Était-ce un choix judicieux de la part de Theo Hakola que de venir fêter au milieu de l'été parisien la sortie de son nouvel album à la Flèche d'Or ? Au regard du nombre de personnes qui s'étaient déplacées soir-là, et de l'ambiance qui régnait dans la salle, on peut penser que oui.
Il faut dire que l'affiche était alléchante car outre le sieur Hakola, on trouvait deux autres groupes de la même famille d'artistes en première partie, tout d'abord Arlt et ensuite Bertrand Belin.
C'est donc Arlt qui ouvre le bal. Mocke, guitariste d'Holden, producteur du premier album mais dont le nom est désormais inscrit sur la pochette du dernier né du groupe, Feu La Figure a rejoint Eloïse Decazes et Sing Sing sur scène. Les chansons de Arlt, ce sont des sortes de courts poèmes surréalistes flottant sur une musique de variétés minimaliste. Aux très réussis "Le pistolet", "Rhinocéros" ou "Chien mort, mi amor", Mocke amène de petites touches lumineuses de guitare électrique en écho aux deux voix d'Eloïse Decazes et de Sing Sing. Une belle entrée en matière alors que la salle est encore éclairée par la lumière du jour.
C'est ensuite Bertrand Belin qui prend la scène, là encore en trio.
La pop élégante, parfois teintée de rythmique jazz, soutient la voix nonchalante et des textes pince-sans-rire. Bertrand Belin, dont le dernier album Hypernuit est sorti depuis deux ans déjà, continue à surprendre avec les chansons de cet album qu'il décline avec force et ambition en live. Bertrand Berlin semble, avec le temps, avoir lâché ses mots, leur avoir laissé de l'espace et de la liberté. Un groupe au sommet de son art, qui parvient à conjuguer maîtrise formelle et émotion.
Dans la salle, on croise d'autres musiciens qui ont déjà collaboré avec les artistes qui se succèdent sur scène, au premier rang desquels on reconnaît JP Nataf ou Barbara Carlotti, d'autres orfèvres de la pop à l'esprit aventureux.
Puis vient enfin Theo Hakola. L'américain exilé à Paris depuis 1978 est un touche-à-tout qui a écrit des romans, des pièces de théâtre, été acteur et a donné des cours sur la guerre d'Espagne à l'Université d'Antioch dans l'Ohio, a fondé les groupes Orchestre Rouge, puis Passion Fodder, produit le premier Noir Désir...
This Land is not your land est son sixième album en solo et son premier après une demie-décennie consacrée à d'autres aventures. C'est donc peu dire que l'attente était forte. Le temps d'installer les instruments, et les musiciens entrent en scène. Tatiana Mladenovitch s'est changée pour se vêtir de noir comme les autres musiciens. La batteuse des Wobbly Ashes, les musiciens de Theo Hakola, est en effet aussi la batteuse de Bertrand Belin, ainsi que la tête pensante des étonnants Fiodor Dream Dog dont le deuxième album vient de sortir. Les autres musiciens sont aussi des fidèles de Theo puisqu'on retrouve Mathieu Texier, Laureline Prod'homme et surtout Bénédicte Villain au violon, alias Louise Michelle, qui faisait déjà partie de Passion Fodder.
Theo Hakola est à l'aise, s'adresse souvent au public pour raconter des anecdotes, la plupart du temps imaginaires, de sa voix nasillarde dont l'accent américain ne s'est jamais effacé.
Le concert durera environ 90 minutes. De nombreuses chansons du nouvel album seront interprétées "Wesley Everest", "Ilmaren's Lament", "Dead Souls Singing" et bien entendu "This land is Not Your Land".
Theo Hakola n'a rien perdu de sa verve, de son humour, ni de son engagement politique. En cours de set, deux chansons en français viendront s'insérer à cette tracklist presque exclusivement chantée dans la langue de Woodie Guthrie : "Prière Profane" et "O Tendre Jeunesse". En rappel, Theo Hakola chantera "And bleed that river dry", une des chansons emblématiques de Passion Fodder. De très belles retrouvailles avec ce personnage unique et incontournable de la scène rock française.
Pour information, l'album de Theo Hakola This Is Not Your Land est désormais en vente au format CD et sur les plateformes de téléchargement, mais une version vinyle doit être produite à l'automne par les Disques du 7e Ciel dont on apprécie toujours l'élégance des illustrations et les matières utilisées pour fabriquer les pochettes. |