroles sont moins mélancoliques
que the National, les chansons plus courtes et sans progression.
Mais quel bonheur que d'entendre leur introduction, soit trois accords
de guitare, soit des percussions caractéristiques...
On s'imagine volontiers, depuis the Bowery Ballroom, salle moderne
mais classieuse, dans un pick-up Chevrolet attendant le pompiste
au milieu de la Lousianne. La radio crache un vieux blues, il fait
chaud.
"10 A.M. Automatic", premier
single de l'album, sert d'entrée en matière. L'atmosphère
ne descendra pas jusque la fin du concert. Certaines mauvaises langues,
analysant the Black Keys comme on analyse The
White Stripes, dont la formation batterie/guitare est identique,
jugeraient nécessaire l'apport d'une basse pour alourdir
l'atmosphère. Elle est déjà bien lourde, et
c'est la magie de ce groupe, que de créer sur scène,
avec si peu de choses, une telle ambiance.
Ne ratez pas les Black Keys, ils vous apporteront un morceau de
l'Amérique, sans ses inconvénients.
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